dimanche, juin 07, 2020







regarde 

de tous tes yeux 

regarde






la fonction principale de l’Univers 

revient à la comparer à 

une vaste 

machine à lui fabriquer 

des yeux













































même

une syllabe commune

à deux noms différents suffisait à ma mémoire

comme à un électricien

qui se contente du moindre corps bien conducteur

pour rétablir le contact…


Albertine disparue


*








un troisième 


une absence bien réjouissante

il 
feint de parler 
à 

une jeune fille

et 
tout à coup victime de la précision 
d’

un tendre souvenir 

et 
sans même
à la correction des épreuves
s’apercevoir de l’involontaire aveu 
écrit 

enlève tes chaussettes
au lieu de enlève tes bas

le 
même
quand il mange 
un abricot
 
se soucie-t-il de savoir 
si le fruit est mâle ou 
femelle 


mon corps et moi



*

AA  lettre au docteur



on apprend 

dans la tradition occulte 

que le chou 

est la forme que prend le néant 

pour se manifester 

à la conscience humaine 




cela 

je ne l’invente pas 

mais je l’ai lu dans des livres d’occultisme 

et de magie



or 

d’après ces livres 

il paraîtrait que Satan 

le hasard 

issu de l’inexistant

se serait servi de cette forme pour composer 

l’organe sexuel féminin

etc., etc.





























la 
montagne
couverte 
d’

une jungle épaisse 
semblable 
à 

un tapis 
de caoutchouc mousse
glissa sous le ventre brillant du vieux 
Mitchell

derrière l’avion  les constructions blanches de Tamini n’étaient déjà plus qu’une agglomération de cubes minuscule à laquelle un grouillement humain conférait 
une vie de fourmilière


Lire et écrire








de tout ce qui est écrit

je n’aime que ce que l’on écrit avec

son propre sang


écris avec du sang et tu apprendras

que le sang est esprit


il n’est pas facile

de comprendre du sang étranger :


je hais tous les paresseux qui lisent

celui qui connaît le lecteur ne fait plus rien pour le lecteur


encore un siècle de lecteurs 

et l’esprit même sentira mauvais




je pourrais écrire 
des pubs pour les déodorants ou 
des étiquettes pour les bouteilles de ketchup  
s'il le fallait

le miracle qui consiste à transformer des idées en pensées  et des pensées en mots  et de donner vie aux mots par le métal et l'encre d'imprimerie ne perd jamais de sa force pour moi






dans l'ancienne Egypte

Osiris 

régnait sur le royaume des morts


au Jugement dernier

dans l’un des plateaux de la balance

le mort déposait son cœur

dans l'autre 

Anubis 

posait la plume de la Vérité



Thot 

le scribe inscrivait le résultat 

si le cœur était aussi léger que la plume

Osiris

prononçait la parole qui ressuscite 



Passe

tu es pur






























il y a 

non seulement d’étranges voyages en ville
mais des voyages
sur place

je ne pense pas 
aux drogués dont l’expérience
est trop ambiguë mais plutôt aux véritables
nomades

c’est
à propos de ces nomades que je peux dire
comme suggère
Toynbee

ils ne bougent pas

ils sont nomades à force 












de ne pas bouger
de ne pas migrer
de tenir

un espace lisse 
qu’ils refusent de quitter
et qu’ils ne quittent que pour conquérir 
et mourir









voyage 
sur 
place


est 
le 
nom 
de 
toutes 
les 
intensités

































depuis 
tout ce temps 
que 

je me débats 

avec le démon de la 

citation 

avec le surmoi de la 

citation

avec la compulsion de la 

citation 

avec le dégoût la névrose l’amour de la 

citation









je ne sais pas si j’en ai trouvé le juste usage mais il m’est arrivé de penser qu’au lieu de continuer à écrire des livres  je pourrais faire œuvre de scribe  moine copiste devenu assez idiot pour ne même plus penser au salut de son âme mais vivant sa tâche de copieur dans l’absurdité mystique de chaque instant  quelque chose comme 

un  
en lisant en écrivant  
que j’aurais pris au pied 
de la lettre  copiant infiniment 
toutes les phrases qui me plaisent 
en 

un florilège infini 
avec ce seul sentiment de les glisser 
comme des images 
dans 

un album 
que je remplirais patiemment 
quotidiennement m’occupant à le concevoir 
autant peut-être que si 
je faisais 

une maquette 
un puzzle 
ou quelque autre artisanat qui confond
si bien ses moyens 
et ses fins



Icebergs




































points d'interrogations sur mille huit cent vingt



les interlignes
se couchent-elles sous
des phrases pour s’accoupler
avec le vide


?










l’alphabet
reconnaît-il son intensité
lorsqu’il se déguise en une énergie 


?



te mélanges-tu
avec le réel grâce à
un décalage entre ta présence
et tes rêves


?



les lettres
parlent-elles de nous-mêmes
lorsqu’elles sont lues en silence


?



te réjouis-tu
au moyen d’une angoisse 
qui intensifie tes extases bestiales

?




les choses
se dissolvent-elles
dans des formes qui court-circuitent
la matière des causes


?



ma langue
prend-elle corps
dans mon silence si j’écris
pour avoir peur de mes paroles

?






une 
énergie

un 
décalage

une 
angoisse 



























pour moi 

le choix est encore impossible 

entre 

Dieu et l’Evolution 

entre 

le plein et l’atome


tout ce que je regarde 

est de plus en plus hanté par l’atome 


c’est-à-dire que la beauté  elle-même 

m’est de plus en plus 

interdite








en ce sens que dans toute chose

tout événement devant moi 

paysage

corps 

ciel  etc 

je vois immédiatement sa désintégration 

son inexistence en somme  


et comment aimer humainement corps humain

esprit de ce corps

cœur de ce corps 

quand

en quelques secondes

sa forme en quelque sorte disparaît

pour vous

dans l’abondance infinie de sa composition 

atomique 



comment à plus forte raison y trouver 

de la beauté 





Mais il faut admirer

aimer 

et donc vivre malgré tout en connaissance 

de cause 

et n’est-ce pas au fond 

ce que l’art dans son ensemble universel 

nous apprend chaque fois 

?

















































Je ne regrette pas les orgies de livres. 

Je me sens comme au temps de la gestation de Masse et Puissance. 

A l’époque déjà, tout passait par l’aventure avec les livres. 

Lorsque 

je n’avais pas d’argent, à Vienne, 

je dépensais en livres tout l’argent que je n’avais pas. 

Même à Londres, au temps des vaches maigres, 

je réussissais encore, de temps à autre, à acheter des livres. 













Je n’ai jamais appris quelque chose de façon systématique

comme d’autres gens, mais uniquement dans la fièvre soudaine de l’émotion. 

Le déclenchement se produisait toujours de la même manière, à savoir que mon regard tombait sur un livre, et il me le fallait. 

Le geste consistant à s’en saisir, le plaisir de flamber son avoir, d’emporter le livre à la maison ou dans le café le plus proche, de le contempler, le caresser, le feuilleter, le mettre de côté, de le redécouvrir le moment venu, parfois des années plus tard — tout cela fait partie d’un processus créatif dont les rouages cachés m’échappent. 

Mais cela ne se passe jamais autrement chez moi et il me faudra donc acheter des livres jusqu’à mon dernier souffle, en particulier lorsqu’il m’apparaîtra que 
je ne les lirai sans doute jamais.



Vraisemblablement est-ce encore là une manière de défier la mort. 

Je ne veux pas savoir lesquels, parmi ces livres, ne seront jamais lus. 

Leur sort, à cet égard, demeurera incertain jusqu’à la fin. 

J’ai la liberté du choix : parmi tous les livres qui m’entourent 

je puis, à tout moment, choisir librement, et le cours même de la vie, de ce fait, repose en ma main.



Quelqu’un remet à plus tard, d’année en année, ses ouvrages les plus importants. 

Il sait qu’il ne peut pas mourir avant de les avoir livrés mais, contre la mort, il n’est ruse qui ne lui paraisse licite.















































Grande stèle 
des mystères d'Éleusis  

Déméter 
remet les grains à Triptolème 
sous les yeux de 
Coré

Musée 
national archéologique d'Athènes











toutes 
les grandes traditions 
initiatiques 

l'école grecque des 
Mystères d’Éleusis et de Samothrace 

l'école des mystères 
de l’Égypte antique du temple de Dendérah 
près de Thèbes

les académies 
chaldéenne et juive

les collèges 
de brahmanes hindous

les Mages de Perse

les Gymnosophistes d’Éthiopie

les Mystères druidiques...

enseignaient 
la résistance de l'être 
humain au sommeil celui de 
son esprit... 

ils concernaient 
les trois états de conscience de l’être humain 
sur terre

d’abord 
la conscience de la mort  

l'âme hors 

du 

trépas 

soit 
le troisième pas 
après la naissance et la vie 
dans le corps de chair

puis l’accès 
à la conscience de sa résurrection

enfin l'accès à celle de son ascension de son évolution  soit l'acceptation du divin en soi  sans séparation  en comprenant et en ressentant qu'il n'y a pas de Dieu au-dehors  que tous et tout ne font qu'


UN 

l'incompris 

devient ainsi 

l' Un compris



les sept sacrements de l’Église chrétienne sont tous basés sur les rites d'initiation de l'école égyptienne  pourtant interdits par l’Église romaine et le pape de Rome depuis le Concile de Nicée de l'an 320...

ainsi le repas sacré de l'Eucharistie la Cène où le vin symbolisait l'esprit venu du Créateur, le pain le corps de l'incarnation physique  et l'eau ajoutée au vin l'âme  qui enregistrait les expériences d'incarnation de l'individu

quant à la Croix  elle symbolisait non la souffrance d'une mort terrible mais l'harmonisation du vertical et de l'horizontal  l'instant où nous parvenons à équilibrer le spirituel et le matériel en nous-mêmes

clé de la manière dont l'Univers fonctionne  elle est devenue le symbole des additions et des multiplications  soit l'évolution de la vie  non la mort 


















































le banian 

l’arbre de la connaissance suprême

arbre 
symbolique 
chez les hindouistes 
et les bouddhistes  le banian 
de l’Inde est l’une des plus insolites 
preuves de la créativité 
de la nature

il nous 
ouvre l’accès à 

un ailleurs 
pas seulement exotique










la Bhagavad-Gitâ le chant du Divin reprend  les 18 chapitres centraux du Mahabharata  l’un des textes les plus importants de l’hindouisme 

c’est un grandiose poème épique en sanskrit du IIe siècle av. J.C. 
dans l’un de ses versets la Bhagavad-Gitâ fait référence au banian 

le seigneur bienheureux dit 

il existe un arbre le banian dont les racines pointent vers le haut et vers le bas pointent les branches  ses feuilles sont les hymnes védiques

qui le connaît connaît les Védas

Autrement dit 
les enseignements de la connaissance 

véda ultime

dans le même ouvrage
un moine hindou swami Prabhupada  poursuit : 

celui 
qui cherche à s’échapper de l’existence matérielle 
doit connaître le banian en profondeur  
en l’étudiant de façon 
analytique

alors 
il pourra trancher les liens qui 
l’y retiennent



cet arbre 
nous attend en Asie

et
à nos yeux 
d’occidentaux 
il pourrait apparaître 
comme un symbole de solidarité 
et d’interdépendance