jeudi, mars 05, 2020





Marvin Kuhr

photographe

*










son corps
est-il la fin du monde

?

UNE ERREUR
respire avec tous nos organes


un délice glissant

une colombe qui respire

une position
délimitée par l'orage

là où je suis

un délice 
dans une position délimitée

et
voici
le regard
comme à vif
rendu à son aube

bien au-delà 
du peu

l'eau 
ailée du petit pire

écho et cause

le regard promène

une 
lecture
lacunaire

le mot pied
ose
le mot pierre

c'est alors
la totalité du monde
qui recule

peau fine
paupière finale
fœtale 
fatale
philosophale

dans 
le chant de la carpe

l'oeil 
s'affaire
et recompose 
un ordre habitable



le
mau
le mauve
le mauvais pas

voici
les cercles
qui creusent
l'absence autour 
des yeux

il 
est
il est né

passionné il est né
à la nage

passionnément

le champs était
une île
nue

l'univers
respire par sa poitrine

elle
a des yeux
de verre bleu
une orbite fascinée 

les marins y viennent surtout
acheter les vents
noués

dans 
le désordre allusif des objets



deux
le grand vent
trois le malheur

poésie

laissez les statues de brouillard
se défaire dans
la brume

le réel 
s'est imprégné de tous nos tissus







































POURQUOI

les pierres



sont-elles davantage
durcies par l'eau chaude
que par l'eau
froide

?

est-ce
parce que les pierres
naissent quand l'humide
vient à manquer


que l'humide vient
davantage à manquer
sous l'effet du chaud que sous
l'effet du froid

et que 
la pétrification
est produite par le chaud
à la façon dont Empédocle
déclare que les rochers les pierres
et les eaux chaudes 
se produisent



pour ce qui est visible

les 
escarpements
les promontoires et
les rochers

Empédocle 

croit 
qu'ils ont été mis en place
et dressés par l'effet du feu qui est 
dans les profondeurs
de la terre






































note 
rapide 
sur 

une image











je
me demandais
par quels 
signes

je
pourrais bien 
recevoir

une
réponse

dans la simple
contemplation de superbes
paysages



je
me rappelai
que 
l'Ange
de Gitta avait 
dit




si
tu prêtes l'oreille

même 

les 
pierres 
parleront











































une parole
énoncée et transmise

avec

un 
début

et

une fin




chaque 
syllabe a été prononcée 
dans l'ordre

la 
deuxième après la 
première

la
troisième après la 
deuxième

ainsi de suite
jusqu'à la dernière
qui a suivi toutes les autres

jusqu'au silence
qui a suivi la dernière

c'est 
clair et net




jamais 
ce qui est dit ne 
finit

on 
ne dit pas

une 
chose
après l'autre
pour que tout soit 
dit

mais
tout est dit 
ensemble et pour
toujours

autrement
c'est déjà le temps et le changement

et non plus
la vraie éternité
et la vraie immortalité 




































nous 
ne faisons qu'apparaître
dans

un monde

soumis comme nous
au pouvoir du
temps

et puis partir




montagne 
rivières cyprès fleuve désert mer
sable nuage
cailloux


mais
quelque soit 
l'accumulation

il y a
toujours

un reste
ce qu'on aura pas dit

prisonnier
d'

un soudain 
engourdissement du réel
d'

un 
appesantissement 
du monde

peut-être
la désinvolture
est-elle encore pire
que l'indifférence

?

une 
attention 
extrême pour les choses


la vie a disparu
comme elle était venue

comme
un monde

ou 
comme
une pensée

un
signal


le 
multiple 
pur a fait turbulence


il 
revient
à la cendre multiplié





































TABLE

l'éclaircie

en proie aux apparences












par fragments s'approcher
Josef Sima

grands nus dressés
Alberto Giacometti

sous le disque froid
Bram van Velde

une tranquille approche
Denise Esteban

entre surgir et disparaître
Pierre Tal-Coat

rivages bordé du nuit
Raoul Ubac

l'épaisseur du réel
Nicolas de Staël

vague épanchement du regard



les chemins de la vue

J-C Scheinder 






































Blue Form in a Scene

1961

Helen Frankenthaler

*





pourquoi

demandait 
au tournant du siècle

un 
questionneur 
de l'incommunicable

pourquoi

les couleurs
ne seraient-elles pas sœurs
des douleurs

puisque
les unes comme les autres
nous attirent dans 
l'éternel

?




































Raoul Ubac

*

Au commencement

une désaffection 
envers les mots et leur pouvoir
discrédité







puis

après 
que quelques visions 
de peintres ou
de sculpteurs ont inscrit 
dans le murmure
de la mémoire 
des chemins reconnus plus
proches

le regard 
retourne au visible

à cette demeure instable 
où la lecture
des apparences sous la lumière
a lieu

le réel
s'est imprégné
de tous nos tissus

respire
avec 
tous nos organes

et 
voici
le regard
comme à vif
rendu à son aube



Jean-Claude Schneider
les chemins de la vue
Deyrolle éditeur