jeudi, janvier 09, 2020



Apeiron Autisme Benandanti Bruche du pois  Churinga, Cladistique  Clinamen  Cloche  Conjectural Contrapontique  État d’exception  Fantômes  Fossiles  Géologie  Geschick  Haillons  Harmoniques Hétérochronies développement  Hybris  Justitium  Leitfossil  Loimos  Magie  Mana  Mantique Mélodie  Myxomycète  Paregklisis  Phylogenèse  Prodigium ou prodig)  Realität  Scenopoïetes Spectres  Tibicines  Transitionnels objets  Unbestimmtheit  Unheimlichkeit


comme 

une 
musique 

mais pas 

une 
musique 

*













Si 
l’artiste
t’oblige à franchir 

un Sahara 
pour atteindre à ce qu’il te donne

c’est lui le coupable


*


l’univers est
l’aire de l’immensité





l’

inspiration
créatrice coule plus
richement

et

les
muscles fonctionnent
mieux !




































La période que ponctuent ces deux cent quarante-huit lettres de Philippe Sollers à Dominique Rolin est, pour les deux écrivains, un temps de création intense, sous le signe stable et dynamique de «l'axiome», qui relie indissolublement l'amour à un constant travail d'écriture et de pensée, signant de la sorte la vraie fidélité de l'un à l'autre, dans la vie et sur la page.












Les lettres réunies ici s'avèrent plus brèves que celles de la période précédente (1958-1980) et se mettent à ressembler aux débuts des romans : variations sur les thèmes de Venise, de l'île-bateau (Ré), de l'orage, du sel, des oiseaux, des fleurs, des arbres, du temps qu'il fait, ou encore du lien étrange entre écriture et tennis. 

Interrogations sur l'œuvre en cours. 

Lectures abondantes en écho. Musique, encore et toujours. Un autre filon important traverse ces pages : la politique. Ou plutôt : la manière satirique dont Sollers rend compte de la dégénérescence des politiciens.

Et, en toile de fond, une très émouvante connaissance – et reconnaissance – amoureuse, plus nette et plus singulière au fil des ans et des jours.


*


vendredi
Le Martray, le 25/7/08


Mon amour, MATRÉSOR !

Ce sera, aujourd’hui, la journée des 9 cygnes sauvages noirs qui ont succédé, avant de disparaître, aux cygnes sauvages blancs.

Maintenant, le temps bascule : du bleu on passe au gris (pluie bientôt), et les jours commencent à aller vers toi, comme les plumes à l’océan (image grandiloquente mais vraie).

Je suis en train de rattraper mon retard à la machine. Tu es assise sur mes genoux pendant que je tape, ce qui est un peu encombrant mais joyeux. Domi ! Ma Domi ! Musique !



































se 
reprendre 

de 

se retourner le parti de 

se 
fustiger
littéraire 
blâmer violemment








de chuter 
de s’enfoncer
de se dorloter dans la boue

le parti 
de préférer 






plus on avançait
moins notre territoire nous était familier

nous avions été deux à marcher
mais 

jamais sans cet autre que nous n’avons pas vu
mais qui rendait les rives 
si précieuses



il n’y a pas 
d’intelligence absolue omnisciente  
omnipotente

cette acceptation 
procure à ma propre intelligence son horizon 
de déploiement

ouvre 
son champ d’application et consacre 
sa noblesse

car 
l’élévation vers la Vérité n’a rien 
d’

une 
renonciation 

c’est au contraire l’acte inaugural par lequel ma condition
reconnaissant son caractère fini
sait qu’il lui revient 
d’assumer 

une 
possibilité 
propre

inouïe
originale et singulière
de répliquer à l’absurdité
au malheur
à la violence aveugle





































Philippe Jaroussky 

le chanteur

n'est ni un violon sur lequel les autres gens jouent  ni une boîte à musique remontée par un mécanisme  il est une voix individuelle  un esprit individuel remonté au maximum  et c'est à lui qu'est confiée la tâche d'incarner les idées du compositeur  de donner une existence réelle à la forme qui n'existe que comme une abstraction dans l'esprit du compositeur  le compositeur donne les notes fondamentales et inaltérables qui constituent la forme immuable et expriment un caractère invariable  le chanteur ajoute les notes d'agrément qui complètent et perfectionnent ce qui dans la forme repose sur l'élément physique et qui expriment la subtilité des sentiments toujours changeants  bref  tandis que le compositeur représente le général  le chanteur représente l'individuel







un violon
un esprit

une boîte à musique
une voix
une existence
une abstraction

un caractère































































peut-être 

la colline
et ses nymphes

les arbres  les clairières
les plantes
l’herbe et les feuilles








peut-être 
vert printemps

anis
amande vert de mai
bouteille
épinard viride émeraude et pin parasol

peut-être gazon

le viride 
du latin viridis vert
ou viridien ou vert Guignet est 

une couleur 
pour artistes 
d'

un vert 
bleuté et transparent

chartreuse

peut-être

pavillon
habitation
château
ermitage
villa
couvent
bungalow
campagne
castel
cloître

monastère


céladon prairie
menthe tilleul absinthe

peut-être citron

peut-être 
des écrins de santal et d’écorce

aux ombres des mélèzes

terre de Sienne
rouge indien alezan
noisette
gris de maure cachou
bronze fauve

brun basané

peut-être  cigales


grège
souris tourterelle Trianon
perle argent

peut-être anthracite

instant frêle
mouvement gris
flanelle

midi turquoise
marine
majorelle
lavande paon saphir

peut-être 
électrique et cyan

égyptien
grecs
outremer

peut-être 
vermeil et turc

passe-velours
groseille capucine cinabre et garance
antique et carmin

peut-être bel amour 

de cassis d’encre
de réglisse
de noir animal
d’ébène

peut-être 
de charbon et de jais

pêche aurore
thé
framboise
dragée  bonbon

la chair


































Que l’on écoute 
le rare enregistrement 
d’

un castrat. 











L’imperfection technique, les signes audibles de sa vétusté ne viennent qu’ajouter à l’impression produite : un déchirement. 

Sa voix monte elle aussi comme une déchirure ; ébréchée, c’est l’entaille qui nous atteint tant elle nous donne le sentiment de manquer à chaque instant de se rompre, comme à se couper d’elle-même.


Dès la première note, tout jugement est désarmé et nous demeurons là, sidérés. 

Impossible de la détailler telle une forme offerte à notre contemplation, elle reste insaisissable, non pas fugace ou évanescente mais trop présente au contraire, dans sa ténuité même. 

Le mot manque toujours et c’est nous qui restons sans 

voix.


































je serpente et sillonne

foulant l'herbe humide en corps 6

influençant

sans influer

pour choper ce que tu vises


calthas des marais

groseilliers dorés

tout au bout  depuis depuis

réglisse  raisin d'ours

le lamier clochant 

dans ce pré flétri

pour bander le sol rompu






un tronc aux milles cernes à la cime effrayée

sève fine

fibre haute

pas ici là-bas là-bas pour tenir



superbe grume  écorce annelée et chatoyante

jusqu'à l'amnistie fiscale 


les chemins soyeux

en oiseaux posés  je suis toute voix

tabourets des champs

la graine se cherche

par vol de corbeaux 

bonducs 

phacélies  euphorbes actées à grappes

amélanchiers à feuilles d'aulne

éthéré tandis que sa fin approche
































un poème

dans

une langue inconnue

:

Zaludu fcigliefcmi farchalo od frecche
Kadeu gniemu ti obarzani uecche
Umifto tuoyogha ça ifkah ya freto
Obras moi ftobiegha od glietana glieto
Uarccchiamti darouoy ereni fnami ni
Okade obarz tuoi za moife zamini





































les grès 

Sainte-Anne-d’Évenos 

Var













ici en plein cœur de la Provence
la mer a formé il y a 90 millions d'années
d'étranges et gigantesques concentrations de boules

Au-dessus de ces alvéoles et carapaces
qui semblent avoir été posées par des titans
on trouve des érosions plus classiques du grès


*




la plupart du temps la nature s'en tient à ces désordres d'arrêtes et d'angles chevauchants ou chevauchés  leur poussée à la fois parallèle et contrariée donne l'idée des vagues de la mer ou des cimes des montagnes  telles qu'un géomètre qui s'efforcerait de pénétrer les lois de leur cadence ou de leur mouvement  Roger Caillois



































La chambre du roi

forêt des grès

Annot

*







Socrate

Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s'asseoir à son ancienne place. N'aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein soleil ?

Glaucon

Assurément si.

Socrate

Et s'il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n'ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et avant que  ses yeux se soient remis (puisque l'accoutumance à l'obscurité demandera un certain temps), ne va-t-on pas rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu'étant allé là-haut il en est revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n'est même pas la peine d'essayer d'y monter ? Et si quelqu'un tente de les délier et de les conduire en haut, et qu'ils puissent le tenir en leurs mains et tuer, ne le tueront-ils pas ?

Glaucon

Sans aucun doute.