L'auteur conseille au lecteur de ne saisir ce livre qu'en toute dernière extrémité Et même s'il se contente de l'effleurer qu'il le fasse le jour où son esprit et sa vigilance sont plus aiguisés que d'habitude et qu'il le lise comme s'il allait attraper la fièvre sauteuse cette maladie qui saute un jour sur deux et ne vous donne de la fièvre que les jours féminins de la semaine
Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
dimanche, décembre 15, 2019
les vagues !
Je tiens
une tige à la main
je suis
moi-même la tige
mes racines
s'enfoncent dans les profondeurs
du monde
à travers
l'agiles seiche
et la terre humide
à travers
les veines de plomb
les veines d'argent
mon
corps n'est
qu'
une fibre
toutes
les secousses se répercutent
en moi
et le poids de la terre presse
contre mes
côtes
et puis d’un coup
ne plus savoir quoi faire
te retrouver inactif
pas de route à parcourir
de voiture à charger
à décharger
pas de mécanique à vérifier
pas de campement à installer
la fatigue
accumulée qui retombe
d’un coup
le vide
te réhabituer doucement
t’occuper comme tu peux
te trouver quelque chose à faire
te réhabituer à ne pas rouler
ne plus être itinérant
te dire que demain tu seras encore ici
et puis le lendemain aussi
tu hésites
rester ici
repartir — vers où ?
c’est idiot
mais le froid te manques un peu
le froid qui revigore
tu décides de rester
tu rentres
les mots glissent
quelques lettres
s'effacent légèrement
certaines tombent du livre
d'autres se fondent au papier
jusqu'à disparaître totalement en lui
le papier lui même s'étire
se plie
se craquelle
des pages se collent
elles tentent de redevenir bloc
de redevenir bois
le livre essaie de prendre vie…
les structures mêmes du livre
commencent à prendre racine en moi
ma peau ressemble
de plus en plus à du papier
mon sang à de l'encre
je sens ses fibres renaître
l'arbre réapparaître
l'arbre d'avant le livre
celui
qui lui a donné naissance
c'est
le livre qui rêve en moi
il prends
corps en mon corps
c'est
le livre qui rêve
Phrases
auto-référentes
de Douglas R. Hofstadter
Cette phrase
prétend être un paradoxe d'Epiménide,
mais elle ment
nota bene : c'est une phrase subtile avec un degré de lecture complémentaire puisque cette phrase auto-référente fait référence justement au paradoxe du crétois menteur "inventé" par Epiménide
La phrase anglaise
This sentence in English is difficult to translate into French
est difficile à traduire en français
Cette phrase
se contredit - ou plutôt - mais au fond,
non, il n'en est rien
Je suis sûre
que vous m'avez déjà lue quelque part
Cète phrase
n'est pas auto-référentielle parce que "cète"
n'est pas un mot
Le lecteur
de cette phrase
n'existe que lorsqu'il me lit
Cette phrase était au passé
Cette phrase
a comporte deux verbes
une préposition. Cette phrase finit
par
Si j'avais fini cette phrase,
cette phrase s'écrit avec trente-huit lettres
Cette phrase
compterait cinq mots
si elle n'en avait sept de moins
Je vais mettre
un point final à cette histoire.
Cette prophétie va se vérifier
Cette phrase
ne vous rappelle-t-elle pas
Agatha Christie ?
Si vous rencontrez
cette phrase sur le tableau,
effacez la
Vous venez, bien sûr,
de commencer à lire la phrase que vous venez
de finir de lire
Cette formule mathématique
n'est pas
une formule
mathématique n'est pas une phrase...
Si cette phrase
était écrit en chinois, elle dirait autre chose
Il ma que
des let res pour bien lire c tte ph ase
Je n'ai rien à quoi faire allusion,
et c'est à cela que je fais allusion
Quelle est la question qui mentionne
le mot "parapluie" sans raison apparente ?
Je ne suis pas
le sujet de cette phrase
Je suis la pensée
que vous êtes en train de penser
Je parie
que jamais je ne parierai
Je suis
le sens de cette phrase
La phrase suivante est existe.
La phrase précédente existe
Une autre phrase référentielle que je vous donne :
il y a sept mots,
cette phrase n'avait pas encore commencé
Avec cinq mots de moins,
cette phrase ferait cinq mots
Si vous estimez que cette phrase est confuse,
changez juste un cochon
Cette phrase est auto-référentielle
Je n'ai rien à dire,
et c'est ce que je dis
Tout l'intérêt de cette phrase
tient à ce que l'on veut clairement y faire
comprendre en quoi consiste tout l'intérêt de cette phrase
illustration
Un exemple célèbre d'Escher :
ambigramme et autoréférence
Venue de l'imperceptible
convexité de l’œil
ce par quoi on sait que la Terre
est ronde l'éternité est circulaire
mais plate
Le coussin est (montagne) érosion
le tapis pénéplaine
Il n'y a plus de déchirure
dans l'espace ni dans moi
le monde avant qu'il ne se
plisse,une ondulation d'herbes
entre l'est et l'ouest
Une ligne imaginaire va parcourir
ce balancement oblique
On sait que les eaux
s'y partageraient s'il y avait
de l'eau
Mais il y a seulement
cette soif de pliure
Des silhouettes se superposent
Le long de cette arête fictive
immobiles dans leur mouvement
Chaque instant est persistance et mémoire
L'horizon dans son absence
est une hésitation émoussée
La préfiguration tremblante
du corral
où se tapit sa catastrophe
Éternité, Georges PEREC