dimanche, décembre 15, 2019



L'auteur conseille au lecteur de ne saisir ce livre qu'en toute dernière extrémité  Et même s'il se contente de l'effleurer  qu'il le fasse le jour où son esprit et sa vigilance sont plus aiguisés que d'habitude  et qu'il le  lise comme s'il allait attraper la fièvre sauteuse cette maladie qui saute un jour sur deux et ne vous donne de la fièvre que les jours féminins de la semaine





































les vagues !

Je tiens 
une tige à la main

je suis 
moi-même la tige







mes racines 
s'enfoncent dans les profondeurs 
du monde


à travers 
l'agiles seiche 
et la terre humide


à travers 
les veines de plomb 
les veines d'argent


mon 
corps n'est 
qu'

une fibre



toutes 
les secousses se répercutent 
en moi 


et le poids de la terre presse 
contre mes 
côtes








































et puis d’un coup
ne plus savoir quoi faire

te retrouver inactif

pas de route à parcourir
de voiture à charger
à décharger










pas de mécanique à vérifier
pas de campement à installer

la fatigue
accumulée qui retombe
d’un coup

le vide

te réhabituer doucement
t’occuper comme tu peux

te trouver quelque chose à faire
te réhabituer à ne pas rouler
ne plus être itinérant

te dire que demain tu seras encore ici
et puis le lendemain aussi




tu hésites
rester ici
repartir — vers où ?

c’est idiot
mais le froid te manques un peu

le froid qui revigore


tu décides de rester
tu rentres




































les mots glissent

quelques lettres 

s'effacent légèrement

certaines tombent du livre
d'autres se fondent au papier 


jusqu'à disparaître totalement en lui









le papier lui même s'étire 

se plie
se craquelle

des pages se collent

elles tentent de redevenir bloc

de redevenir bois 
le livre essaie de prendre vie…

les structures mêmes du livre 

commencent à prendre racine en moi

ma peau ressemble 

de plus en plus à du papier

mon sang à de l'encre


je sens ses fibres renaître

l'arbre réapparaître

l'arbre d'avant le livre


celui 
qui lui a donné naissance

c'est 

le livre qui rêve en moi

il prends 

corps en mon corps

c'est 

le livre qui rêve



































Phrases 
auto-référentes 
de Douglas R. Hofstadter 


Cette phrase
prétend être un paradoxe d'Epiménide,
mais elle ment

nota bene : c'est une phrase subtile avec un degré de lecture complémentaire puisque cette phrase auto-référente fait référence justement au paradoxe du crétois menteur "inventé" par Epiménide








La phrase anglaise
This sentence in English is difficult to translate into French
est difficile à traduire en français

Cette phrase
se contredit - ou plutôt - mais au fond,
non, il n'en est rien

Je suis sûre
que vous m'avez déjà lue quelque part

Cète phrase
n'est pas auto-référentielle parce que "cète"
n'est pas un mot

Le lecteur
de cette phrase
n'existe que lorsqu'il me lit

Cette phrase était au passé

Cette phrase
a comporte deux verbes

une préposition. Cette phrase finit
par

Si j'avais fini cette phrase,

cette phrase s'écrit avec trente-huit lettres

Cette phrase
compterait cinq mots
si elle n'en avait sept de moins

Je vais mettre
un point final à cette histoire.

Cette prophétie va se vérifier

Cette phrase
ne vous rappelle-t-elle pas
Agatha Christie ?

Si vous rencontrez
cette phrase sur le tableau,
effacez la


Vous venez, bien sûr,
de commencer à lire la phrase que vous venez
de finir de lire

Cette formule mathématique
n'est pas

une formule 
mathématique n'est pas une phrase...

Si cette phrase
était écrit en chinois, elle dirait autre chose

Il ma que
des let res pour bien lire c tte ph ase

Je n'ai rien à quoi faire allusion,
et c'est à cela que je fais allusion

Quelle est la question qui mentionne
le mot "parapluie" sans raison apparente ?

Je ne suis pas
le sujet de cette phrase

Je suis la pensée
que vous êtes en train de penser

Je parie
que jamais je ne parierai

Je suis
le sens de cette phrase

La phrase suivante est existe.
La phrase précédente existe

Une autre phrase référentielle que je vous donne :
il y a sept mots, 
cette phrase n'avait pas encore commencé

Avec cinq mots de moins,
cette phrase ferait cinq mots

Si vous estimez que cette phrase est confuse,
changez juste un cochon

Cette phrase est auto-référentielle

Je n'ai rien à dire,
et c'est ce que je dis

Tout l'intérêt de cette phrase
tient à ce que l'on veut clairement y faire
comprendre en quoi consiste tout l'intérêt de cette phrase



illustration
Un exemple célèbre d'Escher : 
ambigramme et autoréférence






































Venue de l'imperceptible
convexité de l’œil

ce par quoi on sait que la Terre 
est ronde l'éternité est circulaire
mais plate

Le coussin est (montagne) érosion
le tapis pénéplaine







Il n'y a plus de déchirure
dans l'espace ni dans moi

le monde avant qu'il ne se
plisse,une ondulation d'herbes
entre l'est et l'ouest

Une ligne imaginaire va parcourir
ce balancement oblique

On sait que les eaux
s'y partageraient s'il y avait
de l'eau

Mais il y a seulement
cette soif de pliure

Des silhouettes se superposent

Le long de cette arête fictive
immobiles dans leur mouvement

Chaque instant est persistance et mémoire

L'horizon dans son absence
est une hésitation émoussée

La préfiguration tremblante
du corral
où se tapit sa catastrophe

Éternité, Georges PEREC