dimanche, novembre 17, 2019





ici même
c’est la lampe 

la pomme  
la statue d’ivoire 
la fontaine 

dont il veut entendre la leçon









c’est des fleurs 
du petit flacon renversé 
de la bougie éteinte 

dont il faut se nourrir les yeux

n’en pas être las

regarder

et en écouter la mélodie passagère
le chant fuguant

car tout autour veut qu’on l’écoute
nous dit Rilke

tout autour nous parle

les choses disent quelque chose de nous
nous disent
puisque nous passons 
dès lors que nous quittons la terre
constamment
perpétuellement 
et qu’elles demeurent seules habitantes

Nous ne faisons que cohabiter avec elles
et que passer 
nous fugitifs et éphémères 
transitoires 
dans 

un monde d’objets

aussi nous faut-il 
nous dit Rilke 
être élève des choses du monde
pour mieux en entendre la leçon

demander
comme le fait Rilke
à l’eau de garder souvenir de notre main
qui passera 

et quêter
dedans la fenêtre
la part d’ombre
la part de fenêtre
qui sont soudain entremêlées 

Rilke
fixe des riens

des vides
des silences
et cherche à faire dialoguer 
le visible avec l’invisible
les choses avec des dieux absents

fait 

une curieuse 
moisson de riens 
pour savoir comment aller 
l’amble avec le monde qui nous 
entoure





rester
à la fontaine davantage

toucher 
cet arbre caresser ce banc

n’est-ce pas 
le temps où il importe
de prendre 

un 
contact 
subtil et pieux 
































fait de s'orienter 
ou de chercher quelque chose 

un peu 
au hasard

ou

en se repérant 
avec ses mains à cause 
de l'obscurité ou de tout autre obstacle 

tâtonnement d'aveugle


















il y eut 
un moment 
où il parut se perdre et où il s'arrêta 
indécis

enfin il arriva
de tâtonnements en tâtonnements
à 

une clairière 
ou il y avait 

un monceau 
de grosses pierres blanchâtres 

*


il n'y a 
rien qui vaille

de forcer
vaille que vaille

la porte 
ouverte de l'aube

je me souviens 
de cet oubli


































l’ésotérisme 

toutes réserves faites sur son principe même offre au moins l’immense intérêt de maintenir à l’état dynamique le système de comparaison  de champ illimité  dont dispose l’homme  qui lui livre les rapports susceptibles de relier les objets en apparence les plus éloignés et lui découvre partiellement la mécanique du symbolisme universel 

*









la cigarette du matin
décrasse les conduits encombrés

un tour au vert
de grandes goulées
lavé rincé le baquet pulmonaire
retour au noir

l'exercice 
de penser brûle 
les alcools et les graisses


*



ne pas y aller 
par quatre chemins

=

y aller 
par moins

c'est-à-dire 
ne pas avoir à hésiter

quatre ?

pour augmenter l'effet de deux

l'idée d'être direct est seconde

on pourrait sinon arguer
que 4 chemins qu'on emprunte
peuvent faire trajet plus court
qu' 1
































principe d'incertitude

principe 
selon lequel 
il est impossible 
de connaître à la fois 
la position et la vitesse ou 
la quantité de mouvement 
d'

une particule 


jusqu'à 
Heisenberg 
les erreurs sur les variables 
indépendantes étaient postulées comme 
indépendantes 

or 
avec 
le principe d'incertitude de Heisenberg
il s'agit 
d'

une corrélation 
objective des erreurs



pour trouver la place 
d'

un électron 

il faut 
l'éclairer par 

un photon

la rencontre 
du photon et de l'électron 
modifie la place de l'électron 

en microphysique
il n'y a donc pas de méthode 
d'observation sans action des procédés 
de la méthode sur l'objet 
observé 

G. Bachelard 
Le Nouvel esprit scientifique 
Paris 
Alcan 
1934
p. 122




une particule
une corrélation
un électron
un photon

































un petit piquet

idée 
de dureté  
de verticalité sans sens 

idée
de nudité de sobriété

une sciure

idée 
de pauvreté

idée 
d'incertitude d'indécision 


idée 

d'
un lieu en moi
mais piste qui m'éloignent





idée de partie + image d'appauvrissement + déplacement


ne pas s'interdire la métaphore
mais pour le bénéfice de la voir sombrer

essayer 
la phrase courte

un développement 
contradictoire sans me résoudre à fermer



les différentes 
époques de ce travail paraissent 
dans le désordre


*


un petit piquet
une sciure 
un lieu en moi
un développement

une phrase
un objet
un acte


*

le rythme
d'

une 
phrase 
au sujet
d'

un acte

ou
même
d'

un objet

n'a 
de sens que
s'il les imite et 
figuré sur le papier
repris par les lettres à l'estampe originelle
en doit rendre
malgré tout
quelque chose

S.M.































































promenade au hasard 

les thyms

les muscaris
les lavandes
les buissons de genièvres
les chênes-lièges nains
les vignes abandonnées

quelques pins



des vieilles vignes
des pêchers de vigne

des amandiers
aux fruits couverts de fourrure 
verte et grise 


chemin 
ponctué d’insectes
de froissements
de lézards

l’appel 
des chiens et des chasseurs 

loin

les 
passages 
de vent

le continuum 
des grillons comme 

un 
silence 
protecteur




































La diagonale du hasard

en écho

Du hasard au sublime









Il est la tache d’encre de Victor Hugo, l’hésitation d’une impression d’un monotype de Degas, un coup de dés de Mallarmé, qui jamais n’abolira le hasard. L’ivresse d’une oeuvre d’art.

A l’inverse de l’enseignement artistique, l’intervention du hasard dans le processus créatif de l’oeuvre permet à l’artiste de se libérer des règles de la représentation. L’accidentel, l’aléatoire, la trouvaille vertueuse, les sculptures involontaires, les coulures, les compressions, font émerger un répertoire de formes libres menant au sublime dans l’incertitude du geste.

Se substituant à l’incarnation de dieu, le tremblement hasardeux devient l’une des composantes symptomatiques de la modernité. Cette magie de l’aléa devient le sujet même d’une oeuvre idéale, géniale, peinte sans aucune intervention de la pensée. Le hasard révèle le rôle démiurgique de l’artiste alchimiste, guidé par la sérendipité des réactions chimiques de la matière.

A l’opposé des « anartistes », certains inventent des protocoles, confiant leurs sens aux pouvoirs anonymes de la méthode mathématique. Ils utilisent le concept de l’aléatoire comme un cadre scientifique au travers duquel ils se soustraient à la gestuelle du peintre, créatrice d’une géométrie toujours incertaine, voire bancale.

De la tache à la ligne pure, de l’automatisme au mathématisme, l’exposition déroule une typologie chronologique du hasard comme processus créatif à travers les plus importants courants et artistes de la seconde moitié du XIXème siècle à nos jours.

Cette première partie de l’exposition s’achèvera dans la Chapelle de Pierre Puget avec la présentation de l’installation de Robert Filliou « Eins, Un. One… » composée de 16 000 dés de couleur posés sur la même face, en écho au poème de Stéphane Mallarmé, « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard ».



Par Hasard

À découvrir du 18 octobre au 23 février 2019
Le Centre de la Vieille Charité et la Friche de la Belle de mai 
Marseille




























Olivier Domerg

La méthode paysage

Ce qu’il y a de saisissant dans l’œuvre foisonnante et protéiforme d’Olivier Domerg, c’est qu’au fil des 20 livres publiés depuis 30 ans, la passion pour les lieux, la passion pour les paysages, la passion pour les choses et les personnages qui les peuplent ainsi que pour l’écriture poétique n’a pas dévié d’un degré. 










La rigueur et l’endurance de Domerg impressionnent à ce titre : toujours réinventer son travail dans le cadre de cette méthode d’observation et de réécriture qui va sans cesse en se précisant. 

Toujours se déplacer, séjourner, suivre, arpenter, observer, noter, laisser reposer, reprendre, donner forme à l’observé, documenter la perception et restituer tout cela dans l’écriture poétique. En un mot : faire paysage.

Que voyons-nous quand nous prenons le temps de vraiment regarder quelque chose ? Que voit-on quand on écrit ce qu’on voit ? Comment dire ce que nous voyons ? Ces questions simples et essentielles sont à l’œuvre dans le travail d’Olivier Domerg, continuellement reformulées jusqu’à devenir un mode d’existence.



















































Choses 
Corps Paroles 
Animaux

matière peau esprit

Surfaces
et creux dans les surfaces
par cercles ouverts sous l'action du vent






Musiques 
ce cri hors circonstances

Mouvements et flux
en angles cassés

Mouvements des musiques
toutes choses sur l'ordre ignoré



Mouvements des corps 

un œil 
au miroir de l'entrée



Musiques des paroles  
musiques des corps

Mouvements des paroles 
flux de paroles 

Déplacements 
des animaux à la surface des choses

Choses
avec des corps 
trouant et creusant la surface des choses

os
cheveux
lenteur
bois déchiré



Corps
faisant des creux 
des trous
dans la surface des choses

toutes choses vivantes 

Avec surface des corps
eux-mêmes troués
creusés 

souvenir des sons


Corps
en qui et hors de qui 
infinité de choses et d’animaux 


En mouvement

cercle son corps

À l’arrêt

sur sa jambe elle attend

C’est-à-dire 
tout ça 
composant une image, 
des images, 
mouvantes

Avec des temps d’arrêt
parfois 


jamais arrêtées
les images
elles
pas même par les temps d’arrêt

sauf

une fois

une première fois insaisissable

un 
temps d’arrêt

ici

une 
image aveugle