vendredi, janvier 18, 2019







Georges Perec

1978

Life  A User’s Manual










Translated by David Bellos

David R.

Godine Publisher

Boston

1987


*

l'ironie

très douce

imperceptible

fantomatique

moirée

un
détachement extrême

une
méticulosité et

une
patience

qui deviennent de l'amour

un
prodigieux livre brocante

un
livre fourre-tout

un
livre promenade



des
romans exotiques

des
crimes parfaits

des
fables érudites

des
catalogues

des
affaires de mœurs

de
sombres
histoires de magie
noire

des
confidences
de coureurs cyclistes

jeux
de miroirs et tables
gigognes

un 
vertige majuscule 




entrez
dans cet immeuble
et vous ferez le tour du monde



































Dieter Roth 

POETRIE 

EDITION HANSJÖRG MAYER

Stuttgart

1967






Edition of 130

Zucker Art Books

New York

NY




































15

voilà 
ce qui m'a paru ressembler 
à la vérité 














16

les dieux 
n'ont pas tout montré aux hommes 
dès le commencement

mais 

les 
hommes cherchent

et 
avec le temps 

ils 
trouvent le meilleur








































un
coin
de Clairvaux

un
village
dans le village

une place 
une fontaine 

une cabane
un abribus
un banc

un banc de parc












une
grande perche

elle
mesure

un mètre
quatre-vingt-deux





































livre 
à paraître

devenir 

visible 
être visible  être 
vu 









commencer 
à exister venir au jour
être manifeste  être mis en évidence



le jour paraît

le ciel  de lilas très pâle 
pâlit encore, 

et tout à coup 

une 
immense 
déchirure jaune le fendit 
à l'est

l'aube 
parut dans le désert 
vide


































un
filament 
qui me garde

une
excentricité sublime

le tour de l'infini

une 
coupure

une 
impasse trop lourde


l'effet de pluie
sur

un 
ciel sale





je 
surprends 
soudain par 
instants des bruits 
roulants qui s'arrêtent
soudain


une
forme issue
d'

un air
incorporel


je 
suis là

et 

je 
m'en 
étonne


































elle 
est happée 
par le tournant des 
phrases 










leur
cadence
qui se rompt

s’allonge

étire
son corps
et l’entraîne

au-devant
d'elle-même
dans

un 
état 
d’hyperconscience 

état 
qu'on 
ressent 
sans doute 
quand dans le coma 
on entend les voix réelles 
si réelles 



rien
n'est plus

séduisant

plus
ensoleillé
plus clair que la pensée de

N

elle
s'exprime
en développements
brefs et précis

parfois

en
tirades lyriques
en dithyrambes inspirés

poème lyrique 
en l'honneur de Dionysos
sans doute improvisé à l'origine 
par les buveurs en délire 
chanté par 
un chœur d'hommes 
déguisés en satyres
et caractérisé par 
une verve 
un enthousiasme exubérants 
et désordonnés 






le style
qu’

une 
influence 
française consciente 
dégage de la pesanteur germanique 
est peut-être 

le 
plus parfait 
de l'histoire de la langue 
allemande





























17

voici ce qu'il est bon de dire 
près du feu
par 

un 
temps d'hiver 

couché sur 

un 
lit moelleux

n'ayant plus faim

buvant du vin doux et grignotant 
des pois :












de 
quel pays es-tu ? 
quel âge as-tu mon ami ? 

et

quel âge 
avais-tu quand le Mède 
est survenu ? 

*


de 
la Médie
contrée de l'Asie ancienne correspondant 
à l'Iran actuel

personne
appartenant 
au peuple établi 
dans cette contrée
 
Roi mède

le 
massacre des Mages
c'est-à-dire des prêtres mèdes 
qui  à la mort de Cambyse avaient 
usurpé la royauté 
sur les Perses 

maîtres 
des hauts plateaux, 
les Mèdes  après de longues luttes
avaient renversé l'empire des fleuves 
pour se répandre sur 
l'Asie Mineure 




































Héraclite

le plus original et authentique sage de l'Antiquité grecque, vivant au VIe siècle avant notre ère, était un contemporain de Bouddha en Inde et Lao Tseu en Chine : il fait partie de ces êtres humains qui ont cessé de vivre comme des dormeurs. Au li de s'exténuer dans l'affirmation et son contraire Héraclite " fait signe ". Il renvoie l'être à sa propre lumière, plutôt que de lui infliger un système pensée ou un idéal, et de le confiner à l'indigence spirituelle pour le reste de ses jours. Grâce à cette traduction et ces commentaires lumineux, ces aphorismes sont autant d'invitations au lecteur à aller vérifier en lui-même.

































108


de tous ceux

dont les propos me sont venus

aucun

n'est allé jusqu'à reconnaître

que cela qui est sage

transcende toutes choses


*














vais-je
encore me contenter de vivre
comme

un
dormeur
et attendre hébété
l'inéluctable destruction
de mon corps ?


la sagesse
n'est pas opposée à l'audace

elle est
l'audace suprême





































Marcel Conche

Cette nouvelle édition commentée des Fragments d’Héraclite est le fruit d’un travail totalement iné-dit. Alors que les éditions de référence (Hermann Diels en 1922 et Walter Kranz en 1934), comme celle de Jean Bollack et Heinz Wismann, se limitaient à les présenter selon un ordre alphabétique arbitraire, Marcel Conche procède ici à un mouvement d’ensemble du concret vers l’abstrait. Après des règles de méthodes viennent ainsi des lois universelles, puis les réalités elles-mêmes : le monde, les âmes, la cité… Le schéma eût sans doute fait sourire Héraclite (ce qui n’eût pas été marque de désaveu), mais il rappelle qu’un fragment ne doit pas être interprété seul, et que les Fragments sont avant tout le reflet d’un système achevé en constante redéfinition.




Avant Héraclite

les savoirs
nombreux et leur insuffisance
le rejet des croyances traditionnelles

la
vérité

la voie
dire le vrai

savoir voir
observer contempler
le Ciel
les phénomènes

la leçon
la loi du devenir
la nature et l’unité des contraires

l’Englobant le monde

l’âme
la cité

Éphèse

le philosophe


*



la pensée d'Héraclite ressemble à l'âme

d'Hamlet

tout le monde la comprend

mais

chacun d'une façon différente

et

de sa propre

façon