Lionel André / promenades / randonnées / arts / littératures / air du temps
samedi, janvier 27, 2018
Dans l'Iliade
Homère nous offre deux modes
de représentation :
le premier, c'est le bouclier d'Achille, une forme achevée et circonscrite où Vulcain représente tout ce qu'il sait sur une ville, sa campagne alentour, ses guerres et ses rites en temps de paix. Le second, c'est le fameux catalogue des navires, démesuré, que dresse le poète, impuissant à dire le nom et le nombre des guerriers achéens, et qui se conclut idéalement par un " et cætera ".
On appelle ce second mode de représentation la liste ou l'énumération.
Il y a des listes pratiques et finies, comme celles qui recensent les livres d'une bibliothèque ; et il y a celles qui suggèrent l'incommensurable et nous font ressentir le vertige de l'infini. Cet ouvrage montre que, depuis toujours, la littérature fourmille de listes, d'Hésiode à Joyce, d'Ezéchiel à Gadda.
Il s'agit souvent d'énumérations égrenées pour le goût de l'inventaire, la mélodie du dénombrement ou le plaisir vertigineux de réunir des éléments sans relation spécifique, comme dans les énumérations dites chaotiques. Mais ce volume ne nous propose pas seulement de découvrir une forme littéraire rarement analysée ; il nous montre aussi combien les arts figuratifs savent suggérer des énumérations infinies, même lorsque la représentation semble contrainte par l'encadrement d'un tableau.
Le lecteur trouvera
dans ces pages de quoi s'étourdir
en éprouvant le vertige
de la liste.
Merveilleux. Ce qui s'éloigne du cours ordinaire
des choses
ce qui est miraculeux surnaturel
Le merveilleux de l'histoire c'est qu'il s'en est tiré
sain et sauf
Intervention de moyens et d'êtres surnaturels
de la magie
de la féerie
RÉCITS MERVEILLEUX
Le pic est un oiseau qui grimpe aux arbres
comme les tarentules
aussi bien sur le dos que sur le ventre
On dit aussi qu'il se nourrit des vers des arbres
dont il creuse ainsi en profondeur
les troncs
au point de les faire tomber
VIES MINUSCULES
Il a caressé des petits serpents très doux
il parlait toujours
Le mégot brûlait son doigt
il a pris sa dernière bouffée
Le premier soleil l'a frappé
il a chancelé
s'est retenu à des robes fauves
des poignées de menthe
il s'est souvenu de chairs de femmes
de regards d'enfants
du délire des innocents :
tout cela parlait dans le chant des oiseaux
il est tombé à genoux dans la bouleversante signifiance
du Verbe universel
Il a relevé la tête
a remercié Quelqu'un
tout a pris sens
il est retombé mort
Le trou est le vocable actuel de l'aleph
Il n'y a pas de pire abaissement pour l'aleph
que de le dire
trou
Et pourtant c'est cela :
perdre ce qui en fait la hauteur
et n'en garder que ce qui en fait la chute
Le trou inspire toutes les autres figures du vide,
bien qu’aucune de ces autres figures ne s’y réduise
Le trou est le vocable actuel de l'aleph
je vis
de convexes déserts équatoriaux et
chacun de leurs grains de sable
je vis à Inverness une femme que
je n'oublierai pas je vis la violente
chevelure le corps altier
je vis
un cancer à la poitrine je vis une ombre
à ses propres ombres je vis spectre en ses
ténèbres laissant des papiers en désordre
dans une chambre poussièreuse
Tandis que la nuit s'avançait
le ciel
objet de millions de pensées
prenait une place
une consistance
plus grande qu'à l'ordinaire
et
Sainte Angèle répondit
En tout soyez aimables !
Gardez-vous de vouloir obtenir par la force
La lumière ne veut faire violence à personne
elle propose seulement
elle invite et conseille
*
soleil pluie
c'est mon habitude d'aller sur les cinq heures
du soir
me promener
Tout manque
notre voix ne nous appartient pas
des écrits nous traversent
La phrase à traduire ?
Quelle jaillisse et s'impose
étrangère
27 janvier naissance de Philippe Lacoue-Labarthe
*
Les amis d'un homme
sont
ses pôles
magnétiques
les pôles
sont en nous
infranchissables
dans la veille nous les dépassons lorsque nous
dormons
jusque devant la porte de la Miséricorde
je te perds en toi
c'est
ma consolation de neige
Le secret de la fortune c'est la possession
de la joie
dans la joie se crée la fortune
Il y a trois mille filles rapides d'Okéanos dispersées
sur la terre et dans les lacs
profonds
Et qui habitent de toutes parts
illustre race de Déesses
Et il y a autant de fleuves au cours retentissant
fils d'Okéanos
enfantés par la vénérable Téthys
Et il serait difficile à un homme de dire tous leurs noms
mais ceux qui habitent leurs bords les connaissent tous
Si Hésiode mentionne 3 000 dieux fleuves
seuls les noms d'une petite partie sont attestés par les écrits grecs
Écrire c’est toujours recopier
En copiant dans les livres qui nous accompagnent nos livres de chevet tel groupe de mots qui retiennent notre attention puis en assemblant sur la page plusieurs des bribes recueillies avec des blancs pour les disjoindre produire une forme de pensée une extraction de soi-même dans la lecture
il y a trois mille filles rapides
il y a autant de fleuves
il y a trois mille dieux