samedi, janvier 27, 2018



je vis

des grappes
de la neige
du tabac
des filons de métal
de la vapeur d'eau
de la terre
du sable
un arbre

je vis

dans une arrière-cour de la rue Soler
les mêmes dalles que j'avais vues il y
avait trente ans dans le vestibule
d'une maison à Fray Bentos






































Lichen et peinture sur un rocher

Aleph

existe-t-il au cœur d'une pierre ?











L'ai-je vu quand j'ai vu toutes les choses

et l'ai-je oublié ?


Mon esprit est poreux en face 
de l'oubli

je suis en train d'altérer et 
d'oublier

sous la tragique érosion 
des années


L.A.Photographies Beaufort janvier 2018




































Dans l'Iliade

Homère nous offre deux modes 

de représentation :











le premier, c'est le bouclier d'Achille, une forme achevée et circonscrite où Vulcain représente tout ce qu'il sait sur une ville, sa campagne alentour, ses guerres et ses rites en temps de paix. Le second, c'est le fameux catalogue des navires, démesuré, que dresse le poète, impuissant à dire le nom et le nombre des guerriers achéens, et qui se conclut idéalement par un " et cætera ". 

On appelle ce second mode de représentation la liste ou l'énumération. 

Il y a des listes pratiques et finies, comme celles qui recensent les livres d'une bibliothèque ; et il y a celles qui suggèrent l'incommensurable et nous font ressentir le vertige de l'infini. Cet ouvrage montre que, depuis toujours, la littérature fourmille de listes, d'Hésiode à Joyce, d'Ezéchiel à Gadda. 

Il s'agit souvent d'énumérations égrenées pour le goût de l'inventaire, la mélodie du dénombrement ou le plaisir vertigineux de réunir des éléments sans relation spécifique, comme dans les énumérations dites chaotiques. Mais ce volume ne nous propose pas seulement de découvrir une forme littéraire rarement analysée ; il nous montre aussi combien les arts figuratifs savent suggérer des énumérations infinies, même lorsque la représentation semble contrainte par l'encadrement d'un tableau.

Le lecteur trouvera 
dans ces pages de quoi s'étourdir 
en éprouvant le vertige 
de la liste.


































Merveilleux. Ce qui s'éloigne du cours ordinaire

des choses

ce qui est miraculeux   surnaturel

Le merveilleux de l'histoire c'est qu'il s'en est tiré 

sain et sauf

Intervention de moyens et d'êtres surnaturels

de la magie

de la féerie



RÉCITS MERVEILLEUX









Le pic est un oiseau qui grimpe aux arbres

comme les tarentules

aussi bien sur le dos que sur le ventre


On dit aussi qu'il se nourrit des vers des arbres

dont il creuse ainsi en profondeur

les troncs

au point de les faire tomber

































VIES MINUSCULES


Il a caressé des petits serpents très doux 

il parlait toujours


Le mégot brûlait son doigt 

il a pris sa dernière bouffée




















Le premier soleil l'a frappé

il a chancelé

s'est retenu à des robes fauves

des poignées de menthe

il s'est souvenu de chairs de femmes

de regards d'enfants

du délire des innocents :

tout cela parlait dans le chant des oiseaux

il est tombé à genoux dans la bouleversante signifiance

du Verbe universel

Il a relevé la tête

a remercié Quelqu'un

tout a pris sens

il est retombé mort






































Le trou est le vocable actuel de l'aleph

Il n'y a pas de pire abaissement pour l'aleph 

que de le dire 

trou











Et pourtant c'est cela :

perdre ce qui en fait la hauteur

et n'en garder que ce qui en fait la chute

Le trou inspire toutes les autres figures du vide,

bien qu’aucune de ces autres figures ne s’y réduise


Le trou est le vocable actuel de l'aleph

































je vis

de convexes déserts équatoriaux et
chacun de leurs grains de sable
je vis à Inverness une femme que
je n'oublierai pas    je vis la violente
chevelure  le corps altier  

je vis 

un cancer à la poitrine    je vis une ombre
à ses propres ombres  je vis spectre en ses
ténèbres laissant des papiers en désordre
dans une chambre poussièreuse































Tandis que la nuit s'avançait

le ciel

objet de millions de pensées

prenait une place

une consistance

plus grande qu'à l'ordinaire


et 
















Sainte Angèle répondit

En tout   soyez aimables ! 
Gardez-vous de vouloir obtenir par la force


La lumière ne veut faire violence à personne

elle propose seulement

elle invite et conseille


*


soleil   pluie

c'est mon habitude d'aller sur les cinq heures

du soir

me promener






































Tout manque

notre voix ne nous appartient pas

des écrits nous traversent











La phrase à traduire ?

Quelle jaillisse et s'impose

étrangère

27 janvier naissance de Philippe Lacoue-Labarthe

*




















Les amis d'un homme 
sont 

ses pôles 
magnétiques


les pôles
sont en nous

infranchissables
dans la veille nous les dépassons lorsque nous
dormons

jusque devant la porte de la Miséricorde
je te perds en toi  
c'est

ma consolation de neige





Le secret de la fortune    c'est la possession 

de la joie


dans la joie    se crée    la fortune


























Il y a trois mille filles rapides d'Okéanos dispersées

sur la terre et dans les lacs

profonds



























Et qui habitent de toutes parts

illustre race de Déesses

Et il y a autant de fleuves au cours retentissant

fils d'Okéanos

enfantés par la vénérable Téthys

Et il serait difficile à un homme de dire tous leurs noms

mais ceux qui habitent leurs bords les connaissent tous

Si Hésiode mentionne 3 000 dieux fleuves

seuls les noms d'une petite partie sont attestés par les écrits grecs



Écrire  c’est toujours recopier

En copiant dans les livres qui nous accompagnent   nos livres de chevet  tel groupe de mots qui retiennent notre attention   puis en assemblant sur la page plusieurs des bribes recueillies   avec des blancs pour les disjoindre   produire une forme de pensée   une extraction de soi-même dans la lecture


il y a     trois mille filles rapides

il y a       autant de fleuves

il y a       trois mille dieux