mercredi, mars 07, 2018





Récemment - un jour bêtement banal -,

un ami me rencontra dans la rue et, parmi d'autres potins à tort et à travers (c'est un ami qu'ont rendu malpoli les trop nombreux cortèges funèbres à la queue desquels il aime se mettre), il m'avisa que j'avais publié un livre. 






















Il ne me le dit pas avec une acrimonie particulière, ni, à mon avis, avec malignité, bien que sa façon de s'exprimer fasse toujours soupçonner en lui un pervers calomniateur. Évidemment, cette nouvelle, ou ce commérage, selon quoi j'avais publié un livre, ne pouvait me laisser indifférent. Je ne voulais pas donner à ce monsieur l'impression que je n'en savais rien du tout, et pourtant ne me venaient aux lèvres que des propos généraux : "Qu'en penses-tu ?", ou "Ça te plaît ?". En fait, je ne savais pas que j'avais publié un livre ; plus exactement, j'ignorais qu'un livre avec mon nom sur la couverture avait été présenté aux libraires et, par ceux-ci, au public.

Seize récits inédits de Giorgio Manganelli écrits entre 1979 et 1986. Seize récits hantés par la «substance nuit», où s'affirme de manière définitive l'ironie absolue, la fulgurance stylistique, la trouvaille jubilatoire et l'idée de la littérature que ne cessa de défendre sa vie courant l'un des écrivains majeurs de notre modernité.

La Nuit

Note sur le texte par Salvatore Silvano Nigro

[La notte]

Trad. de l'italien par Dominique Férault

Collection Le Promeneur, 

Gallimard



*

Si vous avez une inclination intime pour le vacarme, le bordel, le fracas, le brouhaha, le chahut et le tintamarre, vous ne devez pas imaginer que vous êtes un pervers auditif ; un enfer de silence, de murmures, de souffles faibles ne va vous échoir : cela va plutôt signifier que vous nourrissez une vocation occultes et peut-être assoiffée pour les bavardages, les cancans, le commérage du cosmos. Les astéroïdes font du raffut, bredouillent, les satellites jettent une œillade, chuchotent, les météores affairés grommellent. Si un peu d'inclination pour les valeurs éternelles de la civilisation sapiens se hasardera en vous, vous serez alors certainement des dégustateurs du diablotin ou du diable, ou mieux du pandémonium, et même l'enfer simple, chenu est le terme pas tout à fait inexact pour dire de grands clabaudages : et à peine note-t-on certaines délicatesses comme grondements et tintements, détonations et soupirs, conflagrations et crépitements, sifflements et chuchotements, qui paraissent tous ensemble faire allusion à une histoire d'une intensité dramatique belle et intime. Et qui détonne, mes chers amis ? Qui du bruit passe au jappement et au roucoulement ? Qui, autrement, sarabande et, en ayant une attitude arrogante, dans un grondement vrombissant fait du tohu-bohu, crée un émoi et enfin éclate ? Mais qui est donc, qui est donc ce boucan de tous les diables ? Ne serait-il, précisément, nous-mêmes ?

Giorgio Manganelli 


L’extraordinaire tentative de "Bruits ou voix" 
d’un livre entièrement bâti sur ce qu’on perçoit de l’audible


écran de nuit

François Bon























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