vendredi, novembre 11, 2016

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il quitte la maison à sept heures et demie

sous la nuit

les rues sont désertes






le jour se lève sur un paysage vaporeux

aux fonds noyés de brume

les bois flammés


il lit Marthe Robert

il pose le livre

fatigué

pas trop bien

avec de l'oppression thoracique

et la crainte qu'elle ne s'aggrave


autre jour


le jour lorsqu'il finit par se déclarer

est lumineux

la nuit vient vite

il lit Bourdieu


autre jour

lumière inattendue charmante

l'automne a été si clément

que les plantes fragiles sont toujours dehors


autre jour

le ciel est clair

mais la brume se lève avec le jour


il est angoissé

triste au-delà de toute expression

il s'en va

passé minuit

désespéré





























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précipitations 

par effet de barrage 








contre les versants nord 

traversée rapide 

d’un minimum satellite

tourbillon d'images de rêve



avidité pour les livres

comme si cette avidité

partait de l'estomac

comme si elle était

un appétit dévoyé



il note des instants

des fragments


les auditeurs parviennent à la réalisation

grâce au son de la voix

c'est pour cela qu'on les appelle

auditeurs




L.A.Photographies Beaufort novembre 2016































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Max Pam








Standing Stones

Wales & Scotland 

Great Britain

1992-1993






























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11.11

I


dormez comme vous le pouvez







n'importe quand

ce qui est purement personnel s'évalue vite

lueur des lucioles

pleine lune répandue derrière le rideau de gaze du nuage

je lis pour vous

lumière rouge reflétée sur voie pluvieuse

qu'est-ce que voir l'essence ?

l'essence est vision et la vision essence






Sombre Tit, Parus lugubris - Mésanges lugubres
John Gould






























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donc

je suis privé de perfection






1+1+1+1+2+0+1+6

=

13

=

1+3

=

4



chacun d'entre nous redoute le secret

gardé trop jalousement


plus léger que l'air

j'imagine


je joue


les pavés safran sont conscients

de cet étang qui mène à la mer






























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arbre

son frère vertical














A aucun moment

il ne peut se dissocier

de son aventure céleste et terrestre


qu'il le veuille ou non

il est cet arbre de vie

il est la vie 

dans toutes ses dimensions

et cet arbre

son frère

est comme lui

un prodigieux vivant





je ne peux échapper à l'arbre

pas plus que je ne peux échapper à moi-même






























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auto-louange

je suis un crible














Mon premier, un visage, vous hante
Entre les cheveux qui pendent.
Mon second est l'eau :
Je suis un crible

John Ashbery



la charade a cela de curieux
qu'elle propose un premier puis
un second sans que mon tout ajoute

l'un l'autre



JE SUIS UN CRIBLE

dit le refus 
du poète de composer

de composer un visage clair et net
reconnaissable

mais aussi 
de composer des phrases toutes prêtes
à être comprises


le refus d'agréger
de contenir

je me présente à vous

mais

je fuis de partout





la métaphore 
du crible nous permet de comprendre 
l'économie 

de ce monde 
en suspension qu'est 

le livre 

si l'on considère 
que les poèmes sont 

le résultat 
du filtrage du langage 

de coupes 
et de collages

le poème est donc

le résidu 
de pratiques d'écriture


je suis un crible





























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tamis à large maille 

1 cm













avec poignées en plastique

solide

idéal pour éliminer et séparer 
les plus grosses pierres et alluvions du sable 
aurifère


ce crible 
sera votre allié pour vos sorties 
d'orpaillage


il pourra aussi 
être très utile pour le jardinage 

tamisage 
du compost et des substrats 
végétaux




il se décline en deux couleurs 
brillantes au choix 

noire ou verte





détails 


Ø 35cm 

Profondeur 90 mm 

PVC rigide 

Poids 240g






























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poser

elle se pose













dans la vie elle s'épouse

elle

l'épouse épousée posée

elle

se pose et tourne son regard


vers la clarté


le petit oiseau

pour lui signifier la légèreté



*

néanmoins  la légèreté de l'oiseau    comporte  


un aspect négatif    Jean de la Croix y voit le symbole des opérations 



de l'imaginaire    mais surtout    instables     


voletant de ci de là     sans méthode 


et sans suite     ce que le Bouddhisme nommerait   




la distraction    ou pire     le divertissement






















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11.11

paysages

dernier paysage


gazon brillant de rosée

vent mouillé



compter jusqu'à dix

c'est l'heure de 

lire












métaphore  le déploiement


ces quelques mots


un nuancier    

personnel  de qualité

un émiettement sans ordre


une présence

que l'on n'aura pas épuisée




poisseux

dégoût de la viscosité

si permanent

avec son pouvoir de rétention


d'indiscrétion

de collage


retour d'un même

toujours 

réclamé par la doxa



sable mouvant

sable

happe 

insensiblement


les choses sont posées

en face à face et à distance



succion

d'une viscosité profonde

cette mort 



lente 

de surface


le livre avance seul

sans moi



































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.Roland Barthes par Roland Barthes

Il supporte mal toute image de lui-même, souffre d’être nommé. Il considère que la perfection d’un rapport humain tient à cette vacance de l’image : abolir en soi, de l’un à l’autre, les adjectifs ; un rapport qui s’adjective est du côté de l’image, du côté de la domination, de la mort. 

En 1975 sortait au Seuil, dans la collection « Écrivains de toujours », Roland Barthes par Roland Barthes. Véritable événement (comment Barthes allait-il se sortir de l’exercice autobiographique ?), cet autoportrait s’est imposé comme un livre culte.


Roland Barthes 

1915-1980

Le Livre brisé de Roland Barthes

fabula