jeudi, février 18, 2016

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Han Ryner


Comment se conduira 
l’individualiste avec ses supérieurs sociaux ?














L’individualiste n’oubliera pas que les paroles de ses supérieurs sociaux traitent presque toujours de choses indifférentes. Il écoutera avec indifférence et répondra le moins possible. Il ne fera pas d’objections. Il n’indiquera pas des méthodes qui lui paraîtraient meilleures. Il évitera toute discussion inutile.

Pourquoi ?

Parce que 
le supérieur social 

est d’ordinaire 
un enfant vaniteux et irritable.



Si 

le supérieur social ordonne, 
non plus une chose indifférente, 

mais 
une injustice 
ou une cruauté, 
que fera l’individualiste ?

Il refusera d’obéir.

La désobéissance 
ne lui fera-t-elle pas courir des 
dangers ?

Non. Devenir l’instrument de l’injustice et du mal, c’est la mort de la raison et de la liberté. Mais la désobéissance à l’ordre injuste ne met en danger que le corps et les ressources matérielles, qui sont au nombre des choses indifférentes.

Quelle sera la pensée 
de l’individualiste devant 
l’ordre ?

L’individualiste dira mentalement au chef injuste : Tu es une des incarnations modernes du tyran. Mais le tyran ne peut rien contre le sage.

L’individualiste 
expliquera-t-il son refus d’obéir ?

Oui, s’il croit le chef social capable de comprendre et de revenir de son erreur. Presque toujours le chef social est incapable de comprendre.

Que fera alors l’individualiste ?

Devant un ordre injuste le refus d’obéir est le seul devoir universel. La forme du refus dépend de ma personnalité. 



Han Ryner, 
Petit manuel individualiste (1903), 
suivi de « Un sage turbulent » par Bernard Pautrat 
Allia, 2010





























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Elle 

considère 
la société comme une 
limite













Elle se sent sociale
comme elle se sent mortelle



peut-elle 
être fonctionnaire ?

oui

mais elle ne peut pas 
consentir à toutes sortes de fonctions



quelles sont 
les fonctions dont elle s’abstiendra ?

elle s’abstiendra 
de toute fonction de l’ordre administratif

de l’ordre judiciaire 
ou de l’ordre militaire


Pourquoi ?

elle ne peut pas
être au nombre des tyrans sociaux


quelles fonctions 
pourra-t-elle accepter ?

Les fonctions 
qui ne nuisent pas à autrui



avec Han Ryner
Petit manuel individualiste 1903

photographie Tatsuo Suzuki 





























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united by blue












lointaine montagne blanche



l'hiver est transparent

c'est la neige la plus profonde



de la neige donnée à tous

comme une pensée 

maternelle




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Hasard donne les pensées

et hasard les ôte 

point d’art 
pour conserver ni pour acquérir

Pensée 

échappée je 
la voulais écrire 

j’écris

au lieu

qu’elle m’est échappée




























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Elle

un roseau pensant


















L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser, une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue ; parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui. L’univers n’en sait rien. Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever, non de l’espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser. Blaise Pascal Pensées,  photographie Jason Reynolds




































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Elle 
pense 
donc elle   est




















Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fût telle qu’ils nous la font imaginer.         Je rejetai comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations            et me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en l’esprit n’étaient non plus vraies que les illusions de mes songes.

Mais,
aussitôt après, 
je pris garde que, 

pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité: Je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. Puis, examinant avec attention ce que j’étais, et voyant que je pouvais feindre que je n’avais aucun corps, et qu’il n’y avait aucun monde ni aucun lieu où je fusse; mais que je ne pouvais pas feindre pour cela que je n’étais point; et qu’au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j’étais; au lieu que, si j’eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j’avais imaginé eût été vrai, je n’avais aucune raison de croire que j’eusse été; je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu’elle est plus aisée à connaître que lui. Descartes, Discours de la méthode, IV photographie Peter Allert 




































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1.8 

Il est plus facile 












de ne pas penser 
que l’on ne pense pas que de penser 
que l’on ne pense pas.


1.9 

Si je souhaite ne plus penser, 
il me faut arrêter la pensée de ne plus penser 
au moment où je dois commencer à ne plus penser.


1.10 

Mais j’arrête là deux pensées : 
la pensée et la pensée de ne plus penser.


1.11 

Et même trois pensées : 
la pensée, la pensée de ne plus penser 
et la pensée de penser à ne plus penser.


1.12 

Et même quatre pensées : 
la pensée, la pensée de ne plus penser, 
la pensée de penser à ne plus penser et la pensée 
de penser à ne plus penser à la pensée de penser.


1.13

Mais ne plus penser 
doit se penser pour éviter à la pensée 
de revenir.


1.14 

La pensée peut donc 
se concevoir comme un engin de résistance 
aux pensées. …Jean-Michel Espitallier,
Tractatus logo mecanicus pensum Al Dante, 2006
































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chacun


















peut voir 
différemment une même 
réalité

et cela la rendait

heureuse



la pensée 
le sentiment 

la preuve
la promesse 



*


Elle
parlait de 
découvrir sur chaque 
surface

la manière particulière
dont se dirige à travers toute
son étendue

une certaine ligne flexueuse
qui est comme son axe générateur

*

le mieux peut-être serait
de penser la lumière comme une action 
par contact

telle que celle 
des choses sur le bâton 
de l'aveugle

Les aveugles dit Descartes

voient des mains

le modèle 
cartésiens de la vision 

c'est le toucher






Photographie Elisabeth Mochner 



































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