mercredi, mars 18, 2015

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la beauté 
requiert trois choses 
















Intégrité, symétrie, rayonnement. 


Je développerai 
quelque jour cette formule 
sous forme de traité. 


Observe le comportement de ton esprit à toi en présence d’un objet hypothétiquement beau. Pour appréhender cet objet, ton esprit divise l’univers entier en deux parts : l’objet et le vide qui n’est pas l’objet. Pour l’appréhender, tu sépares nécessairement cet objet de tout le reste et tu perçois alors que c’est une chose intégrale, une chose. Tu reconnais son intégrité. 





Voici 
la première qualité 
du Beau, 
selon Saint Thomas, 
reprise par Joyce, 
où nous entendons que 
pour saisir la Chose 
en sa beauté, 
c’est son vide, 
le vide de la chose 
qui est là saisi..






















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le grain 
du silence
décide de tout















je compose

je recompose


j'abrège

je développe

je condense



moins 
de phrases
davantage de touches



moins 
de lignes
plus de points



*




j'entre
avec confiance
dans le tourbillons des atomes 



une 
brise bleue 
vient vers moi

une 
tache
de soleil 
me fait signe





le ciel
tombe étoilé

sur l'autre versant
















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en mémoire 












marché beaucoup



je regarde les noms

jonquille



je choisis des angles de vue

selon les couleurs



j'éprouve en profondeur

la toile

le coton

la soie



j'apprends



par ondulations

par lignes

par rayonnement
































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L’écriture 












n’est pas, 
selon la pensée juive, 
une fonction humaine : 

elle fonde l’humanité.


La littérature n’est pas 
une activité, 
un art, 
une profession 
ni un loisir,
mais elle engage 
le réel 
en une vaste trame romanesque 
à décrypter indéfiniment, 
qui se nomme 
la Bible.


À rebours 
de la formule de Lacan : 
« à l’être succède la lettre », 
voici 
l’enseignement majeur 
du judaïsme : 
c’est la lettre qui précède l’être ; 
Dieu, 
avant que de rugir, 
d’illuminer ou de sculpter, 
bien avant de châtier, 
d’élire, 
de jalouser 
ou de disperser, 
Dieu avant même de créer 
écrivit.


La tâche primordiale de l’élu 
sera dès lors de lire, 
d’étudier, 
de gloser, 
de transmettre, 
d’écrire aussi bien sûr, 
maniant telle une étoffe
 – à coups de
césures et de sutures – 
la matière intense, 
délicate, 
pulsatile, 
chatoyante et
jouissive des versets, 
floculations compactes de dire 
engendrant la pensée
aussitôt entrelacés.


Les Docteurs du Talmud 
ont ainsi édifié une prodigieuse 
rhapsodie de lections, 
lectures disloquées et couturées de l’Écriture, 
tout entière réenchevêtrée 
en un patchwork mobile, 
éternellement autre. 

Le texte à peine surgi, 
se joue donc la question de son altération 
puisque c’est toujours d’une
lettre l’autre que se trame l’écrit.

S’engage alors 
le processus infini de l’impureté, 
du mélange, 
de la souillure et du péché, 
en un mot de l’immonde.


La faute originelle, 
fiction vraie du Texte qui l’invente, 
déclenche – outre
le mal, 
l’imprécation et le châtiment – le désir, 
la beauté, 
le discernement, 
la rédemption, 
et la pudeur, 
car dès qu’il se sait nu 
l’homme se veut vêtir, 
revenant de la sorte à la pure texture 
d’un tracé qui le contamine.

Stéphane Zagdanski

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