mardi, juin 15, 2010

Fiesole

On mène une vie difficile à vivre. On n'arrive pas toujours à ajuster ses actes à la vision qu'on a des choses. ( Et la couleur de mon destin, alors que je crois l'entrevoir, la voici qui fuit devant mon regard.) On peine et lutte pour reconquérir sa solitude. Mais un jour la terre a son sourire primitif et naïf. Alors c'est comme si luttes et vie en nous sont d'un seul coup gommées
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L.A. photographies, Fiesole, mai 2010
Albert Camus, Carnets I, Mai 1935- Février 1942, Gallimard P.73

Entre fleurs et colonnes

Au cloître de San Francesco à Fiesole, une petite cour bordée d'arcades, gonflées de fleurs rouges, de soleil et d'abeilles jaunes et noires. Dans un coin, un arrosoir vert. Partout, des mouches bourdonnent. Recuit de chaleur, le petit jardin fume doucement. Je suis assis par terre et je pense à ces franciscains dont j'ai vu les cellules tout à l'heure, dont je vois maintenant les inspirations, et je sens bien que, s'ils ont raison, c'est avec moi qu'ils ont raison. Derrière le mur où je m'appuie, je sais qu'il y a la colline qui dévale vers la ville et cette offrande de tout Florence avec ses cyprès
(...)

" être nu" garde toujours un sens de liberté physique et cet accord de la main et des fleurs, cette entente amoureuse de la terre et de l'homme délivré de l'humain, ah, je m'y convertirais bien si elle n'était déjà ma religion...
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L.A. photographies, cloître de San Francesco à Fiesole, mai 2010
Albert camus, Carnets I, mai 1935- février 1942, Gallimard P.75
Des millions d'yeux ont contemplé ce paysage,
et pour moi il est comme le premier sourire du monde
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L.A. photographie, Florence mai 2010,
vue sous le cloître de san Francesco à Fiesole
avec Albert Camus, carnets sept. 1935-1937

Cercle dans un carré
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L.A. photographie, S.Maria Novella, Florence, mai 2010

Chant 1

Invocation à Apollon. Montée au ciel de Dante et Béatrice. Lumière et son des sphères célestes. Explications de Béatrice : la cause naturelle de leur ascension, l'ordre de l'univers. Jeudi de Pâques, 14 avril 1300, dans la matinée
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La gloire de celui qui meut toutes choses pénètre l'univers, et resplendit davantage en un point, et moins ailleurs. Dans le ciel qui prend le plus de sa lumière je fus, et vis des choses que ne sait ni ne peut redire qui descend de là-haut ; car en s'approchant de son désir notre intellect va si profond que la mémoire ne peut l'y suivre. Vraiment tout ce du saint royaume dont j'ai pu faire trésor dans mon âme sera désormais matière de mon chant
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L.A. photographies, casa de Dante Florence mai 2010,
détail du paradis, canto 1 et vue sur le campanile de Giotto,
texte traduction Jacqueline Risset, La Divine Comédie, Le Paradis.

L'originalité inouïe de la Divine Comédie est de nous rendre le royaume de Dieu au plus haut point désirable par contraste avec les cercles de l'enfer et les corniches purificatrices du purgatoire. Désirable et connaissable, ce qui ne va pas seulement dans le sens mystique mais initiatique. Il est possible, ici, maintenant, de traverser la première mort et de retrouver la " forêt épaisse et vive " du paradis terrestre. Il est possible, après avoir revu les étoiles ( merveilles que nous n'éprouvons plus que de façon furtive et négligente ), de monter vers elles et en elles. C'est de l'intérieur du cosmos que Dante nous parle, avec son vrai corps charnel. Les deux ne font qu'un, ils s'approfondissent et brûlent ensemble. Ce cosmos n'est pas celui de la science, bien entendu, mais un immense mouvement combinatoire comportant, dans sa lenteur comme dans ses fulgurances, l'histoire de l'humanité tout entière convoquée déjà, avant le Jugement dernier, au tribunal de la justice et de l'amour
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L.A. photographie, Dante , Florence, mai 2010
Ph.Sollers, le temps de Dante, Folio 3747/P.12
Philippe Sollers
La Divine Comédie
Entretiens avec Benoît Chantre
Folio 3747
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Il faut rouvrir aujourd'hui La Divine Comédie. Les temps modernes nous cachaient Dante ; l'ère planétaire où nous sommes entrés le fait revenir dans toute son actualité. Dialogue tendu, cette nouvelle Comédie se déploie de cercles infernaux en ciels paradisiaques, en passant par les corniches du purgatoire : y apparaissent Rimbaud, Apollinaire, Proust, Bataille, Heidegger, Bacon et Picasso, mais aussi Péguy, Simone Weil, Matisse ou Cézanne, Bach et Mozart, sans oublier le pape Jean-Paul II. Chaque figure vient à son heure demander qu'on lui prête l'oreille et nous donne sa clé.
La Divine Comédie peut alors être entendue et nous livrer toutes ses richesses. L'histoire entière est convoquée, avant le jugement dernier, au tribunal de la justice et de l'amour. Les acteurs sont là, princes et ministres, papes coupables et martyrs, prostituées et bienheureuses, assassins et poètes
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L.A. photographie, la porte du paradis,
Florence, mai 2010