vendredi, novembre 14, 2008


L.A. photographie, sur un mur
Venise 2003

Marina Tsvetaeva ou l'état poétique

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" Nous sommes tous des loups, dans
la forêt profonde de l'éternité "
M.T.





Si nous nommons poésie n'est autre que l'intensification de notre être au monde, Marina Tsvetaeva est assurément poète. Et parmi les plus grands. Selon la belle et singulière parole de Char, " c'est un saut latéral qui projette sur nous Marina Tsvetaeva ". Saut dans la vie, saut dans le vide à chaque instant. Saut de lumière noire entre les mots. Poète de l'infini départ, Tsvetaeva disait avoir " soif de toutes les routes à la fois ". Inclassable, paroxystique, celle qui ne cessa de s' éprendre et de se déprendre ( " varier est mon affaire, Marina mon nom " ) traversa son destin comme un phénix qui ne chante que dans le feu. Toujours vers le haut, toujours au-devant - à l' exacte vitesse de l'âme ( " l'âme, le seul mot de toutes les langues qui ne supporte pas d'adjectif, pas d' explicatif " ).
Zéno Bianu





Marina Tsvetaeva


Le ciel brûle suivi de Tentative de jalousie
préface de Zéno Bianu
traduction de Pierre Léon et d'Eve Malleret
Poésie/Gallimard






Baiser au front - c'est effacer l'ennui.

Je baise au front.

Baiser les yeux - c'est tuer l'insomnie

Je baise les yeux.

Baiser les lèvres - c'est donner à boire.

Je baise les lèvres.

Baiser au front - c'est effacer la mémoire.

Je baise au front.



5 juin 1917



portraits de Marina Tsvetaeva
ici





















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La Neige

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Neige, neige
Plus blanche que linge,
Femme lige
Du sort : blanche neige
Sortilège !
Que suis-je et où vais-je ?
Sortirai-je
Vif de cette terre
,
Neuve ? Neige,
Plus blanche que page
Neuve neige
Plus blanche que rage
Slave...
,
Rafale, rafale
Aux mille pétales,
Aux mille coupoles,
Rafale-la-folle !
,
Toi une, toi foule,
Toi mille, toi râle,
Rafale-la-saoule
Rafale-la-pâle
Débride, dételle,
Désole, détale,
à grands coups de pelle,
à grands coups de balle.
,
Cavale de flamme,
Fatale Mongole,
Rafale-la-Femme,
Rafale : raffole.

Marina Tsvetaeva

poème écrit en français en 1923 .



































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Les carnets



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Inédits jusqu'à ce jour en français, les carnets de Marina Tsvetaeva, publiés ici dans leur intégralité, sont les documents les plus spontanés et les plus subjectifs dans l'héritage du poète. Véritable laboratoire d'écriture, ils constituent une oeuvre littéraire majeure puisqu'ils offrent au lecteur la possibilité d'accéder aux sources même de la création poétique. Journal, carnets de travail, impressions de lecture, chronique de la vie au jour le jour ? Une chose est sûre : ces croquis furtifs et poignants allient le prosaïque au sublime. Fidèle à son art poétique, Tsvetaeva y conjure les assauts du réel par la magie de sa conscience dans un dialogue avec elle- même qui devient parfois un dialogue entre le moi et le monde. Commencé peu avant la première guerre mondiale pour prendre fin à la veille de la seconde, cet exercice de lucidité, qui livre les clefs des secrets tsvetaeviens tout en ouvrant sur la scène de l'histoire, n'entrave pas son avancée à travers les mondes intimes que le lecteur à appris à côtoyer au gré des poèmes et des proses édités précédemment. Dans son face-à-face toujours extrême avec le mot, dans son souci minutieux d'offrir l'éternité à l'infime, le poète se tient sur le qui-vive et entend non seulement le fracas de la destruction qui déferle sur sa patrie - et bientôt sur le monde - mais, aussi , le chuchotement intime des choses elles-mêmes en quête de noms nouveaux. Pour accompagner l'édition française des carnets, la parole, vivante et complice, est donnée à ceux qui ont connu Marina Tsvetaeva, l'on croisée et aimée, à travers des notes, des réflexions ou des écrits divers. Grâce à la collaboration avec des archives russes d'état de littérature et d'art, de nombreux documents, inédits pour la plupart, éclairent ces carnets.
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éditions des Syrtes
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Marina Tsvetaeva ici

Buissons rapides


L.A. photographie, par la fenêtre d'un train
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la tension des buissons sur l'horizon

Du commencement du réel

Il y eut un commencement.
Il y eut un commencement au commencement.
Il y eut un commencement au commencement du commencement.
Il y eut l'être.
Il y eut le non-être.
Il y eut ce qui précéda le non-être.
Il y eut ce qui précéda ce qui n'était pas encore le non être.