lundi, août 25, 2008

Lapiaz

(L.A. photographie; Queyras juillet 2008)
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Le propre des voyants est de ne jamais se satisfaire de ce dont leurs yeux se contentent. Ils traquent l'universel en fouillant l'anecdodique. C'est le principe de la métonymie appliqué à l'observation. Un voyageur doit être capable de glisser du brin d'herbe au cosmos et d'imaginer des planisphères dans les nuages qui passent au-dessus de sa tête. Si un grain de sable suffit à lui contenter l'esprit, son bonheur sera immense d'être jeté dans l'erg !
(Sylvain Tesson; Petit traité sur l'immensité du monde; Pocket)

Nue-Nuage


(L.A. photographie de Zermatt à Simplon août 2008)
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Le nuage est un élément important dans l'imaginaire chinois, d'après lequel il constitue un chaînon dans le processus de la transformation universelle. Le titre de notre recueil poétique entre source et nuage signifie ceci : si, d'une façon générale, une source qui coule en sens unique symbolise le temps irréversible, penseurs et poètes n'oublient pas que l'eau de cette source s'évapore au fur et à mesure ; montée vers les hauteurs, elle se transforme en nuage puis retombe en pluie pour ré-alimenter l'eau. Ainsi, la "linéarité terrestre" est sans cesse rompue par un invisible cercle terre-ciel, qui incarne le vrai ordre de la vie. Pour faire sentir cette substance qu'est le nuage, à la fois terrestre et céleste, matérielle et aérienne, le mot français, avec sa prononciation pleine de nuances - un mot beau et proche-, est plus qu'efficace. Ce son du début -NU, qui, avec légèreté, s'amasse, puis s'élargit doucement et finit par s'évanouir dans l'espace. Par ailleurs, je sais gré à Mallarmé d'avoir, dans le poème "A la nue accablante...", si magistralement combiné le double sens du mot "nue". Faire fusionner le corps féminin et la nuée, les plaçant ainsi dans l'infini de la métamorphose, a de quoi toucher un esprit chinois, puisque de tout temps "nue" et "nuée" sont associées aussi dans la tradition poétique chinoise. On y use de l'expression "nuage-pluie" pour désigner l'acte charnel.
(François Chen, Le Dialogue, Desclée de Brouwer)

A la nue accablante tu

(L.A. photographie, Paris Nov 2004)
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A la nue accablante tu
Basse de basalte et de laves
A même les échos esclaves
Par une trompe sans vertu
.
Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume, mais y baves)
Suprême une entre les épaves
Abolit le mât dévêtu
.
Ou cela que furibond faute
De quelque perdition haute
Tout l'abîme vain éployé
.
Dans le si blanc cheveu qui traîne
Avarement aura noyé
Le flanc enfant d'une sirène
.
Stéphane Mallarmé

Mélèze

(L.A. photographie, Queyras juillet 2008)
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Arbre. Un des plus beaux noms donnés à la plante en question. Phonétiquement, et même graphiquement, cela s'élève d'abord (-AR), puis plane là-haut (-B, avec son double rond tout en équilibre), avant de répandre l'ombre bienfaisante (BRE). Au cours de la croissance de l'arbre, il y a la série de sons (-F) qui suggèrent ce qui fuse, foisonne, se fend ou se fond.
(François Cheng, Le Dialogue, Desclée de Brouwer)

Rocher et Pierre


(L.A. photographie Zermatt-Simplon août 2008)
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Le rocher est cette substance qui contient la flamme et les remous de l'origine, et qui, dans le même temps, se prête sans réserve à notre envie de modeler, à notre besoin de bâtir, nous permettant de nous fixer, de nous dépasser. Phonétiquement, c'est un mot qui évoque quelque chose d'enrobé (-ROC) et qui se donne (-CHER). La pierre, elle, est au ras du sol, sans cesse piétinée ; mais sans rancune, elle prolonge notre pied.
(François Cheng, Le Dialogue, Desclée de Brouwer)

Entre

(L.A. encre & photographie 2005)
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Le mot "entre", avec son double sens d'intervalle et de pénétration, est suggéré avec une netteté brève par la phonie. Il y a ce son suspendu en l'air (-EN) et qui semble, tel un aigle, attendre la moindre occasion pour pénétrer (-TRE) dans la brèche ouverte par l'espace lorsque deux entités sont en présence, quelle que soit l'intention qui les anime, hostile ou harmonieuse. On connaît l'importance accordée par la pensée chinoise à ce qui se passe entre les entités vivantes, cernées par la notion du souffle du vide-médian, tant il est vrai que c'est bien dans l' "entre" qu'on entre, qu'on accède éventuellement au vrai.
( François Cheng, Le Dialogue, Desclée de Brouwer)
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Entre
le nuage
et l'éclair
Rien
Sinon le trait
de l'oie sauvage
Sinon le passage
Du corps foudroyé
au royaume des échos
Entre
F.C.

Une Poésie...

(L.A. encre & photographie 2005)
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Une poésie où le poète, par des procédés d'ellipse et d'allusion, par l'abandon au jeu des métaphores qui suscite la résonance du non-dit, fait vivre une expérience de vacuité, cela aussi bien au niveau des signes qu'à celui de sa conscience et, au travers de cette expérience, entre en intime communion avec les éléments de l'univers vivant. S'il faut qualifier l'essence de cette poésie, c'est l'esprit du Chan, lequel, rappelons-le, est le fruit d'un mariage heureux entre le bouddhisme indien et le taoïsme chinois. Une poésie qui cherche à laisser parler le paysage et les choses, à laisser transparaître entre les signes un état de communion où l'invisible a sa part.
(François Cheng, le Dialogue, Desclée de Brouwer)
(L.A. Encre sur papier 21x29,7cm)


(L.A. Encre sur papier 21X29,7cm)

Ô ma jolie

(L.A. photographie; Venise juin 2008)

Elle est bâtie sur des vagues avec les eaux d'en haut et les eaux d'en bas.


Constellations

ici l'infini
des milliards d'années lumière
et une fleur qui flotte sur le silence
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(L.A. Photographie, Venise juin 2008)