mardi, décembre 23, 2025


image


ED Clark Green & Yellow-White

P

Étranger venu de l'Orient

je vois dans tes yeux le calme d'un lac sans rides

Mais dis-moi 











pourquoi enseignes-tu que tout coule et que tout change 

la vérité est immuable

ce qui est est 

cela ne peut ni naître ni périr ni changer

le changement n'est qu'une illusion des sens

une opinion de mortels égarés






B 

Sage de l'Occident 

ton esprit cherche le roc solide dans un océan de tempêtes

tu dis que l’Être est une sphère parfaite et immobile

pourtant regarde cette flamme  

elle semble être la même

mais à chaque instant 

la mèche brûle et l'huile s'épuise

rien ne demeure identique à soi-même

ce que tu appelles  l'Être  est une prison de l'esprit

la liberté réside dans la compréhension que tout est lié

sans noyau fixe




P

Si la flamme change alors elle n'est plus

Or comment ce qui n'est pas pourrait-il exister 

le non-être est un chemin impraticable 

on ne peut ni le connaître

ni l'énoncer

pour que tu puisses dire  cela change 

il faut bien qu'il y ait un  cela  qui demeure

sans l'Un 

ton monde s'effondre dans le néant





















B

tu cherches une substance 






je vois une dépendance

rien ne surgit seul

la fleur existe grâce à la pluie au soleil et à la terre

retire ces éléments et la fleur s'évanouit

elle n'a pas d' être  propre Svapbhava

ce n'est pas le néant 

c'est la Vacuité

c'est parce que tout est vide de nature propre 

que tout peut se transformer

ton  Un  est une statue de pierre 

ma  Vacuité  est l'espace qui permet à la statue d'exister






P

tu parles de ce qui apparaît aux sens

mais la Raison le Logos nous dit autre chose

si l'Être est parfait

il est fini complet 

limité dans sa propre perfection 

s'il changeait

il lui manquerait quelque chose

le mouvement est un signe d'imperfection

pourquoi cherches-tu le salut dans le devenir

qui est le royaume de l'erreur 















 




Correspondance André Breton Julien Gracq

Parmi les nombreuses correspondances qu’André Breton a entretenues tout au long de sa vie, celle-ci occupe une place à part. Julien Gracq, que l’on y découvre comme épistolier, est toujours demeuré en lisière du groupe surréaliste. Du grand aîné dont il a découvert les œuvres alors qu’il avait vingt ans, qu’il admire et auquel le liera jusqu’à la fin une affection véritable, il n’a pas attendu autre chose que d’être reconnu, au moment où il lui envoya son premier livre, Au château d’Argol.













Commencée en 1939, interrompue par la guerre, leur relation reprend à la Libération, alors que leurs parcours respectifs tendent à s’inverser : revenu en France en 1946, Breton, peu à peu miné par les crises qui déchirent le groupe et sollicité par mille tâches, ne retrouvera jamais la place qui était la sienne entre les deux guerres ; poursuivant son œuvre propre d’écrivain, Gracq gagne en notoriété en concédant le moins possible à la « vie littéraire ».

« Ensemble », ils furent, mais « séparément », comme Breton l’écrivit dans le dernier message qu’il lui adressa, quelques mois avant sa mort. Leur amitié leur fut d’autant plus précieuse que chacun conservait sa liberté.





« Vous disposez, me semble-t-il, de grands secrets qui ne sont pas seulement ceux de la poésie et c’est ce qui me fait balancer entre l’envie de vous connaître, l’espoir d’accéder par vous à tout autre palier que celui qui est naturellement le mien et la tentation de respecter cet anonymat duquel, m’a-t-on dit, vous refusiez à peu près de vous départir. »


Lettre d’André Breton à Julien Gracq (Dimanche 13 mai 1939)



« Je pense que l’existence de cette conspiration amicale singulière (mais très souvent pour toujours silencieuse) autour de vous vous est assez connue, par d’autres témoignages, et de plus de valeur, que le mien. Je ne tiens pas particulièrement à l’anonymat – sauf à Quimper que j’habite en ce moment – mais vous voir, surtout après votre lettre, représente pour moi quelque chose de très intimidant. »


Lettre de Julien Gracq à André Breton (Quimper, jeudi 18 mai 1939)























L’absurde et la cohérence 


l’absurde surgit 

lorsque le monde refuse de répondre à nos attentes de sens

il est décalage dissonance

faille entre la soif de compréhension et le silence du réel

l’absurde n’est pas le chaos pur mais

l’expérience aiguë d’une logique qui nous échappe

d’un ordre qui ne se laisse pas traduire



la cohérence est l’effort de liaison














elle relie articule 

rend les choses tenables ensemble

elle n’abolit pas l’absurde mais 

cherche à tracer des lignes de continuité

à produire un récit

une forme habitable 

la cohérence est une construction 

fragile mais nécessaire




entre l’absurde et la cohérence se tient la condition humaine  

savoir que le monde peut être dénué de sens et pourtant 

continuer à en produire 

trop de cohérence devient mensonge  

trop d’absurde devient paralysie



vivre penser créer 

consiste peut-être à maintenir cette tension  

accueillir l’absurde sans s’y dissoudre

bâtir de la cohérence 

sans prétendre qu’elle est ultime









madamerenoir:
“ hugh scott-douglas
”




hugh scott-douglas




















Méandre

chemin qui refuse la ligne droite

l’eau pense en détours

le temps s’attarde

approfondit


chaque courbe retarde l’arrivée et enrichit le passage
















L'Échappée Courbe

le torrent ne s’égare pas

il hésite avec sagesse refusant la ligne droite

cette tyrannie du but 

dans chaque boucle

le temps s’enroule et se caresse 

apprenant que le détour est le seul chemin brut

c’est dans l'inflexion que l'être enfin se déploie  

vouloir l'horizon

c'est oublier la rive


la vérité n'est pas au bout

mais dans la dérive où l'eau en se perdant invente 

sa propre loi















enroulement autour de quelque chose tours et détours


CIRCONVOLUTION

retour 

du sens sur lui-même

la pensée avance en spirales

creuse

replie 

approfondit


rien n’est linéaire 

le vrai se forme par détours et l’esprit habite ses propres plis







Circonvolution nous conduit là où l’on peut s’étonner 
de l’espace et du temps et même 
de son propre corps
de sa pensée
de sa conscience 
de tous ces  souterrains 
 
où 

le vide et le plein
le fini et l’infini, 
le beau et le laid
l’absurde et la cohérence
le grand et le petit
l’absence et la présence 
ne cessent de se renvoyer l’un à l’autre 

et le texte qui dit tout cela n’est-il pas lui aussi  étrange 
et  étranger  à cela même qui le produit 
et à celui-là même qui l’écrit 




prochain mot

Spire
élan courbé vers le haut
mouvement qui s’élève en se retournant
ni cercle clos ni ligne droite
mais une ascension patiente
où le centre se déplace sans cesse