il nous faut
un langage
pour trouver notre sol
et formuler
la vie ...
non un système clos
mais une trame suffisamment ferme
pour que la pensée puisse s’y appuyer
sans s’y enfermer
le langage ne décrit pas la vie
il lui offre une surface d’articulation
un lieu où ce qui se disperse
peut prendre forme même provisoire
trouver son sol c’est d’abord trouver ses mots
non ceux qui expliquent
mais ceux qui situent
qui donnent une orientation minimale
des mots qui ne prétendent pas saisir
mais simplement reconnaître
ce qui apparaît
ce qui insiste
ce qui demande à être nommé
ne serait-ce que pour ne pas se perdre
la vie
elle,
ne se formule
jamais
entièrement
elle accepte des fragments
des lignes brisées
des phrases incomplètes
qui suffisent pourtant
à établir un contact avec le réel
ainsi le langage n’est pas un outil
mais un sol en construction permanente
une manière d’habiter le monde
en rendant visible
la part de sens
qui sans lui resterait diffuse
formuler la vie
c’est tenter de donner à ce qui passe
une tenue légère
assez stable pour être partagée
assez souple pour ne pas trahir
le temps dans tous les sens
non comme une ligne
mais comme une dispersion contrôlée
un champ où chaque direction
a sa propre logique
il avance bien sûr
mais il se replie aussi
il stagne il se dédouble
il se glisse dans les interstices
que la conscience laisse ouverts
il y a le temps mesuré
celui qui ordonne les gestes
et l’autre plus vaste
qui ne compte rien
et se contente d’être là
comme une pression subtile
au bord des choses
dans certains instants
le temps se concentre
il se resserre autour d’un détail
d’un mot d’une respiration
rendant tout le reste secondaire
dans d’autres
il se déplie à l’infini
s’étire jusqu’à devenir
presque absent
laissant place à une continuité
sans repères
le temps dans tous les sens
c’est reconnaître que la durée
n’est pas un seul mouvement
mais un ensemble de directions
que l’esprit traverse
selon son degré de présence
et peut-être qu’habiter le temps
ne consiste pas à le maîtriser
mais à accepter que sa forme
change avec nous
à chaque pas
à chaque silence
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