Je me souviens du bruit sec de mes pas sur les pierres
chaudes
Je me souviens de l’odeur de la terre mouillée après
l’orage
Je me souviens des fleurs violettes qui se penchaient
au bord du sentier
Je me souviens du vent qui frappait mon visage
en rafales glacées
Je me souviens de la lumière dorée qui filtrait
entre les sapins
Je me souviens des nuages qui semblaient courir
plus vite que moi
Je me souviens du goût de l’eau froide
dans mes mains
Je me souviens des pierres qui roulaient sous
mes bottes mal assurées
Je me souviens des cris lointains d’un aigle
planant dans le ciel
Je me souviens des myrtilles écrasées
sous mes doigts
Je me souviens du silence soudain au sommet seulement
troublé par le souffle du vent
Je me souviens des ombres des arbres qui
dansaient sur la neige
Je me souviens des cailloux blancs qui scintillaient comme
des étoiles sur le sentier
Je me souviens du froid qui mordait mes
oreilles et mes doigts
Je me souviens des petites cascades qui
chantaient en contrebas
Je me souviens de la fatigue qui rend chaque pas
plus lourd mais plus vivant
Je me souviens du parfum de l’herbe sèche et
du thym sauvage
Je me souviens des traces d’animaux dans la boue :
lièvre renard marmotte
Je me souviens de l’ombre du nuage qui passait
sur la vallée
Je me souviens des rochers moussus qui accueillaient
mes mains tremblantes
Je me souviens du froid du matin et de la brûlure
du soleil à midi
Je me souviens des fleurs jaunes qui semblaient
sourire au vent
Je me souviens de la vue de la vallée comme un tapis
de vert et d’argent
Je me souviens du parfum du bois et de la résine
chauffés par le soleil
Je me souviens des cailloux qui glissaient sous mes pieds et du
rire nerveux que cela provoquait
Je me souviens du bruissement des ailes d’un corbeau
dans le ciel
Je me souviens des nuages qui se reflétaient
dans les lacs alpins
Je me souviens de l’écho de ma voix qui rebondissait
contre les parois rocheuses
Je me souviens des pauses sur les rochers les jambes
pendantes dans le vide
Je me souviens de l’or des feuilles de bouleau
dans la lumière du soir
Je me souviens de la brume qui montait des vallons
comme un rideau vivant
Je me souviens des racines qui surgissaient du sol et
des mains qui les agrippaient
Je me souviens du goût de pain sec et de fromage
sur un banc de pierre
Je me souviens du bruissement des herbes
hautes sous le vent
Je me souviens du frisson dans le dos quand un nuage
d’insectes passait
Je me souviens des marmottes sifflant
dans les pentes rocheuses
Je me souviens du ciel immense si vaste qu’il semblait
absorber le monde
Je me souviens du silence après la tempête, lorsque tout sentait
la pluie et le renouveau
Je me souviens des ombres qui s’allongeaient
au fil de la descente
Je me souviens de la chaleur du soleil sur mon visage
fatigué et heureux
Je me souviens de Georges Perec
une liste de souvenirs personnels et collectifs chacun commençant par
Je me souviens…
Perec transforme ces souvenirs ordinaires en poésie montrant que chaque petite chose peut révéler un monde de mémoire et d’émotion
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