lire c'est se réveiller
je lisais et je brûlais
je ne savais que faire face à ces sourds et à ces morts dont j’avais fait partie moi le fléau l’aboyeur amer et aveugle dressé contre les écritures ruisselantes de miel du miel céleste et resplendissantes de lumière de ta lumière... Augustin
mais lire
c’est surtout
entrer en soi-même
apprendre à se considérer comme un monde
de signes
de messages codés
de rébus
en somme le Diable ne voudrait pas que je me déchiffre alors que Dieu ne demande pas mieux
découverte étonnante mais qui explique sans doute les passions aussi bien cléricales qu’anticléricales
tu ne liras pas par toi-même voilà ce que les pouvoirs ont à dire à chacun
détenir
le sens
l’interprétation
le savoir
le sacré
est la vraie préoccupation des siècles
l’expérience intérieure directe dérange toujours la surveillance du spectacle des générations et des corruptions
le verbe
lui
demeure en lui-même et jamais ne vieillit
mieux
il renouvelle toutes choses
il a donc
dans son ancienneté vertigineuse la priorité sur toute nouveauté
la preuve en est la célèbre méditation
d’Augustin ici extraordinairement novateur sur
les vastes palais de la mémoire
il existe
d’une autre façon qu’il le croit
il est
plus ample
plus diversifié
plus profond qu’il ne l’imagine
bref
il s’aperçoit qu’il passe son temps à ignorer le temps à se réduire en le réduisant à accepter la fausse image que les autres ont de lui alors qu’il est plein
de cachettes
de cavernes
de mystérieux replis sans nom
dont le sommeil l’oblige à reconnaître la persistance
Philippe Sollers
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire