mardi, mai 14, 2024





Poétique du contre-monde

Dans Le champ de la plinthe, l’unité de base de la composition choisie par Dominique Quélen est un bloc de texte de cinq lignes. 

Trois cent cinquante de ces blocs sont disposés par groupe de quatre par page, espacés par trois intervalles de blanc d’une taille exactement équivalente à la hauteur d’un bloc. 





















Ces données formelles quantitatives s’avèrent essentielles car, objectives, elles nous aident à ne pas perdre pied. Oui : perdre pied dans la langue. Pourtant, les thèmes récurrents qu’on repère dans ces textes — la forêt, le paysage, la verdure, la couleur rouge, les quantités (mètres, mètres carrés, minutes…), la neige, l’eau, la douleur… — sont autant de signifiants relevant du langage le plus courant : pas de lexique rare, ni de procédés délirants (glossolalies, néologismes, fatrasies drolatiques…), ni de syntaxe échevelée ou incohérente. Toutes les propositions énoncées respectent la grammaire la plus pure. Néanmoins l’étrangeté est partout. Le lecteur est plongé non pas dans le non-sens patent reconnu comme tel, mais dans une langue dont le sens lui échappe « de peu » : le texte est gorgé d’un sens qui glisse sans cesse entre nos doigts.


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L’horizon redevient horizontal. Vous soufflez sur des outils pour former une ombre. Vous l’obtenez. Nous voulons mesurer puis vous mettez toute votre langue dans votre bouche qui ferme bien. Voici la pierre jetable. L’ensemble dure cinq minutes. Des promeneurs vont. Je communique de la précarité et le secret d’un délicieux animal à partir de rien.



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La pertinence du discours (c’est-à-dire tout ce qui permet d’inférer l’intention communicative du locuteur) s’avère d’une grande fragilité et notre langue, qu’elle soit quotidienne ou poétique, est très fortement corsetée par l’obligation de rendre compte d’un référentiel partagé (extérieur ou intérieur). Certains, comme Dominique Quélen, lui rendent sa liberté.


Le champ de la plinthe 
Dominque Quélen par Pierre Gondran dit Remoux

















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