mardi, mars 26, 2024


en français le mot 

écorce 

est dit par les étymologistes représenter 

l’aboutissement médiéval du latin impérial 

scortea 

qui signifie 

manteau de peau

Comme pour rendre évident qu’une image si l’on fait l’expérience de la penser comme une écorce est à la fois un manteau  une parure un voile  et une peau c’est-à-dire une surface d’apparition douée de vie réagissant à la douleur et promise à la mort
















Le latin classique a produit une distinction précieuse : il n’y a pas une, mais deux écorces. 

Il y a d’abord l’épiderme, ou cortex. 

C’est la partie de l’arbre immédiatement offerte à l’extérieur, et c’est elle que l’on coupe, que l’on “décortique” en premier. 

L’origine indo-européenne de ce mot – que l’on retrouve dans les vocables sanscrits krtih et krttih – dénote à la fois la peau et le couteau qui la blesse ou la prélève. 

En ce sens, l’écorce désigne cette partie liminaire du corps qui est susceptible d’être atteinte, scarifiée, découpée, séparée en premier.

Or, là précisément où elle adhère au tronc – le derme, en quelque sorte –, les Latins ont inventé un second mot qui donne l’autre face, exactement, du premier : c’est le mot liber, qui désigne la partie d’écorce qui sert plus facilement que le cortex lui-même de matériau pour l’écriture. 

Il a donc naturellement donné son nom à ces choses si nécessaires pour inscrire les lambeaux de nos mémoires : ces choses faites de surfaces, de bouts de cellulose découpés, extraits des arbres, et où viennent se réunir les mots et les images. 


Ces choses qui tombent de notre pensée 

et que l’on nomme 

des livres


Ces choses 

qui tombent de nos écorchements 

ces écorces d’images et de textes montés

phrasés ensemble  

Georges Didi-Huberman Écorces Les Éditions de Minuit

















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire