samedi, mars 25, 2023

 

je ne suis pas 

encore vraiment l'harmonie 

des sphères


je suis

l'écume de l'obstruction

dans 

l'écume de l'obstruction je suis



je suis 

le pont ouvert






















je suis

la chute libre


je suis à la bibliothèque en compagnie des rayons bio


je vibre comme le trafic




que le soleil se lèvera demain est

une hypothèse

et cela veut dire que

nous ne savons pas s'il se lèvera 



le vertige déborde le 
brouillard 
et 

le brouillard déborde la limite 
de l'eau 
et 

l'eau dévale le versant 
des collines


















la 
procédure de
l'

induction 

consiste en ceci que 

nous adoptons 

la loi la plus simple 

qui puisse être mise en accord 

avec nos expériences


mais cette procédure n' a aucun fondement 

logique 

son fondement 

est seulement psychologique 


















il est clair 
qu'il n'y a aucune raison 
de croire que se produira maintenant 
réellement le cas le plus 
simple


induction

opération mentale 
qui consiste à remonter des faits à la loi
de cas particuliers à 
une proposition 
plus générale 

opposé à déduction

raisonnement par induction

généralisation



PHYSIQUE

transmission 
d'énergie électrique ou magnétique 
par l'intermédiaire d'
un aimant ou d'
un courant 

induit



































 

ce 
matin je lis des poèmes 
dans

un format américain


je suis

le silence sans obstacle de l'aube


je suis

le quartier des choses étrangères


je marche

près de l'autoroute qui vibre


je suis

l'échangeur


je vole 

en éclats au milieu du jour


je suis

le dernier des véhicules


j'achète de la confiture


je suis

le front de mer

je recouvre le front de mer


je suis

le plus étranger des oiseaux


je suis 

pélagique et sobre


***




une vitre

me sépare du monde

opaque et déformante


seules ses brisures

me permettent d'y voir




quand 

un verre précieux

se cassait autrefois

on coulait 

dans ses fentes

de l'or fondu



à présent 

de quelque source

il jaillisse

c'est au suc ambré

des mots

qu'il me faut laper

quelques gouttes

de lumière




















poèmes courts par Denise Le Dantec


la Fontaine au Roi


j'ai oublié


il y avait beaucoup d'eau


je n'étais peut-être

pas là






















 

les fleurs flottaient


 


au fond les naïades

récoltaient du sel


 


quand tu es arrivé

je trempais mon aile


 


*


Rue Gît-Le-Cœur.

maintenant est-il plus maintenant ?


 

je me suis réveillée 

le fleuve

n'était plus là


je m'approche 

je dégèle

mes mains


 

pas de lucioles sous les peupliers


*


 


la ronce jaunie et l'anémone ferreuse


 

le bosquet se replie

sous la nèfle


 


et c'est comme si la phrase

ayant perdu sa floraison

se retirait dans son ombre

son silence

son néant


*


 


novembre 

vieille pluie


les chiens sous les églantiers


 je suis allée à la fenêtre


maintenant que tout manque 


et parfois


elle est là 

assise en forme de colombe


et pourquoi



***


marcher 

vains dieux de misère 

c'est 

le secret révélateur  


on ne pas 

asservir 

l'homme qui marche




















 


du 
point centre 

zéro 

partent 
et reviennent 
les quatre directions 
en triple dimension formant 
et remplissant 

l’univers 

visible et invisible



































le 20 juin 

on a emmené 

le Banniche Gautherot à l'hôpital


quoi donc qu'elle avait

une dépression nerveuse 

qu'ils disent 


































faut dire 
qu'elle s'était fait mettre la télévision 
l'année dernière...

la télévision

mais quel rapport 

Gazette



































rapport cause à effet 

en 
une seule année 
dans sa boîte à images elle a assisté 
à 

deux cents grèves 
dix-huit révolutions 
cinquante-deux coups d'Etat 
vingt-deux tremblements de terre 

elle qu'avait jamais rien vu 
elle a pas pu 
supporter



*



le progrès 

mes amis
 
le progrès 


le voilà 
qui atteint nos régions marginales enclavées 
et sous-développées 

et vous en crèverez tous 

l'égalité devant le progrès

la dépression nerveuse pour tous 

l'infarctus à la portée de toutes les bourses





















tout 

ce qui est grand 
se passe loin 
de la place publique et 
de la gloire 

loin 

de la place publique et de la gloire 
demeurèrent 
de tous temps 
les inventeurs 
de valeurs nouvelles


fuis 

mon ami 

fuis 
dans ta solitude 




































je te vois 
meurtri par 
des mouches venimeuses 

fuis 

là-haut où souffle 
un vent rude et fort 


fuis 
dans ta solitude 
 
tu 
as vécu 
trop 
près 

des petits et des pitoyables 


fuis 

devant 
leur vengeance 
invisible 

ils 
ne veulent que 
se venger 
de toi


































nous approchons d’

un moment 

où le moule du temps doit être brisé pour tout l’univers en attendant que le temps soit brisé lui-même et c’est par la France que cette brisure commencera

les révolutions que tout présage devoir se faire dans l’esprit de l’homme seront bien plus surprenantes encore et auront bien d’autres suites que nos révolutions politiques



on se croirait ces jours-ci


























A l’initiative d’une intersyndicale miraculeusement unie et parfaitement responsable des manifestations pacifiques réunissant des centaines de milliers de personnes  

qu’on croyait anesthésiées par les mesures gouvernementales prises depuis mars 2020  

secouent la France depuis plus de deux mois contre une réforme des retraites que 70% des Français et 90% des salariés rejettent 

sourd aux revendications populaires le petit monarque républicain opposant la  

foule qui manifeste  au  peuple qui s’exprime à travers ses élus   

reste droit dans ses bottes ajoutant à 

une crise sociale profonde 

qui dépasse largement la question récurrente dite des  retraites  

une crise démocratique 

qui n’a pas beaucoup de précédents sous la Ve République, désormais à bout de souffle

le devenir-clown des hommes d’État mériterait 
une étude à part  

écrit Sollers dans Désir 

de temps en temps 
le nouvel élu fait illusion 
un an ou deux mais rapidement il dérape 
ennuie s’énerve 
s’effondre 

il ne lui reste plus qu’à répéter que le choix est entre lui et le chaos

encore 
une vague de spectacle avant que surgisse 
un désordre ou
un scandale nouveau 

écrit-il encore 

un an ou deux c’est déjà trop 

quelques mois cette fois ont suffi

symboliquement ironie de l’Histoire c’est le voyage d’un roi le roi Charles III d’un Royaume-Uni lui-même touché par des grèves massives et sans précédent depuis 1979 que l’Élysée s’est vu contraint sinon d’annuler de reporter aujourd’hui même le 24 mars le climat en France devenant hautement inflammable 

humiliante première  retraite 

ici et là dans les manifs on voit des pancartes avec le slogan  

tu nous mets 64 on te re-mai 68 

sommes-nous à la veille d’un nouveau mai dont chacun sait qu’il débuta bien plus tôt en février-mars  

bien malin qui pourrait prédire la suite des événements 

en la circonstance je fais miens ces propos de Georges Bataille 

l’anarchisme m’irrite  je hais même ces faibles aux esprits confus qui demandent tous les droits pour l’individu : la limite de l’individu n’est pas seulement donnée dans les droits d’un autre elle l’est plus durement dans ceux du peuple 

chaque homme est solidaire du peuple en partage les souffrances ou les conquêtes ses fibres sont partie d’une masse vivante 

il n’en est pas moins seul au moment lourd

préface au Sur Nietzsche




toutes les révolutions importantes et qui sautent aux yeux doivent être précédées dans l’esprit de l’époque d’une révolution secrète qui n’est pas visible pour tous et encore moins observable par les contemporains et qu’il est aussi difficile d’exprimer par des mots que de comprendre

écrit Hegel 

ainsi sommes-nous justifiés de nous demander ce qu’il en est pour nous et ce que nous entendons aujourd’hui par Révolution dans cette traversée du siècle 


















n’élève plus 
le bras contre eux 

ils sont innombrables 
et ce n’est pas ta destinée d’être 
un chasse-mouches


innombrables 
sont ces petits et ces pitoyables  
et maint édifice altier 
fut détruit 
par des gouttes 
de pluie et des mauvaises herbes


tu n’es pas 
une pierre mais déjà 
des gouttes nombreuses 
t’ont crevassé. 

des gouttes nombreuses 
te fêleront et te briseront encore