vendredi, août 18, 2023





Brefs

Pierre Alferi

Que cherchent les écrivains qui, au risque de passer sous les radars médiatiques, n’empruntent pas l’autoroute du récit linéaire et du reportage romancé ? La voie étroite de la poésie débouche sur des formes minoritaires et sur des consistances bizarres de prose. Comme s’il fallait d’urgence ranimer, redessiner les mots en troublant leur usage. Mais dans quel but, au juste ?


















De temps à autre, on m’invite à exposer des idées. Mon choix du sujet est toujours intéressé. Il concerne ce que je pratique : la poésie et la prose narrative surtout, un peu le montage et le dessin. Il s’agit de parler en s’adressant à des gens en particulier. La dispute n’est jamais loin. Le ton n’est pas toujours sérieux. Limité par le temps, je procède quelquefois par simples assertions, qui se lisent alors comme les têtes de chapitres manquants. Esquisses d’une réflexion que d’autres prolongeraient, ces brefs discours sont ensuite laissés en l’état.

Ils portent, donc, sur des inventions marginales : poèmes prosaïques, visuels ou animés, récits digressifs ou hétérogènes, figures de monstres, films dansants, fantômes tracés. Ils suggèrent une certaine politique des formes. Ils plaident pour une imagination technique assez négligée – ou mal vue – en littérature.


***


Des inconnus ont pris vos places

à la table ronde, leurs mains

déjà tapotent le marbre —

je pense à vous beaucoup

-- le bras d’un chevalier

de l’ordre vulgaire

mouline la neige

tranche et trie les têtes

dans le bruit vidéo

on l’oubliera ce long zapping —

je pense à vous beaucoup

pixellisés parmi les zooms

de la mémoire, vous êtes presque

dans le décor

vos genoux, vos mentons, vos coudes

tendent la toile

des pellicules

puant le ketchup et la cire

vous collent à la peau —

je pense à vous beaucoup

mes regrettés vivant

sur cette chaîne étrangère

dont nous partageons les plages

faute de vie commune.





















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