lundi, octobre 10, 2022






depuis les années 1960 

Robert Bly 

a publié

une œuvre poétique considérable





































basée sur l’observation du monde naturel et la connaissance des contes et des mythes fondateurs. 

Par sa manière d’aborder la présence de l’homme dans les grands cycles de la nature et de questionner le mystère du monde, on peut trouver dans son œuvre des influences de la poésie classique chinoise, de la Bible ou des poèmes soufis, mais aussi, entre autres, de William Blake, Walt Whitman, William Butler Yeats, Henry David Thoreau ou Rainer Maria Rilke, qu’il a aussi traduit. 

Ainsi que celle des ghâzals persans, comme c’est surtout le cas dans ces deux recueils parus en 2001 et en 2005. Les ghâzals, dans leur forme classique, sont des poèmes d’amour, parfois mystiques, chantés et constitués de distiques autonomes, sans enjambements, qui se terminent par le même mot ou groupe de mots (le refrain). 

Bly adopte cette forme à sa convenance : chez lui ce ne sont pas des distiques mais des tercets, et il ne procède pas systématiquement à la répétition des mêmes mots en fin de strophe. 

L’un des poèmes de cet ensemble, « Appel à réponse », qui dénonce l’intervention militaire américaine en Irak, eut un retentissement considérable à sa parution – il est sans doute aujourd’hui le plus connu de Robert Bly outre-Atlantique.

































B


je conserve

autour des ongles

la 

brûlure 

de l'horizon


plus avant cette chaleur

et sans ouvrir

la 

bouche

















en avant de moi 

la 

blancheur 

de l'inconnu



j'ai dormi 

dans l'épaisseur du

battant
























avant l’éveil 

coupe du bois porte l’eau

après l’éveil

coupe du bois porte de l’eau


et 

l’ordinaire 

de la vie devint 

divin




















ce même abandon mais 

dans l’être

dans l’action désintéressée

dans la toute petite action

qui prenait 

un autre goût





















la poésie 

de l’allégorie se plaît ... 


dans l’aporie


elle affecte ... 

une forme d’insistance butée 

presque obtuse

qui voudrait triompher du scepticisme à l’usure

rendre possible le miracle ... 

une minute 

avant qu’il ne survienne... 




















elle s’applique à déjouer les séparations ... 

pour esquisser des rapports inouïs

non seulement avec l’histoire et le mythe 

mais entre des événements considérés 

comme trop éloignés... 


il s’agit par là

de faire la démonstration d’

une autre forme de la compréhension 

non plus l’analyse qui divise

mais l’imagination qui relie

jusqu’au plus lointain

et lui donne ainsi 

sens dans l’ampleur quasi surhumaine

visionnaire de la représentation


la poésie est le lieu de telles rêveries qui pourraient bien s’avérer justes si elles n’étaient infalsifiables c’est-à-dire à la fois irréfutables et improuvables

en somme les poèmes dans leur diversité libre de toute école ne cessent de nouer des interprétations possibles pour nous donner à comprendre à penser à imaginer et à sentir le monde autrement























le brûleur 

d'encens en céladon 

avec 

couvercle en forme de lion 

est 


un des Trésors nationaux 

de la Corée du Sud



















le couvercle de ce brûleur d'encens a la forme d'un lion considéré comme le protecteur dans le bouddhisme et qui apparaît fréquemment dans les pagodes sur les lanternes et autres instruments de cérémonie bouddhistes 

ce lion présente des caractéristiques très particulières  sa patte droite repose sur un chintamani bijou magique bouddhique et une cloche est suspendue à son poitrail 

les pupilles de ses yeux larges et fixes sont assombries par un vernis brun 

ses oreilles sont repliées vers le bas et sa queue est enroulée sur son dos



















bleuet

cobalt

indigo nuit roi

minuit

horizon pervenche corail

garance cardinal 

grenat

pourpre amarante cuivre

argile

tourterelle

ardoise perle argent 

céladon 





















c'est vers

onze heures du matin 

que le bleu des céladons éclairé 

par les rayons du soleil apparaît dans toute 

sa beauté




















le céladon désigne à la fois un coloris et un type de céramique propre à la Chine et à l'Extrême-Orient les céramiques céladon de Corée de la période Koryŏ utilisent cette glaçure verte ou bleu-gris translucide.





tourterelle

ciel qui s'étire et se ramasse 

perce 

et

bouche

purge et nourrit 
























A


vêtu 

de sa déchirure

air 

et montagne

le jour


le ciel de face

ajouté

où tout est perdu 

ajouté




















afflue

tant qu'il a souffle

asséchant


atteindre

à ce sol notre tête


avide d'yeux

avide

de mémoire


avec

ton visage de bois






















je tiens

un dé 

en équilibre 

sur la pointe de ma plume

régulièrement 

je le lance

le hasard s'abolit



tout est zone inondable

soudain 




















un fleuve

réfléchit

et


une fraction 

d'eau 

froide

et


une date 

arrive

et



un souvenir jaillit

et


une sécheresse 

se termine


une paire d'yeux 

s'ouvre


une réalité 

se fatigue

un non-sens

se réveille 

reposé

et


un corps après soi


ça s'obscurcit

ça s'éclaire

au miroir 

du vin la lune

au miroir 

du café le soleil



Gergelyiugornya 

carte postale


un son 

est

une hauteur de colonne d'air

comme

un poisson 

de haute mer




je sais 

d'instinct 

toujours m'arrêter

à la bonne 

profondeur

dans l'océan des textes






















je suis

dans 

une chaloupe au milieu de l’océan

et mes rames sont brisées



l’eau pénètre 

par les fentes du bois

un vieil aveugle 

me guide 

en se fiant aux étoiles

































que ferons-nous 
des histoires que racontent 
les vieillards 

?

certains disent qu’
un être hirsute 
plus vieux qu’Adam
a construit 

une prison 
à l’intérieur d’

un grain de riz

un seul poil 
subsistant au menton d’

une chèvre 
suffira à faire tomber 
la foudre lors d’

une nuit d’orage
si nous avons oublié 
le nid dans lequel nous sommes 
nés








l’oiseau 
peut chanter pendant des heures 
à travers son bec 

!

il picore 
ses graines avec soin

mais nous
les fils de l’oubli



nous 
mangeons
la chair qui est morte 
en hurlant




























le lecteur 

est averti du danger 


un désordre historique assumé 

mêlant réel et imaginaire citations et pastiches

rendra le livre 

difficilement 

lisible 



















c’est 

un livre de lecteur 

parce que c’est 

un livre de pirate

pas 

une croisière


comme dans la fable le trésor est le travail le trajet aventureux déchiffrant la carte qu’il dessine en avançant à la surface d’une mer qui comme disait Melville dépasse la terre 




ce n'est pas 

la difficulté qui fait que l'on n'ose pas

mais c'est de n'oser pas que vient 

toute la difficulté


A quoi perd-on 

la plus grande partie de sa vie 

à différer


pendant 

qu'on la diffère

la vie passe en courant




en suivant 

le chemin qui s'appelle 

plus tard


nous arrivons 

sur la place qui s'appelle 

jamais