samedi, juillet 23, 2022


je jure 

en pleurant 

que ce n’est pas mon écriture



une fois le texte livré à la compréhension de ses lecteurs

l’auteur ne peut plus le reconnaître 

quand bien même 

il n’a fait qu’œuvre de copiste
























et le sentiment 

de dépossession demeure car le livre 

aura tout dévoré


il en est tout autant du lecteur 

qui ne se trouve jamais là 

où on l’attend 


le lecteur 

ce n’était jamais toi ni un autre




la sagesse de la langue est antérieure à 

la sagesse des sciences


le fil noir 

de l’écriture passe par le chas d’

une aiguille

à recoudre les bruits de déchirure 

que les récits intérieurs à la fois couvrent et provoquent 

en tournant les pages


il y a 

des livres où les métaphores 

qu’il collectionnent sont comparables à des papillons


malgré l’aiguille qui leur traverse le corps les holométaboles continuent de battre des ailes dans la boîte en papier vitrée jusqu’à ce qu’à l’issue d’une imprévisible et cinquième métamorphose leurs ombres blanches flottent en lévitation dans le vitré


mais à quel mélange de parfums d’acacias et de lilas en fleur en relis-tu alors les pages devenues de voletants imagos dans les yeux quand tu réalises qu’il s’agit de jeunes fiancés comme dans les tableaux de Chagall


tu n’auras dès lors plus qu’à battre des paupières en dévalant avec Babel l’escalier d’Odessa dont chacune des marches conserve l’empreinte d’un récit-poème d’anticipation pour que ces bienheureux ludions s’interposent entre toi et le monde



et pourquoi 

dans des minutes de joyeuse insouciance, 

sentons-nous la tristesse 

s’insinuer en nous




le rire 

se fige sur nos lèvres

notre visage s’assombrit 

et nous voici aussitôt 

différents 

de nos compagnons...






















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