dimanche, mars 21, 2021


il n'y a de voie que la révélation

à savoir

qu'il y a


il y a   

est la pensée























l’écriture 
ne fut inventée par les prophètes 
et par les chamanes que pour faire l’objet 
d’

un usage
attaché à des discours et à 
des rituels précis 

ce régime 
d’usage constitue 
donc 

une raison suffisante 

pour inventer

une écriture


*



on s'est trompé

on se pardonne

on accepte les désaccords

on boit à l'harmonisation des différences

c'est-à-dire à

une toute nouvelle raison












































 

l'âge d'or

n'est 
ni passé ni 
futur

il est là























dans
la profondeur 
du bois
























un jour

l’homme partit chasser et trouva 

un livre 

sous 

un arbre


il s’arrêta et l’observa  

le livre 
se mit à lui parler et lui dit ce qu’il devait faire et 
ce qu’il ne devait pas faire  

il lui donna 

une longue liste 
d’ordres et d’interdits  


































l’homme trouva cela curieux et 
bien qu’il ne l’appréciât pas vraiment 
il l’apporta chez lui et le montra à sa squaw

j’ai trouvé 
un livre sous un arbre 

lui dit-il

qui me dit 
de faire plein de choses 
et qui m’en interdit d’autres  

je trouve ça difficile 
et 
je vais 
le remettre où 
je l’ai trouvé   

et c’est ce qu’il fit 
malgré les supplications de sa squaw 
qui souhaitait le garder

Non 

dit-il 

il est trop épais  

comment pourrais-je le transporter 
dans mon sac-médecine

?  


et 
le jour 
suivant

il laissa le livre sous l’arbre où 
il l’avait trouvé et au moment même où 
il le déposa
il disparut

la terre l’avait avalé  

à sa place toutefois 
un autre livre apparut sur l’herbe

il était simple et léger  

il était écrit 
sur deux morceaux d’écorce de bouleau 

il lui parla également 
en 
un ojibwa 
clair et pur ne lui interdisant 
ni ne lui ordonnant 
rien  

il lui enseigna

seulement 
les usages et les qualités des plantes de la forêt 
et de la prairie

cela lui plût beaucoup






























 

elle est assise 

au bord de l'eau
dans la position taoïste
classique 
dite

s'asseoir 
dans l'oubli






























être 
assis dans l'oubli
signifie

être libre ou désentravé
physiquement et mentalement

on se tromperait 
en pensant qu'elle dort ou se laisse 
aller  

au contraire 

elle voit 
elle écoute 
elle observe 

avec 

une attention 
à chaque détail comme 
au moindre mouvement


*


être assis dans l'oubli 

correspond à ce qu'on appelle en alchimie 

la langue des oiseaux

très peu d'humains la parlent et savent reconnaître 

un dieu

ou

une déesse

dans

une hirondelle

ou

un moineau




















































écarter le bruit des flots

signifie

se 
livrer 
à 

une consolation élevée


nouer l'herbe

veut dire

entretenir 

une longue reconnaissance 

il 
parle 
donc 

une langue 
connue des seuls initiés


*



je suis 

une ombre 
dans ton cœur

un mensonge 
dans ton esprit

rien ne peut m’arrêter 

le temps de cette incertitude 

dans la tension créée par 
l’oscillation entre quotidien et imaginaire

la frontière est floue 
entre réalité et fiction
entre souvenir et mensonge. 

il ne voulait pas te faire de mal 

il s’enfonce dans la forêt
semble y vivre 
une nouvelle naissance 

il s’élance vers l’inconnu








une ombre 
un mensonge une nouvelle naissance

une consolation
une longue reconnaissance 

une langue

























































Tout tient tout

Isabelle Sbrissa

tout tient tout est un projet poétique né dans une difficile période de déracinement. Du quotidien troublé ne restent pourtant que des allusions, comme si le poème avait pu s’abstraire pour conserver la confiance dans l’inéluctable justesse de la transformation intérieure.






















Ce recueil juxtapose deux formes apparemment opposées : le poème désarticulé «vertical» qui scinde les mots en syllabes et fait jaillir des sens multiples ; et le poème en prose «horizontal», flux de langue non ponctuée, qui rend le texte insécable et peut être lu à la fois de droite à gauche et de gauche à droite. La coexistence de ces deux formes n’est autre que la représentation antagoniste de notre rapport au monde et à la vie.





[…] le poème


trace


d’une ren


contre entre


cela qui


est et


ce je qui


par


le trace de ce


double tri


de choses et de


mots qui dans l’entre


-deux cause


quel


que chose qui


n’est


pas du monde


c’est


-à-dire du sens


des for


mes poèmes


ce tout qui tient tout 
ce sont l’acte de percevoir 
celui d’en rendre compte 
et ce sur quoi ils portent

ce tout qui tient tout 
ce sont
sujet ou prédicat 
fragile et puissant
le monde et le poème


Isabelle Sbrissa tout tient tout Héros-Limite






















ma vie est usée
 
allons ! 
feignons 

fainéantons

flânons
paressons
traînons
flemmardons
musardons
musons































 

ô pitié ! 
et nous existerons en nous amusant 
en rêvant 
amours monstres et univers fantastiques 
en nous plaignant 
et en querellant les apparences du monde
saltimbanque 
mendiant
artiste 
bandit

prêtre ! 



































Les ailes de la colombe 

une extraordinaire tentative esthétique



il y avait toujours 

des gens pour vous sauter dessus

et il ne leur venait jamais à l’esprit 

qu’ils vous engloutissaient


ils le faisaient 
sans vous savourer
























ma chère petite 
nous avançons dans 

un labyrinthe


bien entendu

c’est justement 
ce qu’il y a d’amusant


s’
écria Milly 
avec 

une étrange gaieté

et ne me dites pas
dans ce cas par exemple 
qu’on n’y trouve pas des abîmes

je veux des abîmes!


ces abîmes 
ce gouffre entre l’événement et les mots 
qu’on agence pour le dire 
peu l’auront investi ... 


le raffinement de James 
n’est jamais 

une coquetterie 

ou 

un penchant naturel

il est 
la condition d’exposition 
du réel


































ce que j’ai souhaité souvent 
ce que j’aimerais peut-être encore exprimer 

ce sont
ce que j’appelle 
des 

nœuds de vie




























quelques 
fils seulement
venus de l’indéterminé et qui y retournent
mais qui pour 
un moment 
s’entrecroisent et se serrent l’un l’autre 
atteignent
entre les bouts libres 
qui flottent de chaque côté
à 

une constriction décisive

contraction 
resserrement compression crispation crampe pression 
striction étranglement

une sorte d’enlacement intime et isolé


autour 
duquel flotte 

le sentiment 
de plénitude de l’être-ensemble



























 




quel nom donne-t-on
dans chacun des mondes
à la terre déployée devant les fils des hommes

?

on l'appelle 
terre 
parmi les Hommes






























région chez les Ases

les Vannes la nomment chemin

les Géants la verdoyante

les Alfes l'appellent la féconde

et les Dieux augustes gravier



*




les vivants 
sont des voyageurs

les morts 
sont rentrés chez eux


un bref passage 
entre ciel et terre et 
nous retournons à la poussière





la 
réalité 
n’est qu’

une affaire de réglage

le 
passage réduit 
d’

un monde

chaque chose 
qui surgit dans l’air mobile

apparaît 
aussi dans l’eau

celle d’
une grotte profonde 
ou de la rivière qui serpente,
sur des micro-gouttes en suspension

j’
étais 
comme 

une bête

j’oubliais tout





n'aspire pas 
ô mon âme à la vie éternelle 

mais épuise 
le champs des possibles