jeudi, décembre 02, 2021


Proust est merveilleux 

je souscris


mais quelle est cette  

merveille 



c'est 

l'expérience intérieure




















dans le texte d’À L’Ombre des jeunes filles en fleurs le narrateur est dans une calèche avec sa grand-mère et Madame de Villeparisis aux environs de Balbec 

il aperçoit trois arbres 

qui peu à peu s’approchent 

ressent 
une impression 
de déjà vu 

multiplie les hypothèses 

aucune n’est 
la bonne 


les arbres 

s’approchent au plus près

puis s’en vont 


ou plutôt 


c’est 

le narrateur qui s’en va

emporté par ladite 

calèche 

et par  la vie 


avant même 
l’évocation des trois arbres 
on lit ceci en guise 
d’avertissement 

nous descendîmes sur Hudimesnil 

tout d’un coup 
je fus rempli de ce bonheur profond...

un bonheur 
analogue à celui que m’avaient donné
entre autres
les clochers de Martinville

mais cette fois il resta incomplet 


lorsque la calèche s’éloigne

le narrateur a la sensation poignante de les abandonner

comme des morts laissés 

sans sépulture


et de fait ces trois arbres vont rester plantés au beau milieu de La Recherche sans avenir sans résolution  ils ne réapparaîtront pas parmi les épiphanies du Temps Retrouvé resteront hors de toute téléologie ou synthèse réconciliatrice


c’est 

une reconnaissance 

définitivement manquée

une occasion 

qui n’aura pas été saisie


Proust le dit d’emblée

et le souligne : 


en effet si dans la suite je retrouvai le genre de plaisir et d’inquiétude que je venais de sentir encore une fois, et si un soir — trop tard, mais pour toujours — je m’attachai à lui, de ces arbres eux-mêmes en revanche, je ne sus jamais ce qu’ils avaient voulu m’apporter ni où je les avais vus 


de 
ce texte 
on peut dire qu’il 
est 

une aporie
 
en réveillant 
l’étymologie du mot aporia 
qui signifie littéralement 

sans chemin

sans issue 


et 
autre chose 
encore
 
si 
cette expérience 
fait appel à la mémoire 
le narrateur multiplie les hypothèses  

où les a-t-il déjà vus 

?

elle est 
celle du choc 
d’

une mémoire 

qui ne se soumet pas au passé 

pas de souvenir

rien à voir avec les retrouvailles 
de la mémoire 
involontaire


***



chacun connaît 

le sentiment d’avoir oublié 

quelque chose dans sa vie consciente


quelque chose 

qui est resté en route 

et qui n’a pas été tiré au clair ...


lorsqu’on quitte 

une chambre 

qu’on a longtemps habitée

on jette 

un regard bizarre

autour de soi avant de partir 


là aussi

quelque chose est resté

dont on n’a pas eu 

idée


on l’emporte néanmoins avec soi 

pour recommencer 

ailleurs















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