nous sommes tous des enfants de migrants
Après tout
les réfugiés ne font que revenir
Ils ne débarquent pas de rien
ni de nulle part
Quand on les considère comme des foules d’envahisseurs venus de contrées hostiles quand on confond en eux l’ennemi avec l’étranger cela veut surtout dire que l’on tente de conjurer quelque chose qui de fait a déjà eu lieu
quelque chose
que l’on refoule de sa propre généalogie
Ce quelque chose c’est que nous sommes tous des enfants de migrants et que les migrants ne sont que nos parents revenants fussent-ils lointains comme on parle des cousins
L’autochtonie que vise aujourd’hui l’emploi paranoïaque du mot identité n’existe tout simplement pas et c’est pourquoi toute nation toute région toute ville ou tout village sont habités de peuples au pluriel de peuples qui coexistent qui cohabitent et jamais d’ un peuple autoproclamé dans son fantasme de pure ascendance
Personne en Europe n’est pur de quoi que ce soit comme les nazis en ont rêvé comme en rêvent aujourd’hui les nouveaux fascistes et si nous l’étions par le maléfice de quelque parfaite endogamie pendant des siècles nous serions à coup sûr génétiquement malades c’est-à-dire dégénérés .
Georges Didi-Huberman
Niki Giannari
Passer quoi qu’il en coûte
éditions de Minuit
2017
p. 31 32
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