C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça
Mon vocabulaire m’a fait ça à moi
cette phrase qui résonne comme une épitaphe illustre à elle seule l’univers de Jack Spicer
Ce que le poète entend par là par faire n’est nullement de l’ordre de la métaphore ni une façon plus ou moins adroite de traduire originalement la classique idée de l’opérativité du langage
Il ne s’agit pas de lire dans chacun des termes de cette phrase autre chose que ce qu’ils évoquent et à quoi ils seraient censés renvoyer
Il ne s’agit pas non plus d’y déceler une autre formulation profane d’un logos créateur par lequel le réel s’instancierait
Quand Spicer dit que le vocabulaire fait quelque chose c’est bien tout simplement qu’il fait quelque chose
Qu’il fabrique
Que le langage dispose bien d’une existence propre et qu’il a un réel pouvoir sur les gens
Il n’est pas parlé par des gens ni même n’émane d’eux
Le langage est un monde à part autonome
Pour Spicer le poète n’est alors qu’une forme de réceptacle/émetteur à travers lequel une parole parle
Le poète est une radio
À l’exact opposé de l’idée d’une poésie surgissant de l’intérieur la poésie selon Spicer vient de dehors
Et cela encore une fois n’est nullement à entendre de façon métaphorique ou imagée
Je ne crois pas
que cela a quelque chose à voir avec
ce qui est dans mon cerveau
Je crois
qu’il y a quelque chose DEHORS
Je crois réellement à cela
Ou encore
En tout cas pas les bons
Vous obtenez toutes sortes de parasites de la radio ceux des mauvais transistors et ainsi de suite mais je pense fondamentalement que les poèmes viennent de l’Extérieur
Je ne sais d’où et je n’en ai pas de notion théologique ou d’autre sorte
La chose que j’utilisais avant était les martiens verts mais visiblement ce ne sont pas les martiens
Mais je pense que les poèmes proviennent quand ils sont bons de l’Extérieur et je pense qu’ils donnent des messages aux poètes aux autres poètes mais je ne suis sûr de rien excepté que je sais que à mon avis un poème n’est pas quelque chose qui vient de moi sauf si c’est un mauvais poème et j’en ai beaucoup
V // P
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