mardi, octobre 06, 2020








inventions 

constructions et grandes histoires se dessinent 

à mesure que 
















les feuilles s'accumulent sur 

la grande table


les feuilles 

s'accumulent sur la grande table

à mesure que 

les cerfs s'éloignent


les cerfs s'éloignent 

à mesure qu' 

une lente nostalgie 

croît sous 

un fond de nouvelle-vague


une lente nostalgie 

croît sous 

un fond de new-wave 

à mesure que 

les bornes ne s'élargissent plus 



les bornes 

ne s'élargissent plus que par les oreilles 

qui écoutent 

dans la mesure du 

silence qui se creuse


du silence qui se creuse 

à la mesure 

des nuits sans sommeil


des nuits 

sans sommeil à écouter les merles 

qui étalent les distances de leur chant 

à mesure que 

se rapproche le petit matin


se rapproche 

le petit matin vers l'océan comme 

grande projection

 

un écran au cadre 

démesuré


un écran au cadre 

démesuré 

une nature de surface audiovisuelle 

qui crée le nouveau visage spectrale du

monde


le nouveau visage spectrale du monde

renvoie 

une lumière électrique

à mesure que 

recule vers les profondeurs 

la nature de l'Eden terrestre


recule vers les profondeurs la nature 

de l'Eden terrestre


l'entraînement s'intensifie 

à mesure que 

le territoire s'amenuise


le territoire s'amenuise... 


la grâce est 

la mesure 

d'artifice qui nous rapproche de la beauté 

animale

animé


la beauté animale

l'espace d'improbable et de surprise se réduit 

à mesure que 

disparaissent 

la crainte et l'espoir


à mesure que 

disparaissent la crainte et l'espoir 

l'angoisse et le désœuvrement 

dé-mesurent 

l'ennui et engendrent le contrôle productif 

en appauvrissant la sensualité



aimer la crainte et le manque 

à mesure que 

se dessine la carte de son propre espace 

imaginaire


la carte 

de son propre espace imaginaire est 

à la mesure de 

l'' état sauvage disparu


l' état sauvage disparaît

à mesure que 

les chairs se ramollissent


les chairs se ramollissent 

à mesure que 

le temps s'accélère


qui bloque le printemps et le renouveau 

en concentrant tous les effort 

à immobiliser 

le temps 

?

immobiliser le temps est 

à la mesure du 

reniement de la peur incalculable 

à explorer des territoires

inconnues


l'exploration de territoires inconnues 

et 

la peur incalculable de créer 

l'avenir 

est 

la mesure nécessaire

aux mouvements 

de la zone des possibles


aujourd'hui

la zone des possibles semble 

à la mesure des 

territoires glacés


les territoires glacés 

diminuent 

à mesure que 

les déserts grandissent...


les déserts grandissent 

à mesure que 

les projets de sanctuaires 

se développent


























Muni d’un carnet, d’une paire de ciseaux et de son smartphone, Antonio Muñoz Molina marche dans Paris, New York, Madrid, Lisbonne. Au fil de ses pérégrinations, des silhouettes surgissent tandis que d’autres s’esquivent et, soudain, au détour d’une ruelle, apparaissent Baudelaire, Edgar Allan Poe ou Fernando Pessoa.















Les pages s’écoulent au rythme de la vie, tel un immense collage de tout ce que le promeneur voit et entend : affiches, prospectus, bruits omniprésents des conversations, vacarme de la rue. Animé par la tentation de tout écrire – ce qu’il a vécu, écouté, rêvé, souffert, aimé ou lu –, Antonio Muñoz Molina laisse courir la mine de son crayon et, sublimant les rebuts de notre civilisation avide et destructrice, compose « le grand poème de ce siècle ».


D’une voix profondément ancrée dans le moment présent, cet éloge érudit de la flânerie nous invite à regarder et à écouter d’une autre façon, et à célébrer la variété du monde.


Traduit de l'espagnol par Isabelle Gugnon


*


La Perfection Est Sans Doute Plus Proche que Tu ne le Crois.

Je sors dans la rue à la tombée de la nuit. C’est le couchant tardif du premier soir de l’été. J’entends la rumeur de forêt des arbres et du lierre dans les jardins du quartier. J’entends des voix de gens invisibles qui dînent en plein air de l’autre côté de murs couronnés de plantes grimpantes ou de seringats, séparés de la rue par des rangées de cyprès de l’Arizona. Le ciel est bleu marine dans sa partie la plus haute et bleu clair à l’horizon, où se découpent les silhouettes des toits et des cheminées comme un diorama de fausse nuit en Technicolor. Je ne veux rien savoir du monde. Je ne veux m’informer de rien d’autre que ce qui parvient à mes oreilles et ce que voient mes yeux en ce moment même. La rue est plongée dans un tel silence que je peux entendre mes pas. Le vacarme du trafic paraît très lointain. J’entends dans la faible brise le bruissement des feuilles d’un figuier et le lent remous de houle à la cime d’un grand platane. J’entends le sifflement des hirondelles qui fendent l’air de leurs acrobaties vertigineuses. L’une d’elles a effleuré si proprement l’eau d’un étang en chassant un insecte qu’elle n’a pas provoqué la moindre ondulation. J’entends les claquements de l’écholocalisation des chauves-souris. Bien plus de vibrations que ne peuvent en capter mes grossières oreilles humaines ébranlent simultanément l’air à cet instant. L’air traversé par un dense réseau de signaux radio transmettant toutes les conversations sur les téléphones portables qui ont cours en ce moment dans la ville. Je veux être tout ouïe et tout yeux, comme l’Argos de la mythologie, un corps humain bulbeux couvert de globes oculaires et de paupières qui s’ouvrent et se ferment, ou d’yeux sans paupières semblables à ceux de la porte de Carmen Calvo. Je pourrais être un super-héros de Marvel : Eyeman, l’Homme-Yeux, un monstre de film de science-fiction des années 1950. Je pourrais être un quelconque inconnu et l’Homme Invisible, plutôt celui du film de James Whale que du roman de H. G. Wells. C’est dans le film qu’est la poésie. 

























les choses sont

et ne sont pas

planifiées

















nous dérivons

et dérivons

dans le temps


modes

d'utilisation

provisoire


est venu ici

et a vécu

une fois



la tradition est enfouie 

dans la terre et la géographie


la poésie

est 

un mode d'attention essentiel


vivre 
principalement 
dans des endroits non urbains
 
préférer 

un mode de vie à faible impact
une faible consommation

l'utilisation des ressources locales

bois de chauffage 
jardins
chasse
pêche

 

posséder 
des compétences authentiques 
en milieu sauvage et des capacités de plein air

une philosophie 
de travail avec des outils manuels

une éthique & poétique qui tient compte 

de la terre



souvent appris 
dans des domaines autres que la poésie 

botanique 
écologie 
anthropologie 
linguistique etc
 
bien 
que peu gagnent leur vie au travail 
académique



de vieux poèmes chinois


et des jumelles

pour sonder les

arbres de la rivière 


un hibou monstre sur la clôture s'est envolé. 

de quoi est-ce le signe 

le signe d' un hibou


viens ombre 

viens et prends cette ombre



fumé haut

feuille

et lampe


.


la lumière se précipite en amont