lundi, septembre 07, 2020

 

les lèvres 

de la sagesse sont closes

excepté aux oreilles de la raison















sous les pas du Maître 

les oreilles de ceux qui sont prêts

à comprendre sa doctrine s'ouvrent toutes

grandes


quand les oreilles de l'élève sont prêtes

à entendre

c'est alors 

que viennent les lèvres pour les remplir

de sagesse 


















nuit sans sommeil


je me souviens 

des initiés

de leurs gestes 

de leur regard paisible









j’ai appris qu’en extase

durant leur vision

ils parlent

avec 

une autre race d’êtres




















les mots

ce sont toutes les choses 

dont vous avez demandé le nom jadis 

quand rien ne les désignait à votre regard 

si rien ne venait les nommer


 

Du temps où vous étiez vous-même alors sans prénom et sans nom. C’est-à-dire quand vous n’étiez même pas le fantôme que votre désespoir vous fait croire que vous êtes devenu. La subjectivité n’est qu’une mélancolie, une aire nue qui n’apparaît si terriblement que quand le flot de la sève et du sang se retire, et non quand le langage déserte. Alors travaillez toutes ces impuissances à dire et forcez, pressez, cultivez toutes les détresses qui en découlent. La langue dont vous disposez a la capacité de votre émotion puisqu’elle en est le lit. Il ne faut pas travailler la langue pour jouir d’elle, ni pour s’abuser, ni pour l’orner, ni pour respecter ses règles, ni pour séduire d’autres hommes, ni même pour héler une femme qui s’est perdue à l’instant de naître et dont la perte vous poursuit d’une façon insaisissable après qu’elle vous a abandonné dans le jour. 


Il ne faut pas décomposer l’âme dans un esprit d’autopsie alors que ce n’est qu’un souffle emprunté à l’air que la naissance délivre. 




il faut adorer

dans la langue acquise

la défaillance d’acquisition 

qui limite tout sans cesse et qui ne la borne 

jamais


il faut lutter 

avec cette défaillance 

à dire le monde 

perdu


























pâtres qui monterez

là-haut 

sur les collines aux bergeries

si par chance 

voyez

qui j’aime dites-lui

que je languis

je souffre et meurs pour lui


Cantique Spirituel




 


mes amours poursuivrai

j’irai par les montagnes et les rivières

les fleurs ne cueillerai

ne craindrai lions

panthères

et passerai 

les forts et les frontières


avec 

JDLC




















elle cherche 

les mots d’

une phrase perdue


une phrase du temps 

où elle vivait de son travail




voici 

des ruines 

combien pénibles à franchir 

l’amoncellement 

de pierres 


voici 

qu’il forme rivière à traverser

 

et 

le lit de l’eau craque 

et 

murmure


je suis 

debout les astres m’accompagnent

une chenille 

est là qui me guide sur le chemin


je sens 

l’odeur du jasmin sur mes mains



*


son Public 

est Midi 

sa Providence 

le Soleil 


son progrès 

l’Abeille 

le proclame

en Musique Soutenue 

royale 


dans 

le cercle du cercle

est le cercle

est le contenu du cercle


endormi 

dans l’abeille


*


Miroir vide


Kenneth Rexroth


Tant que nous vivons perdus

Dans le règne de la finalité

Nous ne sommes pas libres. Je m’assois

Dans ma cabane de dix mètres carrés.

Chant des oiseaux. Bourdonnement des abeilles.

Frémissement des feuilles. Murmure

De l’eau sur les rochers.

Le canyon m’enserre.

Au moindre geste, la grenouille de Basho

Sauterait dans la mare.

Tout l’été les feuilles dorées

Des lauriers ont virevolté dans l’espace.

J’ai remarqué aujourd’hui

Qu’une feuille d’érable flottait

Sur la mare. Dans la nuit

Je reste à fixer le feu.

Je voyais autrefois des cités de feu,

Villes, palais, guerres,

Aventures héroïques

Dans les feux de camp de la jeunesse.

Je ne vois plus qu’un feu désormais.

Ma poitrine bouge tranquillement.

Les étoiles bougent là-haut.

Dans l’obscurité transparente

Un dernier tison rougeoie

Parmi les cendres.

Sur la table, 

il y a 

une peau de serpent

Desséchée, 

une pierre brute.


*



l’arbre

la lampe


l’arbre  dans l’arbre

l’été


l’oiseau 

le chant de l’oiseau 


le rouge 

illumine et disperse


loin

le charroi de l’antique 


 


fragile pays la flamme 


une 

lampe 

que je porte


le sommeil 

dans 

la sève 


monde


simple 

le battement

de l’âme partagée


 


moi aussi 

j'aime l’instant 

où la lumière des lampes

se décolore et rêve dans le jour



il y a


cet autre jour

millénaire de désirs et de peine

entre ciel et sentier

l’herbe gelée sous un vent blanc


et dans les yeux

de longues histoires d’aveugles


ailleurs

un azur impeccable
























la blancheur 

de la lune brille dans la nuit


des criquets 

crient dans le mur 

de l’est














la Grande Ourse indique l’hiver

les étoiles ressortent dans le ciel

la gelée blanche mouille les plantes 


le temps soudain change


la cigale d’automne crie dans les arbres


l’hirondelle 

où donc est-elle partie 

?


mes camarades et amis d’autrefois

se sont élevés haut et se sont envolés

sans plus se souvenir que nous nous tenions par la main.


ils m’ont abandonné 

comme les traces que l’on laisse


une constellation indique le nord et une autre le sud


et l’étoile du Bœuf ne porte pas 

de joug

si 

l’amitié n’est pas solide 

comme le roc


un renom vide

quel intérêt a-t-il 


carte de Duhuang

vers 650

dynastie Tang 


une des premières représentations des étoiles


















après avoir épuisé mes ruses

je suis 

gagné par la fatigue 


je songe 

à mes multiples escales à Paris 

et à ce que j’aime toujours dans cette ville sans pareille 

à sa vie 

à son charme et ses beautés


je suis malmené

ma silhouette s’affaisse 














je tire la langue 

mes membres raidissent



 le pardon est un échange 


si 

je jette 

un regard rapide sur ces foules, 

je ne verrai que des déplacements 

dans un sens ou dans un autre 


c’est toujours 

une alternance 

frénésie et doute enthousiasme et à quoi bon


la plénitude sereine des possibles




le vent semble me porter

monter en flèche vers la surface

pour échapper à la pesanteur


posséder est en soi

une perte pour qui se voue à l'oeuvre du temps


penser les bas par les hauts


c'est dans l'écriture 

que je peux vraiment partager quelque chose