mardi, août 25, 2020


 

j'ai été 

de grande envergure 

et ai eu beaucoup à choisir 


j'ai vu 

une étoile qui était basse

elle était si basse qu'elle scintillait


le souffle était dedans 

les petits morceaux sont stupides 


je veux 

parler du feu


le feu est 

ce que nous avons quand nous avons 

de l'olivier 


l'olivier est un bois

 

nous aimons le linge

du linge est commandé

nous allons commander du linge




 

tout bas-ventre ventre bat bien

lit de charbons de bois ardents 


je pense 

que ceci pourrait être 

une expression


nous comprenons 

l'écriture qui chauffe et qui brûle

 

qui chauffe au bois




Un des plus grands plaisirs pris à traduire la poésie érotique, en anglais Lifting Belly, de Gertrude Stein, a consisté, pour moi, dans la formule de ce titre, précisément. Ou, moins mal dit, peut-être : dans la façon dont celui-ci m’a donné du fil à retordre — le fil de l’œuvre. 

Je n’ai pu décider d’une façon d’équivalent à «lifting belly». 

Stein considère les mots et les groupes de mots à la façon de séquences sonores passant à l’oreille, se superposant parfois les unes les autres, partiellement ici, là tout à fait. 

L’élaboration de l’œuvre dépend directement des effets ainsi obtenus.


En fin de compte, Stein ne fait qu’évoquer par le menu le déroulement d’un entretien, sexuel, charnel et langagier qu’elle a avec sa compagne, Alice Toklas. 

C’est bien ce feu de l’action (amoureuse, d’un amour en acte), auquel le texte se rapporte — venant non pas seulement couronner celui-ci, à la manière, peut-être, de ce qui aurait su s’attirer, pour l’organiser à son tour, cette volonté de mots, de discours et de paroles qu’est l’œuvre, mais aussi, et plus certainement, relevant comment une formule elle-même (toute formule, peut-être) prend corps, se dessine dans une relation à ce qui convient et emporte l’adhésion. 

Si le français «lève bas-ventre» s’est finalement imposé à moi autant que je l’ai choisi, c’est parce que ma lecture de Lifting Belly (texte relativement bref), sur plus d’une année, a permis, petit à petit, de mettre en place un ordre de priorités quant aux principes de l’organisation interne du texte. 

Au fur et à mesure de ma prise de conscience de la dynamique qui porte celui-ci, dans le pas à pas et à tâtons de mon travail de transposition de son volume en langue française du commencement de notre XXIème siècle, s’est dégagé, tout d’abord, ce que Stein y entendait et que Stein y entendait («entendait», dans le sens de «désirait» comme dans celui de «percevait par l’ouïe», ou ce qu’elle proposait à notre oreille).


Je n’aurais pas songé à ce travail qu’est ma proposition de ce que fut Lifting Belly en son temps, sans une longue expérience de lecture et de commentaire du chef-d’œuvre qu’est The Making Of Americans.


Entendre : «lifting belly», ventre qui se lève et matrice soulevante, «lift in belly», soulèvement intime, ascenseur utérin, « lift in belle, li- », soulèvement dans la belle et sur le point de recommencer encore, avec vue sur le sans cesse, «lift in, belle,-ly», mouvement intérieur et vers le haut, bellement, etc. : en tendre.


Christophe Lamiot Enos