vendredi, juin 19, 2020







INTERPELLATION


elle 
dérive 
d'

une injonction








affirmation
invitation inscrite 
sur 

un mur 



au cours de la fin des années soixante

ce mur à Paris jouxtait 

un arbre 

et l'injonction était tout simplement 

regardez l'arbre

avec 

une flèche 
reliant l'écrit à celui-ci
afin de bien le désigner le signifier.





l'arbre 
indique ce que nous avons 
perdu

il signifie qu'il échappe 

à l'enfermement dont le mur témoigne  

car il le dépasse et se déploie 

au-dessus

il vit en dépit de notre folie  mais il est tout de même menacé par la progression de l'enfermement humano-féminin connexe à l'exclusion des formes de vie autres que celle de Homo sapiens  par perte de la continuité avec tout ce dont il provient

le procès de vie





que visait le scripteur ou la scriptrice anonyme  
quel désir immense l'habitait et quelle reconnaissance enfin de la puissance de la vie témoignait-il
témoignait-elle

?





ici
pas de détournement 
mais 

une interpellation

homme femme tu es dans l'enfermement 

tu es devant le mur de ta 

spéciose-ontose

alors regarde l'arbre son immédiateté  

sa concrétude  

car cela peut t'inciter à sortir de ton errance 

millénaire





l'injonction-invitation 
susmentionnée s'impose comme le dévoilement 
d'

une 
perspective
d'

une évidence 

et 
frémit 
d'

une jouissance intense

celle
tout spécialement d'échapper à l'horreur ambiante 
en ayant rencontré ce qui ne lui est pas réductible 
même s'il lui est 
coexistant





je vis dans l'horreur de ce monde mais j'y échappe et l'arbre m'aspire et m'inspire car il n'est pas simplement support d'échappement, mais témoigne de la nécessité-validité de ma sortie d'errance et de mon désir de continuité avec tout ce qui vit





cette pensée enjoignante  profonde qui émeut du fait de la continuité  même inconsciente au sein de celui ou celle qui l'énonça  pensée déployée sur ce mur banal  non immédiatement menaçant mais irréductible  met en arrêt  mais n'impose pas.





cette image 

de l'arbre 

et du mur avec la pensée 

qui lui est confiée  

exprime et témoigne 

d'

un immense désir 

qui ne parvient pas à se révéler


l'aller au-delà 

de toute menace

de toute répression



  































Violence 

la violence apparaît

se manifeste 

dés qu’il y a rupture d’

un procès


elle est ce qui permet la rupture

que ce soit 

dans le milieu physique cosmique 

humain














Virtuel 

nous désignerons virtuel ce qui est projeté par l’homme  

la femme  et qui n’est pas saisissable  

à l’instar de l’image virtuelle et

en même temps  le résultat de tout 

un procès technique qui se traduit par 

une simulation

cela est totalement en concordance avec 

le processus de l’ontose 

qui est de rendre concrètes des situations 

imaginées et projetées

l’individu dans la mesure où il est ontosé vit dans le virtuel

il devient virtuel et par là insaisissable à autrui

la communication devient impossible

il ne peut souvent être perçu qu’à la suite d’

un acte 

de violence qui extraie le virtuel et l’actualise

dans la virtualité sont incluses 

les quatre anthropomorphoses




Ontose 

c’est 

un phénomène d’adaptation 

au mode de vie imposé par la séparation d’avec la nature 

qui induit inévitablement la répression 

parentale. 

elle est simultanément le résultat 

de cette adaptation qui fonde 

l’être ontosé

elle est constituée d’

un ensemble de phénomènes 

inconscients qui fondent le comportement inconscient 

de l’homme  de la femme



































je ne suis ni jeune ni vieux 

c'est

comme si

je sommeillais après le déjeuner

rêvant de ces deux âges

mesure pour mesure

je suis tête vide

parmi

les espaces venteux

































THIS IS THE WAY THE WORLD ENDS

THIS IS THE WAY THE WORLD ENDS

THIS IS THE WAY THE WORLD ENDS



NOT WITH A BANG BUT A WHIMPER



c'est ainsi que finit le monde 
pas sur un boum sur un murmure 



LIFE IS VERY LONG

car tien est le royaume









idée réalité
ombre
mouvement acte
ombre
conception création
ombre
émotion réponse
ombre
désir spasme
ombre
puissance existence
ombre
essence descente








idea
reality
motion
act
shadow
conception 
creation
response 
shadow 
desire
spasm
potency
existence 
essence
descent 
shadow 

























partir partir  parole de vivant

vent

l'homme aux semelles 

de vent 



l'enfant d' Aube

dans sa poursuite de la Déesse


son pas

il le mesure à l'aune des migrations

plus énormes que les anciennes invasions









incommensurable



l'allure du promeneur

de sensations

par

les soirs bleus d'été


les soirs bleus

une manière de dire ensemble

la couleur du ciel et la couleur de l'âme



un poème de l'infini

Départ

la sensation est dépassée

par

une quête

qui reste vague dans son objet

mais qui est marquée

par

la liberté

l'amour

le bonheur


assez vu
assez eu
assez connu

les arrêts de la vie

départ dans l'affection et le bruit neuf


vision

rumeurs

vie

ô rumeurs ô visions

le départ est impatience de tout

tous les airs

une économie surprenante 

il suffit au poète pour dire ce départ

d'écrire le mot

départ

ce n'est pas

un départ 

vers

mais 

un départ 

dans






















il serait possible de dire

l’extraordinaire tranquillité des choses


le soleil pointe déjà à l’horizon 

ce matin  il fait beau 

la lumière fait briller les façades 

la ville s’éveille 

la lumière fait briller le verre en mille morceaux 

mille morceaux de verre 

un reste de fumée 











comme la fin d’un mauvais rêve 

le quartier s’agite 

un chien aboie on ne sait pas pourquoi 

raies dorées 

traversées de fumée

premières pétarades des moteurs 

Opel Vectra gris métallisé 3478 LH 93 

ce matin il fait beau 

la ville s’éveille 

déjà 

le quartier s’agite 

étire ses artères engourdies par la nuit 

Rue de la République

la ville sort de son lit Gueule de bois

yeux cernés des mauvais jours 

regards blafards et haleine chaude 

ce matin il fait beau 

la ville se jette dans la bouche du métro 

une constellation de figures géométriques complexes 

la ville a des oreilles qui sifflent 

ce matin il fait beau 

difficile de ne pas y penser 

faire comme tous les jours

faire du sport 

marcher acheter vendre louer

marchander appeler 

exister

aimer malgré tout

manger se laver

boire

fumer construire démolir analyser 

prévoir balayer apprendre

avaler digérer 

Marlboro - Marlboro - Malboro - Malboro 

le geste est moins précis 

difficile de ne pas y penser 

ce matin il fait beau 

la ville a mal aux muscles

a les poumons qui brûlent 

éteindre l’incendie avec un seau d’eau 

cracher par terre pour faire crever les dernières braises 

des voix des accents

la rue 

les trottoirs se tâchent de couleurs 

sous le bitume qui s’écorce 

qui s’écaille 

les pavés rayonnent en cercles concentriques 

sous les pavés l’histoire

la légende

le passé les ruines 

Golf Volkswagen gris métallisé 2704 PM 93 

Clio série Roland Garros gris métallisé 0406 MS 94 

vieille Mercedes Benz gris métallisé 1711 SL 93 

des voitures à l’arrêt, 

le moteur au ralenti, 

le feu au clignotant 

Radio Rap Harmonie et 

Drum n’bass dans les haut-parleurs 

ça s’impatiente. 

ça commence 

ça commence à triturer le volant 

à faire patiner les embrayages 

ça roule des mécaniques 

ça fait du bruit

ça commence 

ça klaxonne 

ça commence 

ça commence à décharger

à livrer

à mettre le courrier dans la boîte aux lettres 

ça commence à monter le rythme de la ville cardiaque 

à courir

à parler fort 

à courir plus vite que les autres 

à parler plus fort que les autres 

pour se faire entendre 

ça commence 

la friteuse qu’on met en marche 

ça commence à sentir l’huile qui chauffe 

ça commence à sentir la viande 

ça grille quelque part 

ça commence l’estomac qui gargouille

le bon casse dalle qui se prépare 

ça commence 

l’envie du café de dix heures 

Malboro - Malboro - Malboro 

des voix

des accents

la rue

ça pousse sur le trottoir 

une poussette

une femme avec une poussette 

une petite fille pleurniche dans la poussette 

la femme lui tapote la tête machinalement

machinalement lui caresse un peu les cheveux

lui colle sans vraiment regarder la tétine

se trompe d’orifice

lui colle dans les narines

regarde la bouche bruyante de sa fille

fais un effort

essaye de la faire rire 

trop tard

c’est raté 

un vieil homme 

voûté de sacs chargé comme 

un âne sort indemne ou presque du métro 

un autre debout

casqué pour la moto 

attend 

des voitures passent 

un enfant court

on ne sait pas pourquoi 


l’extraordinaire tranquillité des choses

Lancelot Hamelin

Sylvain Levey

Philippe Malone

Michel Simonot

Éditions Espaces 34

2006

p.9-12









































synesthésie

trouble de la perception sensorielle dans lequel 

une sensation normale 

s'accompagne automatiquement d'

une sensation complémentaire 

simultanée dans 

une région du corps 





différente de celle où se produit l'excitation ou dans 

un domaine sensoriel 

différent






par les voies d'associations nombreuses 

qui relient les centres de l'audition aux autres centres  

la sensation auditive donne naissance à des incitations diverses



réflexes moteurs 

oculaires  statiques ou d'orientation respiratoires etc 

réflexes sensitifs ou synesthésies

audition colorée 

réactions émotives 

sécrétions mimiques troubles vaso-moteurs 


l'intoxication par la mescaline

parce qu'elle compromet 

l'attitude impartiale 

et livre le sujet à sa vitalité

devra donc favoriser les synesthésies

en fait

sous mescaline



un son de flûte 

donne 

une couleur bleu vert

le bruit 

d'

un métronome 

se traduit dans l'obscurité par des taches 

grises






































Thomas Clerc

Je pars 

de la 

RUE DU FAUBOURG-SAINT-MARTIN 

(1 885 x 20 m), 

mon centre de gravité. 














Sur la façade du I, apparaît en lettres de métal CENTRE DE SANTÉ. 

Un travelling arrière, et le voilà métamorphosé en « marchand de vêtements pour enfants ». 

Comme un néon sur les murs d’une galerie, les mots brillent dans le vide, coupés de leur référence. Contact : j’accoste un client qui sort du magasin. 

Il n’a rien remarqué de spécial. 

Piège : si un laboratoire d’analyses médicales dépose le bilan, ses résultats sont-ils encore fiables ? 

Le négatif devient vice versa. 

Configuration : j’observe sous sa protection l’élégante porte Saint-Martin qui, elle, n’est pas un leurre, mais une arche à 3 branches sur socle. 

Monument mineur, elle n’est guettée par aucun effet d’usure. 

La nuit, éclairée par des projecteurs, elle accède même à la beauté du second rôle. 

Le bas-relief a fixé les personnages historiques en spectateurs impuissants ; face à la mobilité incessante des piétons et voitures anonymes, les héros louis-quatorziens n’intéressent personne, comme s’ils avaient été floués par la gloire. 

Théorie : l’ennui dégagé par les monuments vient de leur caractère universel, qui les ancre dans un lieu définitif et les fige pour l’éternité dans le statut de « grande chose ». 

Bien qu’il y ait des gens ennuyeux comme des monuments, la face humaine me paraît toujours plus riche de sens et d’affect que les « vieilles pierres ». 

Les monuments sont des volcans éteints. 

Cet ennui ne se dissipe que par la grâce d’une représentation, film ou photo, qui ranime les masses de la ville endormie, et transforme les fictions en documentaires. 

Rebaptême : la porte Saint-Martin, ma colonne d’Hercule. 

Méthode : je prends le trottoir de droite pour monter vers Stalingrad, je prendrai celui de gauche pour redescendre. 

Au 3, l’inscription « À LA PORTE SAINT-MARTIN » orne un mascaron inachevé. 

Dans un quartier noble, on aurait fini les travaux d’embellissement, je les poursuis et m’intronise redresseur de torts des arrondissements. 

Synesthésie : le flot automobile définit l’ambiance visuelle, sonore et olfactive du faubourg. 

2 voitures à peine peuvent tenir sur la chaussée, restreinte par un couloir de bus. 

Dès les premiers pas, le règne des grossistes du textile s’affirme avec brutalité. 

L’art des marques et des logogrammes, le branding, fait fureur dans la rue capitaliste : les noms — Yony Boy, Halogène, Kids Star — parfois pimenté par un calembour (Mot le ton), vantent le style profane de leur fonds de commerce. 


Comme les mauvais livres se signalent d’eux-mêmes par leurs titres, la marchandise impersonnelle éclate au grand jour. 

Le nom Jeudi après-midi, seul, ajoute quelque épaisseur à l’enfance du vêtement. 

Numérophilie : les 3 bus de la rue (38 + 39 + 47), additionnés, donnent 124. Au 5, un magasin ose se présenter au public dépourvu de nom, son propriétaire ne s’est même pas donné la peine de baptiser un commerce qu’il envisage comme pur moyen de parvenir. 

Les marchandises exposées en vrac, des vestons pour enfants, s’appellent implicitement camelote anonyme.



Paris

musée du XXIe siècle : 

Le Dixième arrondissement

Thomas Clerc 

Gallimard 

Collection "L’Arbalète" 

2007



Le 10e arrondissement compte 155 rues, places, quais, squares, cités, avenues, jardins, boulevards, impasses et passages que j'ai décidé d'arpenter méthodiquement. 

Comme le titre Paris, musée du XXIe siècle l'indique, j'offrirai à terme, en commençant par l'arrondissement où je vis, une description générale de la ville. 

La muséification de Paris n'est pas étrangère à mon propos, mais l'oeil en marche découvre tant de pièces insoupçonnées que la ville, par le jeu d'une exposition, rescintille. 

Les perles ne sont pas le tout du collier, c'est le fil aussi qui les tient. 

Un système de positionnement global étant nécessaire à la documentation des rues, j'ai adopté, après celle où j'habite, l'ordre alphabétique, et j'ai placé quelques bornes pour que le lecteur puisse, à son tour, entrer dehors.

Thomas Clerc.

















liminaire séance 

211


































la folie 

contrôle tous les moyens 

de communication 

où 

sa puissance devient 

de plus en plus manifeste




passons sur les médias ou Internet 

où elle fait régner la plus grande confusion possible

l’essentiel

le cœur du pouvoir n’est pas là








agitation et transvasement numérique 

recyclage technologique

ordinateurs et téléphones toujours nouveaux

tablettes remplaçant les tablettes

ça fonctionne 

et les satellites s’en chargent



le 
noyau dur
c’est l’archive  encyclopédie
le savoir au bout 
des doigts

autrement 
dit 

la 
Mémoire


la 
mainmise 
sur la Mémoire est 
devenue 

une priorité absolue





c’est 

ce déferlement que seul 

Saint-Simon 

pressent devine anticipe

il a tout sous les yeux 
il vérifie 
il se construit 

un corps musical 

qui résonne 
sur le moindre indice


son squelette 

rapide se faufile chez les morts-vivants

son expérience 

est génétique et chimique




il 
pourrait l’appeler 

Manuel 
de contre-folie


Médium