mercredi, juin 17, 2020



un grand tas 

de feuillets

de cahiers

un travail 

ce tas pourrait s’apparenter à 

une sorte de cahier de bord

de journal d’écriture

un entretien entre soi

tentative de saisir sa voix juste

sa propre voix 

une voix

contradictions inversions 

suspens jeux nœuds combinaisons 

fragments à compléter

à poursuivre ou à abandonner


une sorte de sédimentation

un amoncellement 

toutes sortes de dépôts en travail

exercice de connaissance de soi 

sur rien et à partir de pas grand chose

tentative d’appréhender le rien

le-pas-grand-chose

une méditation sur le sens 

sur ses paliers et son inachèvement

l’appréhension du rien est ici

aux antipodes de toute forme de nihilisme

un principe dynamique  

il induit le sens

jamais fixé 

toujours à interroger

du parcours que décrira l’écriture



vous êtes fou 

c’est entendu mais

vous n’avez aucune raison

de préférer la folie des autres à la vôtre

vous avez l’intention

d’être clair précis



la folie 

vous guette ? 

vous la devinez

vous faites le mort

vous avez des progrès à faire




vous vous sentez à l’aise

avec votre folie

vous lisez dans les pensées

des fous qui se croient normaux


vous divaguez

vous changez de sujet

vous récitez des poèmes




le silence réprobateur des fous

vous fatigue

vous en rajoutez 

dans la gratuité la désinvolture  le narcissisme épanoui

Vous blasphémez

allègrement les poncifs moraux

vous dites du mal

de toutes les religions et des plus grands philosophes


vous ponctuez de temps en temps

vous faites semblant d’être là

vous êtes dehors

vous oubliez instantanément 



vous avez 

une phrase à finir

vous êtes tranquille



vous rapetissez

vous êtes maintenant un atome invisible 

vous êtes caché



vous êtes récusé gardez-vous d’accuser

vous savourez 

ce rejet

la folie vous oublie


vous êtes dans le désert

votre retraite est introuvable





des factures 
des rappels à l’ordre

des chèques à remplir
des prélèvements en tous genres 




vous payez

selon votre contrat avec la folie

vous payez 

vos impôts vos dettes

vous êtes 

un citoyen irréprochable
un virtuose de 
duplicité

vous ne mentez pas 

vous omettez

vous avez faim ? 

vous mangez soif ? 

vous buvez Sommeil ?

Vous dormez




votre livre de chevet depuis longtemps est 

un dictionnaire illustré

la splendeur des mots les renseignements qu’ils donnent 

vous enivrent dès que 

vous l’ouvrez

De A à Z, quelle forêt ! 

c’est pour vous pour vous seul

que ce travail a été accompli en 

un ou plusieurs volumes



vous allez à

une contre-folie gigantesque

vous pouvez aussi 

changer de langue quand ça vous chante

































je n’en connais

pas beaucoup qui félicitent

spontanément

un ami

qui réussit


la flèche

de l’envie plantée dans le cœur d'

un méchant redouble sa douleur

il est déchiré en voyant

le bonheur des autres


et 

je vis

une grande tristesse 

descendre sur les hommes

les meilleurs se fatiguèrent de leurs œuvres

une doctrine fut mise en circulation

et 

à côté d’elle

une croyance 

tout est vide tout est pareil  tout est passé ! 

et 

de toutes les collines résonnait la réponse

tout est vide tout est pareil tout est passé ! 


il est vrai

que nous avons moissonné 

mais pourquoi nos fruits ont-ils pourri

et 

bruni ?

qu’est-ce qui est tombé

la nuit dernière de la mauvaise lune









































TING TI LA LING LI LA LANG

CHI CHI LA LING TING

TING TING LO

CONSO

clac

paf


voilà 

la vibration de la lyre universelle

voilà 

notre petite conversation à toi et à moi

renvoyée par l'escarpement 

l'écho











jusqu'à 

un certain point

étant

un bruit original

d'où 

sa magie

d'où 

son charme











































Denis Roche

a répondu très calmement et très

facilement quand on lui a demandé

ce qu'il avait fait

sans problème quoi

et puis quand on lui  demande

ce qu'il fera

ce qu'il veut faire

ce qu'il a voulu faire

ce qu'il voudrait faire

il répond qu'il n'en sait rien

c'est frappant

dans la nouvelle science




écrit Isidore Ducasse dans les Poésies

chaque chose vient à son heure

je n'ai pas besoin de me préoccuper

de ce que je ferai plus tard etc

ou bien c'est Artaud qui dit

ce qui est je le vois

et ce qui n'est pas

je le ferai si je le dois

etc etc etc

































Les Dépôts 

de savoir & de technique 

de 

Denis Roche 

sont basés sur le principe inverse 

de la dissociation maximale des unités alignées 


il s’agit invariablement de fragments 

de 61 caractères typographiques enchaînés 

sans souci de cohésion sémantique d’


une ligne à l’autre 
















Ces prélèvements superposés-tassés 

de Denis Roche sont 

une forme radicale 

et frontale énigmatique d’

une prose blanche  

cumulative  

apposante juxtapositive  

coupée-collée  qui produit  à force 

une manière de chant  


Le chant général  des choses  

et puis le cri des machines  et le discours de l’argent  


Le chant social des signes  


A la fois joyeux et mortifère  


Heurtant  


Avec ce livre radical  

Denis Roche pose la question 

de la place de la poésie personnelle ? 


Le défunt Moi  


Le lecteur a constamment l’impression 

que cette poésie est en train d’accoucher de quelque chose 


Quelque chose 

qui ne ressemble à rien