jeudi, juin 11, 2020





Ce livre, dont Pierre Vidal-Naquet nous dit qu'il le portait en lui depuis un demi-siècle, commence aux environs de 355 av. J.-C., lorsque Platon rédige le Timée et le Critias. 

Assurément Platon a puisé dans la culture de son temps, d'Homère à Hérodote et Thucydide, mais le mythe du continent perdu, inséparable d’une Athènes également imaginaire, est son œuvre propre. 











Il n’y a pas à chercher l’Atlantide ni dans les profondeurs du temps ni dans celles de la mer.

Reste que le mythe a connu d’incroyables développements, dans l’Antiquité d’abord, grecque, romaine, et proto-byzantine, et a littéralement explosé à la Renaissance, singulièrement après la découverte de l’Amérique, rapidement identifiée par certains au continent imaginé par Platon. 

D’autres, peu nombreux, résistèrent, dont le plus remarquable est Michel de Montaigne. 

Les nationalistes s’emparèrent du sujet, de l’Espagne à la Suède et de l’Italie à l’Allemagne, singulièrement à l’époque hitlérienne. 

Les savants cherchèrent à expliquer par le continent perdu tantôt l’histoire de la planète, tantôt la préhistoire minoenne de la civilisation grecque. 

Les personnages de Jules Verne la visitèrent ou la reconstruisirent. 

Dans le " ghetto modèle " de Theresienstadt, un poète et un musicien identifièrent avec l’empereur de l’Atlantide le despote qui les incarcérait avant de les tuer.

Il était temps que cette longue histoire fût écrite en français.
































une tasse de thé

et

un paquet de biscuits assortis

un franc de thé

un franc de biscuits

un repas parfaitement équilibré


les oiseaux de la forêt chantaient

peu d'enfants chantent dans la chorale


soyez sans crainte

je ne chante plus

chantiez-vous

?





plus


UNE NOTE


mais







pas
une journée sans tracer au moins 
une ligne

Nulla dies sine linea 




toute la conduite de l'homme dans la vie 
dépend de ce qu'il garde 
dans sa pensée





tu reprendras bien un gâteau


il conçut 
l'audacieux projet de réserver les biscuits jusqu'à plus tard 
dans l'après-midi

elle finirait le thé


peu de neige est tombée cet hiver

jean et pierre décidèrent d'aller au cinéma

beaucoup de gens ont dit qu'elle échouerait  !




l'île est habitée par quelques voyantes qui lisent l’avenir 
dans les lignes de la main ou 
dans du plomb 
fondu

certaines personnes y vont régulièrement 
pour des sortilèges 
d'amour























ecrit parlé

les lettres sont-elles
un moyen de réconcilier l’écriture avec
son état de nature




au sujet de la culture considérée comme ensemble de connaissances ou mode de transmission des arts et des lettres je pourrais dire que si j’admire de nombreux écrivains et artistes  

je ne souscris néanmoins pas à une logique de l’érudition et je ne reconnais pas l’autorité du savoir ni de l’instruction
















je m’exerce à réfuter l’imposture communicationnelle ainsi que le pouvoir d’intimidation le spectacle la prétention de la culture sociale qui à mes yeux  exprime un décalage exemplaire


puis-je m’appuyer sur un processus instable et unique qui tenterait d’inventer un nouveau langage 


puis-je invoquer la force de l’étonnement ou de l’inattendu au moyen d’une remise en question radicale de l’écriture 



mon activité se fonde sur un écart qui révoque la rhétorique et les discours paralysants afin d’exalter la force asociale ou intuitive de l’alphabet et de ses possibilités 

est-il aujourd’hui plus important d’être surpris  interloqué  troublé  par des textes de créations plutôt que rassuré par des commentaires  explications argumentations ou analyses 

?




il arriva

que le feu prît dans les coulisses d’

un théâtre

le bouffon vint en avertir le public

on pensa qu’il faisait de l’esprit et

on applaudit


il insista

on rit de plus belle


c’est ainsi

je pense

que périra le monde


dans la joie générale des gens spirituels

qui croiront à

une farce




Diapsalmata





























on a souvent 

accusé la  théologie de Hegel

d’être panthéiste

et on l’a aussi accusée d’être

le contraire


de laisser croire que l’homme

était Dieu


à tort














le rationalisme n’exclut pas

l’abscondité

le panthéisme n’exclut pas

la subjectivation

ni même la subjectivité de la substance

sa personnalité


Dieu est tout cela

le Système désigne tout cela



aussi bien

on peut même le prier

on peut le craindre et on peut le louer


car prier Dieu

c’est programmer le Système

la justice de Dieu

c’est l’immanence du Code 

et la consolation de Dieu

c’est le triomphe sur la mort



informatique céleste

perspective

critique







































note rapide sur une image


la lune à 23 degrés du Serpent dégage

une grande Habilité magique de l’œil

à laquelle 

les lunatiques succomberaient facilement

Épuisement par Paroles à éviter







Nature fortement Amoureuse très accusée

Bestiale à peine

Pure par à-coups


Quand règne la Sensualité

Gare aux Convulsions



Murphy 

35


*


J’ai lu 

chez Schopenhauer qu’on pouvait lire

à s’en rendre idiot

comme on peut trop manger et s’empiffrer

on pourrait aussi trop lire et en perdre la capacité

de penser par soi-même

J’ai peur qu’il ait raison

































la 
valise 
de Vélimir a fait place 
à 

une légendaire taie d’oreiller 
dans laquelle il entasse ses manuscrits

poèmes proses 
lettres 

feuilles 
parfois volées ou envolées 
qui accueille aussi son sommeil

il écrit aussi 










dans l’urgence
dans l’obscurité
dans la maison des fous

au profond de la faim
des abris de fortune

devant
des feux de camp où s’échangent

pain
et poèmes

pain et
immortalité

langue des oiseaux

poésie stellaire

écritures des nombres…



Khlebnikov
































un 
front
froid assez actif

inhale les nuées
exhale les nuées
le pin sur l'arête

Iio Sōgi

Sōgi était 
un moine zen du temple Shokokuji à Kyoto

il a étudié la poésie à la fois waka 
et renga 

un 
gradient 
de foehn serré 
entre Savoie et Piémont

*













7

Mémoire 

le Ciel bleu pour ciel-de-lit


*

11062020 

12

appelle pour rideaux 

l'ombre de la colline et de l'arche







































quel sens 


donner

deviner

la provenance et la clé



une solitude amère

lettres sans réponse

survivre en forêt

justifier l’héritage











une 
barque bleue 
enlisée dans la neige

le chahut 
de cinq cloches déréglées 
et fêlées

un train roulant à toute vapeur 

un pont de fer

la façade 
en feu 
d’
une forteresse 

des obsessions nocturnes 


un signe 
un espoir une image

une 
araignée de légende





































Manganelli


se 
demande souvent 
si 

la 
question 
du rapport à 
la sphère 

n'est pas
de par sa nature même
insoluble

la sphère 
n'est pas présente en 
permanence 










devant 
ses yeux
cependant

même 
lorsqu'elle s'éloigne 
même lorsqu'elle se retire 
ou se cache

la sphère agit 








et il croit comprendre 
que si le monde présente cette forme qu'on connaît
c'est précisément parce qu'

il 
doit accueillir 
la sphère

parfois
alors qu'il vient de se réveiller 
dans la chambre plongée dans une semi-obscurité  

le jour a déjà commencé 
pour tout le monde et ce n'est pas ce qu'il aime se lever tard
mais en retard 

la sphère 
se tient en équilibre 

au milieu de la chambre 

il 
l'examine
avec attention car telle 
une question

la sphère 
exige de l'attention

La sphère 
n'est pas toujours de la même couleur

elle passe 
par toutes les nuances du gris 
au noir 

parfois

et 
ce sont les moments les plus
intéressants

la sphère bascule

laissant place à 
une cavité sphérique
à un vide entièrement privé 
de lumière

il arrive que 
la sphère s'absente quelque temps

mais rarement 
plus d'une dizaine de jours

elle 
réapparaît 
à l'improviste
à n'importe quelle heure
sans raison compréhensible
comme si elle revenait de voyage
comme après une absence légèrement coupable 
quoique convenue

il a l'impression que 

la sphère 
fait semblant de présenter 
ses excuses

mais qu'elle est en réalité ironique et
même innocemment
maligne

il fut 
un temps où
par la violence il tenta 
d'effacer de sa vie cette présence révulsive  

mais 

la 
sphère 
est taciturne

insaisissable 
à moins qu'elle ne décide 
elle-même de frapper 

elle provoque alors 
dans la partie du corps qu'elle atteint
une douleur opaque 
sombre
déchirante 

quoi qu'il en soit 
la manifestation typique de 

l'hostilité de la sphère consiste 
à s'interposer entre lui et quelque chose 

qu'il essaie de voir 

dans ce cas

la sphère 
est susceptible de devenir 
minuscule

une bille turbulente 
qui danse et s'esquive devant ses yeux

il est 
une fois de plus tenté 
d'

affronter 
la sphère avec 
une soudaine brutalité

comme s'il ignorait que
de par sa constitution il est impossible 
de l'atteindre  

ou bien 
il envisage de s'enfuir
de recommencer sa vie en 

un lieu 
que la sphère ne connaît 
pas

mais 
il ne croit pas que cela 
soit possible  

il pense qu'

il 
doit 
convaincre 
la sphère de ne pas 
exister

et 
il sait 
que pour la conduire 
à cette progressive séduction 
du néant il lui faut emprunter une voie 
lente patiente labyrinthique et faire preuve 
d'ingéniosité et de 
minutie

Giorgio Manganelli 

Centurie