mercredi, avril 15, 2020



il semble 

que par avance nous nous défendions d'être

enchantés


la beauté 

ne nous est guère

qu'

une raison de défiance
















les morceaux 

craaaqueclaaaquent trictrac 

tous en place





autrefois

les livres étaient écrits

par les hommes de lettres et lus

par le public


aujourd’hui 

ils sont écrits par le public et personne

ne les lit







Entrez 

Mesdames et Messieurs ! 

Entrez ! 


ce que vous n'avez encore jamais

vu

vous n'allez pas non plus le voir

ici

mais enfin

une ménagerie 

bien intempestive tout de même...
































Rémi Froger

On l’interroge.

Il raconte des histoires : des histoires de voyages, par exemple. Il dit qu’il est entré dans des zones frontalières ou bien qu’il a déformé des renseignements.

Qu’il a mangé, aussi.

Il rédige le procédé. Ou bien le processus ? Il écrit des formules sans expliquer les relations.

Il raconte, mais les histoires se tordent.

Que tisse la trame ? est une question où il se perd. Il reprend les identités. Il se donne à des langues étrangères.

Il convoie, des fonds, des lettres, ou des choses comme ça.

De la vie compliquée, en-dehors des spectres.

Chutes, essais, trafics   

Rémi Froger

P.O.L

ici



Ecrire des histoires d’une traite entre 
songe et conte 

Des histoires de voyages
par exemple
dont le sens nous échappe
ou plutôt ne se construit que peu à peu
et contre l’évidence première 

Des formules sans expliquer 
les relations 

Approximations successives 
échos
palinodies
changement d'opinion 
rebonds

Paroles mêlées
fragments
images 

Juxtaposition hasardeuse de phrases qui
prisent une à une
présentent un sens 
mais dont le lien nous échappe
polysémie
glissements sémantiques

































que faudrait-il pour que l'humanité évolue
un peu dans une meilleure 
direction

?

il n' y a pas de un peu

c'est tout l'un ou tout l'autre

manges-tu de la viande avariée

?

de la viande un peu avariée

?

en manges-tu

?

NON





la viande un tout petit peu avariée

?

la manges-tu

?

NON




tout l'un ou tout l'autre

qu'est-ce qui pourrit

?

la matière que l'essence a quittée





l'homme aujourd'hui
est assis sur son œuf sans germe

il le chauffe encore et encore
l’œuf pourri se putréfie déjà sous lui
mais il le chauffe toujours

il protège l’œuf pourri
d'où le nouveau ne sortira jamais

tant que l'oiseau couve
il ne pond pas d'autres œufs

sache-le !





























Solitaire 

tu suis le chemin de l’amant

tu t’aimes toi-même

c’est pourquoi tu te méprises

comme seuls méprisent les amants






L’amant 

veut créer puisqu’il méprise !

Comment saurait-il parler de l’amour

celui qui ne devait pas mépriser précisément

ce qu’il aimait !




































Kafka 

n'est pas seulement 

le grand écrivain que l'on sait

mais aussi et peut-être surtout

un aventurier 

de l'expérience intérieure

















Rien d'abstrait chez lui, toujours des situations concrètes qu'il faut savoir écouter en vivant soi-même ces expériences.

C'est par "le petit côté" que Kafka nous touche au plus près, à une époque comme la nôtre, où le Procès est plus que jamais permanent.

Ce livre, issu d'une lecture de Kafka dans sa langue d'écriture, l'allemand, prouve que, sans cesse, il apparaît dans l'actualité sociale, nos angoisses identitaires, nos rêves, nos désirs

Philippe Sollers



































les livres

on ne peut 
faire autrement que de les traiter en 
objets


il faudrait

les considérer plutôt 
comme des espaces ouverts

avec 
des trous des fissures
où l'on glisse des zones d'ombre où
l'on bascule


serrures
codes
passages secrets
sésames
alchimie






derrière 
le livre enfoui sous le livre

espace muet  vide enroulé


16
































15042020

d’
une jeune pousse
effacer cette larme
à son œil

beau temps  fraîcheur matinale

quelques écharpes en moyenne montagne ce matin





les anciens
si  subtils si fins si primordiaux si universels

qu'on ne pouvait pas les pénétrer dans
leur profondeur









ils étaient

prudents 
comme celui qui passe à gué
une rivière

circonspects
comme celui qui craint ses voisins

réservés
comme un invité

mobiles
comme la glace qui va fondre

concentrés
comme le bloc de bois brut

confus
comme l'eau boueuse

spacieux
comme la vallée



ils viennent 
mais sans être devinés
vers eux s'efforcent les seuls enfants

le bonheur 
est là trop aveuglant trop 
clair