dimanche, décembre 20, 2020






page de garde 
de l'édition originale de 1866


Les Sages d’autrefois, qui valaient bien ceux-ci,


















Crurent, et c’est un point encor mal éclairci,

Lire au ciel les bonheurs ainsi que les désastres,

Et que chaque âme était liée à l’un des astres.

(On a beaucoup raillé, sans penser que souvent

Le rire est ridicule autant que décevant,

Cette explication du mystère nocturne.)

Or ceux là qui sont nés sous le signe SATURNE,

Fauve planète, chère aux nécromanciens,

Ont entre tous, d’après les grimoires anciens,

Bonne part de malheur et bonne part de bile.

L’Imagination, inquiète et débile,

Vient rendre nul en eux l’effort de la Raison.

Dans leurs veines le sang, subtil comme un poison,

Brûlant comme une lave, et rare, coule et roule

En grésillant leur triste Idéal qui s’écroule.

Tels les Saturniens doivent souffrir et tels

Mourir, — en admettant que nous soyons mortels, —

Leur plan de vie étant dessiné ligne à ligne

Par la logique d’une Influence maligne.



P. V.



Le poème liminaire, Les Sages d'autrefois..., inscrit dès l'abord le recueil dans le sillage baudelairien, les Fleurs du mal ayant été qualifiés de « livre saturnien » par leur auteur dans son Épigraphe pour un livre condamné :


Lecteur paisible et bucolique,


Sobre et naïf homme de bien,


Jette ce livre saturnien,


Orgiaque et mélancolique


Si Verlaine convoque Saturne, c'est en tant que planète tutélaire des mélancoliques, bien que le mot même de mélancolie n'apparaisse pas dans le poème (il donne toutefois son titre à la première section du recueil), non plus que le mot « spleen », trop évidemment associé à son emploi baudelairien. 

Ces Saturniens, parmi lesquels se range Verlaine, figurent une sorte de communauté (ce que marque également le « nous » qui apparaît vers la fin du poème), communauté imaginaire à laquelle se trouvent associés tous ceux qui subissent l'influence de la « fauve planète ».





















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