lundi, novembre 09, 2020



Nadja 

parce qu'en russe 

c'est le commencement du mot espérance





























Un des plus beaux récits de la littérature française Nadja est écrit à partir d'une histoire vraie : 

celle de l’amour entre André Breton et Nadja

Longtemps on a cru que Nadja était une actrice Blanche Derval voire un être de fiction 

Mais des découvertes et des ventes récentes de manuscrits de lettres et de carnets de Breton ont permis de redécouvrir la femme derrière le récit



S'ouvrir à la rencontre

Sont réapparus sur le marché des témoignages qu’on pensait perdus de l’existence de Nadja

Et c’est assez troublant de la voir réapparaître aussi longtemps après

Nadja était danseuse courtisane vivait de petits contrats 

Elle était dans un état de pauvreté à ce moment-là 

Et Breton va la soutenir en particulier il va vendre un tableau de Derain pour lui permettre d’éponger ses dettes et de trouver un hôtel où elle puisse vivre


En 1926 quand il rencontre Nadja André Breton a 30 ans  et il aime errer dans Paris 

Ouvert au hasard de la rencontre il accoste une femme mystérieuse 

C’est une errance qui provoque la rencontre amoureuse dans le sens où il se place lui-même volontairement dans un état de disponibilité

Nadja probablement était dans un état similaire 

Probablement pas pour les mêmes raisons 

c’est qu’elle se trouve elle-même déjà un peu vacillante
aux limites du délire 

Et c’est le côté fascinant de cette rencontre 

Nadja 
devient plus surréaliste que 
Breton

Elle est productrice d’images très fortes qui bouleversent Breton  qui lui-même les encourage  et peut être encourage aussi l’aggravation d’un délire derrière

Disons que c’est la rencontre entre deux causalités qui rend cette histoire très magnétique

De son vrai nom 
Léona Delcourt 

elle 
se fait appeler Nadja parce qu'en russe
c'est 

le commencement du mot espérance 
et le commencement 
seulement








Vivre l'amour fou

En bon surréaliste  Breton place l’amour comme valeur cardinale 

L’amour fou est au centre de l’éthique surréaliste dans le sens où le surréalisme ce n’est pas qu’un mouvement littéraire, c’est une philosophie de vie
une morale de l’existence

André et Nadja passent ensemble une semaine d’errance de fascination de passion. 

Mais bientôt déçue par cet amour non réciproque en février Nadja quitte Breton et lui prédit qu’il écrira leur histoire. 

C’est le côté prophétique de Nadja  prophétique toujours un peu aux limites du délire aussi puisque le délirant voit des associations qui n’existent pas

Tu écriras un roman sur moi. ...

Tout s’affaiblit 

tout disparaît 

De nous il faut que quelque chose reste...

Nadja à Breton dans Nadja


Au mois de mars 1927  Nadja sombre dans la folie  elle a un épisode délirant dans son hôtel et elle est enfermée

C’est la tragédie de cette femme : elle ne sortira jamais de cet enfermement  et comme beaucoup de personnes hospitalisées dans des institutions psychiatriques elle va mourir au cours de la Deuxième Guerre mondiale, probablement de faim 

Donc Breton  au moment d’écrire Nadja est face à cette catastrophe  d’une aventure qui le remet profondément en cause 


Écrire l'intensité

Quelques mois après son internement pour exorciser ce traumatisme  

Breton s’isole dans un manoir normand  pour écrire en 10 jours le récit de cette rencontre




C’est ce qui explique aussi l’intensité de l’écriture telle qu’on le voit sur le manuscrit. 

C’est-à-dire qu’il y a une vérité par rapport à soi-même qu’on voit dans la rigueur extrême de l’écriture

Donc c’est à la fois une écriture intense et en même temps raturée cahoteuse difficile pour Breton facile et empêchée en même temps… 

c’est ce paradoxe qui est bouleversant avec ce manuscrit


Moins de deux ans après sa rencontre avec Nadja  Breton en publie le récit

C’est le soulagement pour Breton  qui le fait lire en descendant du train

Ses amis sont rassemblés à la gare  et il commence la lecture de Nadja

Pour Breton  c’est un récit tellement intime et tellement bouleversant que ça devait avoir une importance plus singulière

Et rentré à Paris Breton se met à rassembler tout l’aspect iconographique du récit 

Puisque c’est une des caractéristiques majeures de Nadja c’est non seulement cette rencontre amoureuse  mais l’usage très novateur fait par Breton de l’image qui vient ponctuer le récit pour éviter la description 

Et Breton évidemment a mis un soin maniaque dans le choix de ces images  puisque évidemment aucune n’est anodine

Elles ont toutes une importance énorme. 







Transformer l'original

Tombé amoureux d’une autre femme Suzanne  Breton ajoute une troisième partie au texte sur l’amour véritable permis par l’amour contrarié avec Nadja

C’est cette dernière partie qui explicite ce qu’a signifié pour lui son aventure avec Nadja c’était l’annonce de l’amour mais ce n’était pas encore l’amour. 

Ce n’est pas très sympathique pour Nadja  mais c’est comme ça que Breton l’a vécu  et il ne faut pas oublier que c’est un récit avant tout de l’authenticité et de l’analyse de soi

Des années plus tard  en 1962, Breton modifie substantiellement le texte et les images d’origine. 

Il efface notamment la nuit passée avec Nadja dans un hôtel  que l’immense majorité des lecteurs actuels ne soupçonne donc pas… 

Donc on perd là la dimension charnelle de l’histoire d’amour entre Breton et Nadja 

C’est un réflexe de vieillesse qu’on s’explique un peu moins  qui fait perdre un peu en fraîcheur  en spontanéité  le récit de Nadja  alors que c’est précisément ce qui est intéressant à la base : c’est cette profonde spontanéité  l’authenticité du récit de Nadja

Même Julien Gracq a trouvé que Breton se reniait par cette réécriture



Depuis 1928 peu à peu le mythe de Nadja a fini par effacer jusqu'à sa personne

À plusieurs reprises  Breton a même reçu des lettres de femmes qui prétendaient être Nadja 

Ce sont des femmes qui souvent étaient folles internées tellement prises par le mythe Nadja qu'elles finissaient par s'identifier

Et Breton lui-même à la fin de sa vie ne se souvenait plus bien de son nom  hésitait avec celui d'Hélène

C'est quelque chose qui même pour Breton à ce moment-là  dans les années 1960  se déréalise un peu 

C'est le côté triste aussi de ce récit 

à quel point une femme qui a existé pourtant a disparu de la mémoire










































 

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