mardi, août 11, 2020




Stéphane Lupasco

né 
Ștefan Lupașcu 
le 11 août 1900 à Bucarest 
mort le 7 octobre 1988 à Paris 
où il a vécu et travaillé

un philosophe 
français d'origine roumaine




il est l'auteur 

de la Logique dynamique du contradictoire  

fondée notamment sur la notion 

de tiers inclus


cette logique générale  

englobant la logique classique comme 

un cas particulier  

vise à rendre compte du devenir 

tri-polaire de la matière-énergie 


la matière-énergie macrophysique  

la matière-énergie vivante 

la matière-énergie psychique 

les trois matières 


pour reprendre 

le titre de son livre le plus célèbre


bien que des penseurs reconnus 

se soient inspirés de son œuvre  

comme Edgar Morin ou Jacques Demorgon 

son influence sur la pensée du xxe siècle 

est encore peu étudiée


*


la littérature 

est le corpus de tous les récits à travers lesquels 

une civilisation 

se raconte 

tous les textes poétiques et philosophiques 

où elle prend conscience 

de son propre être et cherche à le transformer

 

la littérature 

est 

un organisme vivant

un système dynamique d’antagonismes


dans la littérature alchimique 

l’Œuvre  

la réalisation de la pierre philosophale  

est 

un mot 

dont le genre masculin et féminin 

suggère 

une structure polarisante créatrice

l’alchimie nous ouvre la perspective d’

un art radical 

dont le niveau de réalité est d’

une tout autre nature que l’art et son contraire

le contre-art

 

la dialectique lupascienne

l’approche de l’alchimie 

à partir de la logique 

contradictorielle de Stéphane Lupasco 

nous libère de l’herméneutique symbolique 

avec laquelle on l’aborde le plus souvent 

ici les grands axes 

de la philosophie lupascienne


pour Stéphane Lupasco  

tout ce que l’on observe  

tous les systèmes physiques  

biologiques ou issus de l’imagination humaine  

n’importe quel phénomène ou événement

résultent d’

un antagonisme d’énergies


la matière 

est énergie 

et à toute énergie s’oppose 

une énergie antagoniste


il faut 

un équilibre d’énergies antagonistes 

pour qu’apparaisse 

un système

le système se modifie 

quand l’équilibre se transforme 


cette transformation se produit lorsqu’

un pôle d’énergie 

s’actualise 

se manifeste 

au dépend du pôle de l’énergie antagoniste 

qui s’en trouve potentialisée 

mise en attente de mani-festation 


selon la terminologie lupascienne  

l’actualisation est le passage d’

un état potentiel

à 

un état actuel et inversement  

la potentialisation est le passage d’

un état actuel 

à 

un état potentiel


Lupasco envisage la possibilité d’

un troisième cas 

où les énergies antagonistes 

s’actualisent et se potentialisent simultanément

il en résulte 

un état de contra-diction paroxystique 

au sein du système  

un troisième état 

énergétique de semi-actualisation

et de semi-potentialisation des forces antagonistes 

que Lupasco appelle 

tiers inclus ou état T  

T pour tiers


à ce procès 

actualisation/potentialisation

s’adjoint 

un processus 

d’homo-généisation/hétérogénéisation

en effet  si les éléments constitutifs d’

un système sont absolument homogènes

le système disparaît  

et inversement 

si les élé-ments sont tous hétérogènes  

il en résulte 

une diversification illimitée 

qui entraîne aussi 

la disparition du système


 

il faut donc 

que les constituants énergétiques d'

un système soient à la fois et contradictoirement 

hétérogènes et homogènes

ainsi  

la production littéraire dépend 

de deux sources d’inspiration contraires 

une force homogénéisante 

centripète 

en relation avec les notions d’uniformité  

de conservation 

de permanence 

de répétition 

de nivellement  

de monotonie  

d’égalité

de rationalité etc.  

et à l’opposé  

une force hétérogénéisante centrifuge 

en relation avec les notions 

de diversité  

de différenciation  

de changement  

de dissemblance  

d’inégalité  

de variation d’irrationalité  etc.


il est évident 

que ce point d’équilibre

des deux sources d’inspiration 

exerce 

une attraction 

sur tous les  grands écrivains 


leurs œuvres prennent en compte 

les deux pôles antagonistes 

dans des proportions différentes 

mais tournent toutes autour de ce foyer  

de mise en tension

toute création contient nécessairement à la fois 

des éléments littéraires et 

contre-littéraires 


c’est le quantum antagoniste qui varie 

c’est-à-dire le point 

de la plus haute tension

entre les antagonismes cons-titutifs de l’œuvre


Lupasco identifie trois orientations énergétiques 

qui donnent lieu à 

trois matières 


1

la matière physique 

où prédomine le principe d’homogénéisation  

que l’on peut rapprocher de la notion d’entropie 

c’est-à-dire de la mort 

des systèmes


la matière biologique 

où prédomine l’hétérogénéisation  

que l’on peut rapprocher de la notion d’entropie négative 

ou néguentropie 

c’est-à-dire de la structuration 

de la vie


3

la matière microphysique  

nucléaire et psychique 

où se produit 

un équilibre 

entre homogénéisation 

macrophysique et hétérogénéisation 

biologique 

la logique classique aristotélicienne du tiers exclu 

ne décrit que la matière physique où règnent 

l’homogénéité et la non-contradiction

 

en ce qui concerne 

les matières biologique et microphysique  

seule 

une logique du contradictoire 

s’avère capable de les appréhender

 

le tiers-inclus et la Pierre philosophale

à laquelle de ces trois matières-là appartiendrait 

la materia prima 

de la littérature alchimique 


il semblerait 

qu’elle soit de nature biologique. 

les alchimistes mé-diévaux 

désignaient le sperme par le mot  Vitriol  

qu’ils lisaient en acrostiche : 


Visita 

Interiora 

Terrae 

Rectificando 

Invenies 

Occultum 

Lapidem 


Visite l’intérieur de la terre 

et en rectifiant tu trouveras la pierre cachée


ils se référaient ainsi à 

la pierre philosophale 

qu’il nous faut fabriquer à partir du semen  

selon 

une transmutation 

de notre propre énergie sexuelle


tous 

les écrits alchimiques 

ne sont que de la littérature


le corpus littéraire alchimique 

est le produit de l’imaginaire  ou de l’imaginal 

si l’on reprend le concept 

d’Henri Corbin


ce n’est pas tant le symbolisme de l’alchimie 

que le dynamisme propre à l’Œuvre qui nous importe  

la compréhension intuitive 

de son opérativité 

poétique 

le processus hermétique 

ne peut pas s’appréhender par la logique aristotélicienne 

qui repose sur les principes d’identité

de non-contradiction et du tiers exclu

en alchimie  l’œuvre se fonde 

sur 


une logique 

du contradictoire 

de type lupascien  


une dualitude constructive 

y remplace la dualité forclusive 

de la logique traditionnelle



parallèlement 

au travail opératif sur 

la matière dans le laboratoire 

se déroule 

un travail spirituel sur soi

on relève ainsi 


une  alchimie extérieure  

et 

une  alchimie intérieure   

où se reflète le processus créateur 

d’

un art radical

l’art hermétique utilise 

quatre éléments et trois principes

les quatre éléments représentent 

des modalités de la matière  

feu eau air terre  


ce sont des actualisations 

des trois substances 

principielles  


Souffre Mercure Sel

la vision alchimique repose sur 

une anthropologie ternaire  

corps-âme-esprit


le Souffre 

principe masculin fixe et actif équivaut 

à l’esprit


le Mercure  

principe féminin volatil et passif 

à l’âme. 


quant au Sel 

à la fois fixe et volatil 

il s’identifie au corps  

lieu de la rencontre entre les forces antagonistes 

du Souffre et du Mercure


au niveau de la dynamique de l’Œuvre

les textes laissent apparaître 

un schéma 

en trois phases désignées par des couleurs


l’Œuvre commence par la mort alchimique  

la dissolution solve des trois principes

de cette première opération  

appelée 

l’œuvre au noir 

il demeure des  cendres   

qui seront ultérieurement réutilisées

le but 

de cette séparation initiale est de permettre 

une nouvelle fixation coagula 

de l’esprit et de l’âme plus soudée 

qu’à l’état naturel


la coagulation transforme le corps 

à partir duquel l’Œuvre va pouvoir se développer

cette seconde phase de l’Œuvre est appelée 

l’œuvre au blanc


dans l’étape suivante 

l’acquisition du Feu l’âme et l’esprit fusionnant 

par le Feu

donnent naissance au corps spirituel


on relève ensuite l’acquisition du Mercure  

où l’âme et l’esprit  

devenus ignescents acquièrent 

une forme corporelle spirituelle  

puis l’acquisition du Soufre 

où il s’agira 

de solidifier cette forme corporelle 

à partir de la récupération des  cendres  restantes 

de l’œuvre au noir 

enfin 

le Mariage du Souffre et du Mercure 

où le Sel catalyseur réalise 

l’union des deux forces antagonistes 

alors l’Œuvre est con-sidérée 

comme achevée avec l’obtention 

de la  

Pierre philosophale 


les trois dernières phases 

sont comprises dans l’opération  appelée 

l’œuvre au rouge

bien sûr les connaisseurs qui ne sont pas toujours des connaissants  pourront nous reprocher cette description chronologique  alors que les différentes phases du processus se déroulent simultanément l’imaginaire de l’alchimie ne se situant pas dans la durée mais dans l’espace  et même plus précisément dans 

un lieu 

l’athanor le corps


l’exposition diacritique 

du processus alchimique était rendue nécessaire 

pour montrer le parallélisme 

de la pensée hermétique 

avec la dialectique contra-dictorielle 

de Stéphane Lupasco


le bouleversement 

du mécanisme logique du tiers exclu 


celui de l’état de veille 

de la conscience profane  


constitue la dialectique de l’alchimie 

en tant que modèle d’

une dialectique 

de l’art radical qui correspond 

à l’événement du tiers-inclus


ce bouleversement de la logique rationnelle 

évoque le 

dérèglement de tous les sens 

dont a parlé 

Arthur Rimbaud 

dans sa célèbre 

lettre du voyant



les deux phases du solve et coagula 

constitue 

une structure polarisante

un système dynamique d’antagonismes 

tel que défini par 

Lupasco



l’alchimiste 

participe et ne participe pas au processus créatif 

étant lui-même l’œuvre

à la fois son sujet et 

son objet


cette réalité transrationnelle 

fait vaciller le principe d’identité de la logique traditionnelle 

si 

A est A 

il ne peut être 

non-A 


la réfutation 

de cet axiome fondamental 

de la métaphysique classique

la division 

entre sujet et objet, 

renvoie à la notion de « niveaux de réalité » 

introduite par 

Basarab Nicolescu 

dans 

Nous

la particule et le monde 


on retrouve ici les données 

de la physique quantique 

où le sujet observateur modifie l’objet observé


le principe de non-contradiction 

A n’est pas non-A

est lui aussi bafoué dans l’œuvre hermétique 

puisque le Souffre et le Mercure

pourtant opposés 

sont harmonisés et soudés

par le Sel


les pôles contradictoires du système hermétique 

ne coïncident pas à partir d’

une dialectique de type hégélien

le Sel n’est pas 

une synthèse qui unirait 

une thèse 

à 

une antithèse



d’ailleurs 

les principes alchimiques 

ne sont ni des contraires 

le Souffre n’est pas le contraire du Mercure

ni des complémentaires

ils constituent 

un système de tension d’antagonismes 


ce qui transfigure 

l’opposition entropique en dualitude créatrice 

ce n’est pas la synthèse hégélienne mais 

le medium 

le Sel

 

l’art radical et le tiers caché

de même que 

le mot composé contre-littérature 

n’a pas la même signification que celui écrit en

un seul mot 

contrelittérature 

le contre-art n’est pas ce que j’appelle 

art radical


l’axiome fondamental 

de la métaphysique classique 

la séparation totale 

entre le sujet et l’objet 

a été réfutée par 

la physique quantique



l’interaction entre le sujet et l’objet 

se joue sur 

un niveau de réalité autre 

que la réalité 

du sujet et de l’objet


le physicien 

Basarab Nicolescu 

a nommé tiers caché ce troisième niveau 

de réalité entre le sujet et l’objet 


voir Basarab Nicolescu, 

le Tiers caché dans les différents domaines de la connaissance

le bois d’Orion 2016



le troisième terme dialectique

le tiers caché

n’est réductible 

ni à l’objet ni au sujet


Basarab Nicolescu l’a défini comme 

une  zone de non-résistance  

entre l’objet et le sujet


telle est la différence 

entre le tiers inclus et le tiers caché 

 

le tiers inclus est logique 

car il se réfère aux contradictoires 

A et non-A 

situés dans la zone de résistance 

tandis que le tiers caché est alogique 

car il se situe dans la zone de non résistance



lorsque j’emploie les termes 

contre-littérature et contre-art

je me situe 

dans la zone de résistance d’

un niveau de réalité

alors que le mot contrelittérature 

s’identifie à l’art radical situé 

dans la zone de non-résistance


on pourrait assimiler 

le tiers caché au metaxu de Platon 

qui signifie 

intervalle


ce qui est 

entre

l’intermédiaire 

qui sépare mais peut aussi relier


Simone Weil

qui reprend ce terme à Platon

donne l’exemple du mur d’

une prison 

qui sépare deux prisonniers 

mais qu’ils peuvent utiliser 

pour communiquer entre eux par des coups frappés  

le mur les sépare et les relie à la fois



comme le sel alchimique 

le tiers caché 

ou le  tiers secrètement inclus 

pour reprendre la dénomination poétique 

de Michel Camus 

est le principe 

qui fonde et unit les contradictions 


le symbole des symboles


lorsque deux êtres 

s’aiment 

ils donnent lieu à Dieu 

 

Dieu est le lieu 

de leur mise en relation

il est le metaxu


le tiers caché 

du niveau de réalité divino-humain 



Dieu est 

le lieu de l’art radical
















































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