samedi, août 29, 2020


J’ai vu 

les noirs Véda

le Coran et l’Évangile

et 


les livres 

aux plats de soie des Mongol

eux-mêmes faits de la cendre des steppes
















du kizäk odorant

comme le font

les femmes kalmoukes chaque matin

faire un feu

et se coucher soi-même sur lui

veuves blanches

cachées dans un nuage de fumée

pour accélérer la venue

du livre


Ce livre un

bientôt vous le lirez     

bientôt


Blanches     

les mers brillent

dans les côtes mortes des baleines


Chant sacré     

voix sauvage mais juste


Et 

les fleuves azur     

sont les marque-pages

où 

le lecteur lit

est l’arrêt 

des yeux qui lisent


Ce sont les grands fleuves 

la Volga 

où 

la nuit on chante à Razine

où 

on allume 

des feux sur les barques


le Nil jaune     

où 

l’on prie le soleil


le Yang-Tsé-Kiang     

où 

est la fange épaisse des humains


la Seine     

où sont vendues 

des femmes aux yeux sombres


et le Danube     

où 

toutes les nuits brillent

des hommes blancs sur les vagues     

sur des barques en chemises blanches


la Tamise     

est l’ennui gris des bâtiments 

dieux pour les foules


l’Ob renfrogné     

où 

on fouette 

le dieu tous les soirs

et où on danse devant un ours 

à l’anneau de fer sur son cou blanc

avant qu’il ne soit mangé par toute la tribu 


et le Mississippi     

où 

les hommes 

ont pris pour pantalon le ciel étoilé

et portent un chiffon de ce ciel sur des bâtons



Le genre humain 

est le lecteur du livre 

et 

la couverture 

porte l’inscription du créateur

mon nom     

archaïques caractères bleus


Mais 

tu lis nonchalamment

plus d’attention !


Tu es trop distrait 

et 

tu regardes en paresseux

comme si c’était les leçons d’un catéchisme


Ces chaînes 

de montagnes enneigées et ces grandes mers


ce livre un

bientôt     

bientôt tu vas le lire


Dans ces pages saute la baleine

et l’aigle     

qui a plié la page de l’angle

se pose sur les vagues marines

pour se reposer 

sur le lit 

du

pygargue



*



des signes 

d’écriture archaïques 

comme si de tout temps la 

couverture du livre portait le nom


Le Livre évoque

par son aspect de  montagnes enneigées 

l’espace nietzschéen

il reprend l’ancien topique du monde comme livre 

dans une version cinétique 


L’aigle 

quitte les sommets

pour se poser sur la mer et devenir 

aigle des mers


Je ne sais si 

Khlebnikov 

pensait à la Thora d’en haut qui suit le même 

mouvement


Quoi 

qu’il en soit

puisqu’encore une fois 

il s’agit du temps 

et plus spécifiquement du temps de la lecture

on pourrait dire que Khlebnikov

là aussi

introduit la discontinuité
























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