31 MAI DUCASSE
on ne rêve que lorsque l’on dort
ce sont des mots comme celui de rêve néant de la vie passage terrestre la préposition peut-être le trépied désordonné qui ont infiltré dans vos âmes cette poésie moite des langueurs pareille à de la pourriture
passer des mots aux idées
il n’y a qu’un pas
les anxiétés
les dépravations
la mort
les exceptions dans l’ordre physique ou moral
l’esprit de négation
les abrutissements
les hallucinations servies par la volonté
les tourments
la destruction
les renversements
les larmes
les insatiabilités
les asservissements
les imaginations creusantes
les romans
ce qui est inattendu
ce qu’il ne faut pas faire
les singularités chimiques
de vautour mystérieux qui guette
la charogne de quelque illusion morte
les expériences
précoces et avortées
les obscurités
à carapace de punaise
la monomanie terrible de l’orgueil
l’inoculation
des stupeurs profondes
les oraisons funèbres
les envies
les trahisons
les tyrannies
les impiétés,
les irritations
les acrimonies
les incartades agressives
la démence
le spleen
les épouvantements raisonnés
les inquiétudes étranges
que le lecteur préférerait ne pas éprouver
les grimaces
les névroses
les filières sanglantes
par lesquelles on fait passer la logique
aux abois
les exagérations
l’absence de sincérité
les scies
les platitudes
le sombre
le lugubre
les enfantements pires que les meurtres
les passions
le clan des romanciers de cours d’assises
les tragédiesles odes
les mélodrames
les extrêmes présentés à perpétuité
la raison impunément sifflée
les odeurs de poule mouillée
les affadissements
les grenouilles
les poulpes
les requins
le simoun des déserts
ce qui est somnambule
louche
nocturne
somnifère
noctambule
visqueux
phoque parlant
équivoque
poitrinaire
spasmodique
aphrodisiaque
anémique
borgne
hermaphrodite
bâtard
albinos
pédéraste
phénomène d’aquarium et femme à barbe
les heures soûles
du découragement taciturne
les fantaisies
les âcretés
les monstres
les syllogismes démoralisateurs
les ordures
ce qui ne réfléchit pas comme l’enfant
la désolation
ce mancenillier intellectuel
les chancres parfumés
les cuisses aux camélias
la culpabilité d’un écrivain
qui roule sur la pente du néant
et se méprise lui-même avec des cris joyeux
les remords
les hypocrisies
les perspectives vagues
qui vous broient dans leurs engrenages
imperceptibles
les crachats sérieux sur les axiômes sacrés
la vermine et ses chatouillements insinuants
les préfaces insensées
comme celles
de Cromwell de Mlle de Maupin et de
Dumas fils
les caducités
les impuissances
les blasphèmes
les asphyxies
les étouffements
les rages
devant ces charniers immondes
que je rougis de nommer
il est temps de réagir enfin
contre ce qui nous choque et nous courbe
si souverainement
Isidore Ducasse Poésies I
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