samedi, octobre 26, 2019






La Espiral



tout simplement

parce que j’aime la figure de la spirale

et son ouverture sur l’infini





loin devant

et aussi

loin en arrière




la spirale 

est 

une ligne
intelligente qui 
sait prendre tout son temps

elle 
revient sur elle-même 
mais 

ne coïncide 
jamais 
avec 
ce qui s’avère 

un point 
de non-retour

elle est 
le mouvement 
de la conscience qui 
modèle le 
devenir



















































voilà comment ça se passe 

blanc   
droite   
léger   
effacer 
terrasse   
gris foncé   
ombre effacer
répéter
encore oublier
dans l’autre sens   
blanc mur derrière   
lumière
loin encore
Ash blue ou bleu de Delft
plis
arche scène   
plus fin horizontal
chaise
c’est ici   
grand ponton
foudre
musique noire

gommer où ça va ?




seul sur scène
vent violent 
tache-montagne
brume blanc gris noir
gris pinceau
l’autre non
l’autre racheter demain
objectif perdu de vue   
trop dit
trop parlé     
appuyer vite fort cogner
bonne lumière quelque chose derrière   
le laisse là
appel fini encore
maintenant regarde
les autres dessins
reprendre plus rouge plus de contraste
là voilà
fini
date
fixer accrocher
encore un peu de noir





deux jours ou une demi-heure

on contient l’infini

inside infinite

remember not

sel noir






































la photographe finlandaise 

Elina Brotherus

a propos de son propre personnage 
souvent représenté de dos 












le dos 
représente le calme

ce n’est pas 
une confrontation

un personnage 
de dos invite le spectateur 
à une contemplation partagée 

le dos est anonyme 

c’est moi 
et c’est vous 
et c’est tout le monde

donc 
ça ne raconte pas 
mon histoire 

et 
chacun peut s’y projeter


































je suis 
partagé d’enthousiasme 

entre
l’éphémère et le définitif

entre
le délibéré et l’improvisé






















je veux 
le monde et le veux
TEL QUEL

et
le veux encore
le veux éternellement

et
je crie
insatiablement
bis !

et
non seulement
pour moi seul mais pour toute la pièce

et
pour tout le spectacle


des villes
des livres des propositions excitantes
des idées
des voyages
des rêves
des rires partagés

tout l’art du passé
de toutes les époques de toutes les civilisations
surgit en moi
tout est simultané
comme si l’espace prenait la place du temps



pour les siècles des siècles 
à genoux
et amen

































la lente sédimentation et la poussière



la lente
sédimentation des années
a balayé

la poussière
des pistes trop attendues



TEMPS PROFOND 



des 
Essais 
de littérature 
arrêtée



*








Au printemps 74, 
d’accord avec le jésuite Spiegel qui disait que les "fesses ont été données à l’homme pour qu’étant commodément assis, il puisse se livrer à son aise à l’étude des choses divines", je disposai autour de ma machine à écrire les 4 à 500 feuillets de ce que j’appelais mon "ensemble rongeur" et j’y allai une dernière fois, dans une langue de vent violent où j’eus beaucoup de peine à ne pas être tué, agité d’un vaste désespoir de danse, de musique et de nudité  Denis Roche.



























d’
un geste familier 

elle
sortait 
de la poche 
droite de sa veste 

le carnet 
de feuilles légères
à la brochure fragile
sur lequel 

elle notait
















à 
un rythme irrégulier
une phrase entendue ou lue
une idée
un rêve
un fragment de récit
une rencontre
une citation ou des titres de livres 
un récit sexuel 
quelques points de repère
une liste de courses diverses
une conversation
qui lui serviraient peut-être plus tard




matière vivante

matrice 
de la littérature 
à venir

































descendre
entre les arbres
dans la lumière d'octobre
où la voix cherche sa couleur




































I’s (pronounced eyes) et After I’s 

sont les deux derniers
recueils de poèmes composés par 
Louis Zukofsky 
dont la forme est encore, 
si l’on veut, 
traditionnelle. 


























Publiés à un an d’intervalle, en 1963 et 1964, ce sont des objets artisanaux, courts volumes – 40 et 26 pages respectivement – publiés en tirages limités par de petits éditeurs. Zukofsky, ensuite, ne publiera plus de tels poèmes courts. 

Ces deux recueils adviennent à un moment important. De jeunes poètes, à New York et ailleurs, découvrent son travail, et y voient une ouverture possible pour une nouvelle poésie américaine. Zukofsky constitue aujourd’hui encore une référence majeure pour l’écriture expérimentale aux États-Unis ; mais cette reconnaissance émergente, dont on entend la trace dans les poèmes ici, est alors inédite pour lui. 



Extrait de la postface de Benoît Turquety.

Heros-Limite

Louis Zukofsky par René Noël