mercredi, mars 06, 2019





un 
logion 

désigne en grec


une
parole 

d’inspiration divine









dans 
l’évangile 
apocryphe de Thomas
les dits de Jésus Christ sont 
des logia  pluriel de 
logion 

en français
logion a donné loge 
et sa suite 

logis
loger
logement


nous 
logeons dans les 
dits

les paroles

nous 
habitons dans les 
mots

Ils 
sont 
cette loggia 
d’où nous regardons
le monde pour essayer de le 
comprendre


de le lire




il
arrive
que nous soyons
délogés

les mots
ont la capacité d’exclure

ils
ne sont pas
toujours accueillants

font alors de nous des migrants

des sans langue




































Peut-on vivre comme si...

Avec les histoires de l’Europe actuelle, 

ce n’est pas seulement qu’on craigne pour sa vie et pour la paix - pour sa paix, mais aussi et surtout les déchirements et les souffrances de la conscience. C’est un mal affreux que l’âme sent en elle, que toutes ces gifles données à la justice. Je ne peux pas t’exprimer combien je suis dégoûté et combien je souffre moralement, je pleure intérieurement sur toutes les souffrances du monde, sur tous les crimes affreux commis par les Etats, à cause d’un orgueil vraiment impie. Nous vivons des temps d’apocalypse et de martyre. Chaque jour notre conscience d’homme est souffletée et on se sent entouré par la lèpre d’un déshonneur permanent, et aussi terriblement menacé par cette mer de crimes, de goujateries, d’actes de cannibalisme, protégés, soutenus par les lois, la presse etc. C’est absolument écœurant et, chaque jour, j’ai plusieurs instants de dur cafard, de honte d’homme que je ne dissipe que par instinct de conservation pour vivre tout de même le reste de la journée. 







Extrait de la lettre de Roland Barthes à son ami Philippe Rebeyrol datée du vendredi [saint] d’avril 1939. 

A cette époque, Roland Barthes combat la tuberculose qui l’oblige à de longues périodes de retrait et d’isolement dans un sanatorium. 

Malgré le silence et le repos imposés par les médecins, malgré la position de repli sur soi auquel il est contraint, Roland Barthes n’éprouve pas moins le frottement au monde, une vive relation à 


l’extérieur du moi






































Elizabeth Bishop


Dans l’art de perdre 

il n’est pas dur de passer maître









tant de choses 

semblent si pleines d’envie

d’être perdues 

que leur perte n’est pas un désastre










tant de choses semblent si pleines d’envie
d’être perdues que leur perte n’est pas un désastre.

Perds chaque jour quelque chose. L’affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l’heure gâchée qui suit.
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître.

Puis entraîne toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes : aux endroits, aux noms, au lieu où tu fis
le projet d’aller. Rien là qui soit un désastre.

J’ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l’avant-dernière de trois maisons aimées : partie !
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître.

J’ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,
des royaumes que j’avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n’y eut pas là de désastre.

Même en te perdant (la voix qui plaisante, un geste
que j’aime) je n’aurai pas menti. A l’évidence, oui,
dans l’art de perdre il n’est pas trop dur d’être maître
même si il y a là comme (écris-le !) comme un désastre.


Elizabeth Bishop, 
Géographie III, traduction de Alix Cléo Roubaud, 
Linda Orr et Claude Mouchard, 
Circé, 1991, p. 58 et 59.



































syllabe 

sacrée syllabe éternelle

couleur indienne

à la fois 

le flou et le manifeste

OM





il est 

tout ce qui était

est

ou peut-être encore


il est 

en même temps 

tout-puissant
tout en restant toujours
non défini





































There’s only one rule I know of

You’ve got to be kind.


Kurt Vonnegut

w































le chemin est infini


il n'y a rien à retrancher

rien à ajouter

et pourtant chacun y va

de sa petite mesure

enfantine



bien sûr

tu dois encore faire ce bout de chemin

on ne vas pas te l'épargner









croire veut dire

libérer en soi ce qui est indestructible

ou plus
exactement

se libérer

ou plus
exactement

être indestructible

ou plus
exactement

être










je suis

ridiculement 
harnaché pour ce monde



le mot  

sein

en allemand 
désigne à la fois

l'existence et l'appartenance




*



la fatigue et l’envie de dormir sont parfois

trompeurs

ne dissimulant qu’en surface la lave

qui sommeille

en moi


c’est avec calme que je regarde 

mon image dans 

le miroir






ce 
qui est 
à côté de moi

c’est 
comme moi-même




























une question / une tentative / une ellipse



je 

me demande dans quelle langue

dormir

c’est une question d’exercice

exercer son œil



une tentative de mettre au jour et

en même temps

de conjurer


Quoi ?










mouvement continu

enchaînements discursifs

mais 

par constellations

rayonnements de synthèse




une 
ellipse englobante

vitesse fixe

zones 
de diffraction



tissu 
sonore en extension

flux 
du temps




le cycle se referme

recommence



*



nous ne disons rien

nous écrivons



cette phrase est un détour

qui nous éloigne de

nous-mêmes



nous ne savons pas clairement

ce que signifie

nous-mêmes




cette phrase pose des questions

au lieu d'être

des réponses préfabriquées



qui parle ici 

?


en faveur de qui 

?

contre qui

?


que signifie nous-mêmes

ici et aujourd'hui

avec qui

pour qui et contre qui

?


pour cela nous nous taisons

nous écrivons


pour cela nous posons des

questions



avec qui ne pas parler

avec qui se taire

?


ET

que faire avec ce silence

ce silence de tout

un peuple

?


POSER DE NOUVELLES QUESTIONS

INVENTER DE NOUVEAUX CORPS

DE NOUVELLES PHRASES






le langage 
est l'ensemble 
des questions possibles
des questions révolutionnaires






































quatre précisions 


1

la première phrase n'ayant pu-être décryptée

que de façon lacunaire

elle n'a pas été traduite


2

le mensonge et l'erreur résident toujours

dans l'opinion

que nous formons touchant l'objet de notre

attente







3

légèreté  mobilité 

subtilité des

atomes



4


ces visions

sont atomiquement réelles

bien que les atomes de l'âme et du corps

de ceux qu'elles représentent soient à jamais

dispersés




































la 

poésie 

est battement 

du sens






les mots me viennent dans le désordre

jamais directement

de manière 

fluide




puis le calme revient




j'ai appris
à déconstruire mon écriture
à me méfier de ce qui vient naturellement



après 
ces combats 
étranges qui se 
déroulent à distance sur 
les crêtes

à l’abri 
des pierres assemblées
des bouches béantes d’hommes 
dans leur respiration 
nocturne



j’utilise 
la matière des textes 
des autres

leur 
emprunte des fragments
pour les copier et les coller les uns 
aux autres


mille 
empreintes nouvelles
et sous des formes toujours variées
demeure toujours
la même




mettre 
en évidence

un 
rythme

des ruptures 
et des liaisons inédites


perception 
d’

une 
présence


respiration précise 
qui s’échappe en courants calmes 
et réguliers



le texte
s’écrit en marge
dans les interstices et les blancs
du récit

les mains
dans les poches de derrière



































une chaise / une plante / une colline 
un gilet / une terrasse / un bâton




cavité 
rocheuse sur la mer

sentier 
pierreux sous les arbres


homme 
endormi sur 

une 
chaise 

près 
d’

une 
plante verte 










image 
avec marque de piqûres

étendue d’eau 
bordée de végétation au crépuscule

étendue d’eau 
avec à sa surface le reflet 
d’

une 
colline



enfant 
assis jambes nues 
avec 

un gilet blanc



homme 
debout entouré de deux femmes 
sous l’auvent 
d’

une 
terrasse de café


jardin 
à la française


femme avec 

un bâton 
fourchu dans sa main



image avec 
rayure  grattage et froissure

chemin de terre 
à travers champs et buissons