samedi, février 16, 2019




Photogénie des ombres peintes

Sandra Moussempès



remplis l’espace de mandibules

en réclamant le silence

ou bien contorsionne-toi essaie d’observer

cette composition de formes voilées :



une 
substitution 
des profils












si anguleuse tient de thème

à défaire s’allonge près de lui

mais la chair les observe sans qu’il soit possible de les entendre

(ainsi grinchent les figures de l’ellipse)

le bruit dans l’espace clôt

une discussion

qui s’envenime en augmentant de volume

nous fabriquons

un dérivé

pour la baigneuse

va dépigmenter le reste de caddy

auprès de qui s’ajoute un sphinx -

un 
long 
plan helvétique -

il ne faut pas scintiller en robe de bal

pour être « normale » avec

un 
doigt 
sanguinolent,

ni fuir le brouillard dans

un 
profond sommeil

tu promets (voix enregistrées)

de ne plus me quitter des yeux

je vois aussi 

un 
sablier 
pourfendu 
se remplir de raisons 





Photogénie des ombres peintes
Sandra Moussempès  Collection Poésie
Flammarion
2009

liminaire

































B R O U I L L Y

une
appellation 
d'origine protégée

l'appellation s'étend autour du mont 

Brouilly

un 
officier 
romain nommé 
Brulius

se serait installé dans la région


le 
cépage 
essentiel 
est le gamay 
noir à jus blanc

































un matin


elle
resta pensive

elle
se souvint

de
son campement

elle
se souvint
de ses parents


c'est 
que je suis venue
de la contrée la plus lointaine
où coule le plus long 
fleuve

































une 
spirale 
époustouflante



un 
récitatif 



une 
curieuse guirlande 

formée 
de chants autour 
de la tour décrite par Joyce 
dans Ulysse

la tour Martello de Sandycove où 
Joyce plaça le début d’
Ulysse











un 
journal de bord
une tentative prosodique

une 
épopée
un roman
un jeu de l’oie
une marelle



les

déplacements

de la tour

c’est à mon tour d’y voir

orientent le récitatif 

une 
nouvelle donne

































fané par l'hiver 
monde monochrome
le vent bruit

M.B



coupole anticyclonique d’altitude

centrée sur la

Suisse


gonflée d’air doux

sub‑saharien











état du ciel

clair

ensoleillement proche de


101 %.




il 

faut admettre

néanmoins 

que la poésie n'est pas partout 

souveraine


































avalanche

veux-tu m'emporter dans ta chute ?

Baudelaire


101

plante de serre

parler d'êtres à la maturité précoce ou

tardive

c'est presque toujours souhaiter la mort

aux premiers


mais cela n'a pas de sens


celui qui mûrit trop tôt vit dans

l'anticipation




























102


courir

dans la rue donne l'impression

qu'on a peur


la chute de la victime est préfigurée

dans sa tentative pour

l'éviter

































vous voyez 
le sable onduler

vous voyez 
ces sortes d'être s'endormir


une
saignée
persévérante


le 
texte 
se dissipe et disparaît 
vivant dans ce milieu de mer 
dont le contact est 
caressant












la 
roche fait oeuvre 
d'

un peu 
de noir sur du blanc de 
caillou