mercredi, septembre 11, 2019



chant 1
strophe 1

Plût au ciel que le lecteur
enhardi et devenu
momentanément féroce comme ce qu'il lit
trouve
sans se désorienter
son chemin abrupt et sauvage
à travers les marécages désolés
de ces pages sombres et pleines de poison

car
à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique
rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa
défiance
les émanations mortelles de ce livre imbiberont
son âme comme l'eau le sucre

Il n'est pas bon que tout le monde
lise les pages qui
vont suivre








quelques-uns seuls
savoureront ce fruit amer sans danger

Par conséquent
âme timide
avant de pénétrer plus loin dans de pareilles landes
inexplorées
dirige tes talons en arrière et non en avant

Écoute bien ce que je te dis
dirige tes talons en arrière et non en avant
comme les yeux d'un fils qui se détourne
respectueusement de la contemplation auguste de la face
maternelle

ou
plutôt
comme un angle à perte de vue de
grues frileuses méditant beaucoup
qui
pendant l'hiver
vole puissamment à travers le silence
toutes voiles tendues
vers un point déterminé de l'horizon
d'où tout à coup part un vent étrange et fort
précurseur de la tempête

La grue la plus vieille et qui forme à elle seule
l'avant-garde
voyant cela
branle la tête comme une personne raisonnable,
conséquemment son bec aussi qu'elle
fait claquer
et n'est pas contente

moi
non plus
je ne le serais pas à sa place

tandis que son vieux cou
dégarni de plumes et contemporain de trois générations de grues
se remue en ondulations irritées qui présagent l'orage qui
s'approche de plus en plus

Après avoir de sang-froid
regardé plusieurs fois de tous les côtés
avec des yeux qui
renferment l'expérience
prudemment
la première

car
c'est elle qui a le privilège 
de montrer les plumes de sa
queue aux autres grues inférieures 
en intelligence

avec
son cri vigilant de mélancolique sentinelle, pour repousser
l'ennemi commun,
elle vire avec flexibilité la pointe de
la figure géométrique

c'est peut-être un triangle
mais on
ne voit pas le troisième côté que forment dans l'espace ces
curieux oiseaux de passage

soit à bâbord
soit à tribord
comme un habile capitaine
et
manœuvrant avec des ailes
qui ne paraissent pas plus grandes que celles d'un moineau
parce qu'elle n'est pas bête
elle prend ainsi un autre
chemin philosophique et plus sûr
































Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire