mardi, octobre 09, 2018



Arguments

Ulises Carrion


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Héros-Limite



ici





Arguments est emblématique de la poésie visuelle et concrète des années soixante-dix. Ce livre n’est composé que de prénoms ; chaque série de prénoms forme un argument ; chaque argument est en soi une petite nouvelle. La mise en scène typographique, les jeux de répétitions et de permutations donnent toutes les indications : pour autant que le lecteur recompose et imagine le fil narratif…



























Argument 8



Stephen                        Beatrice

Stephen              Beatrice

Stephen                              Beatrice

Stephen            Beatrice

Stephen                Beatrice

Stephen                              Beatrice

Stephen    Beatrice

Stephen                Beatrice










Stephen                                  Beatrice

Stephen     Beatrice

Stephen                 Beatrice

Stephen     Beatrice

Stephen                     Beatrice

Stephen                                 Beatrice

Stephen    Beatrice

Stephen                    Beatrice

































une 
rizière

sous

une 
crémeuse brume 
d'automne



sur 
le front mouillé 

ou

dans
la pulpe molle 
des yeux











une fleur

une 
obscure
vague sensuelle

l'aire d'une action

la définition et 
l'attente d'un possible

une 
certaine 
familiarité

une 
forme 
sans destination

une 
poussée

une 
intention verticale et solitaire 
de la pensée





































perce pour voir








15.09.18

Mont-Saint-Michel

je me tourne 
vers le chœur et je regarde 
au sol



j'observe d'étranges lignes 

rouges


elles forment un labyrinthe

dans lequel

contrairement à celui de Chartres

je peux me perdre





certaines lignes aboutissent 

dans les murs


entre les piliers un cercle avec une

excroissance

une tour ronde composée 

d'une entrée

c'est une tour invisible


*

expérimentation 


je 
suis 
dans la tour

je 
contemple

en étant attentif 
à tous mes 
sens




sentir

toucher

goûter

écouter

regarder

n'attendre rien
prendre ce qui vient


je viens de franchir la porte 
invisible

qui me permet maintenant
de percevoir


perce pour voir




L.A.Photographies septembre 2018
































l'air












sans toucher la peau







Marc-Antoine Decavèle









un défaut de présence


l'interruption s'arrondit





































Un livre 

qui essaye de produire un sens 
sans être tenu par l'unité 
d'un titre.











Sentir la voix se risquer, 
dangereusement libre, 
hors de la possibilité d'une réponse, 
à explorer l'espace par la distance.


Le travail d'écriture de Marc-Antoine Decavèle prolonge l'œuvre visuelle et l'on retrouve, par analogie dans son poème, une forme de silence qui pourrait être le lieu de la couleur. L'auteur constitue une toile de mots, il la tisse de peu et la fait tenir sur une temporalité que figure la tourne des pages – lecture littéralement prise entre les lignes, comme en attente. Dans la distance entre chaque énoncé ou fragment se serre une intensité, une force de sens libre, proche du précipice, explorant l'espace pour se construire autour de l'imprévu.


Éric  Pesty  Éditeur









































une 
vague facile

un 
discours 

la vague s'est épuisée

un 
dard brûlant 

pique et frémit dans l'iris 
en velours

















sur la pierre 
sonore de l'escalier

un son
haut et creux










la langue est un corps
de prescriptions et d'habitudes

une 
époque

une 
nature
qui passe 
entièrement à travers
la parole






un 
cercle 
abstrait de vérités

un 
verbe solitaire

un
habitat

une 
provision de matériaux


un 
horizon 
une limite et une station

une 
forme de discours

le plus petit pour le plus grand



































15.09.18

Mont-Saint-Michel

dirigeons-nous 
vers l'église abbatiale














avant d'y entrer
un point à expérimenter

il est marqué au sol
par une pierre en forme de

T










S   



le processus d'élévation 
promis par le S touche un plafond 

il se heurte à une limite  

car le ciel 
ne se laisse pas ouvrir 
par la seule volonté de l'homme 
qui maîtrise les énergies du serpent 

S 

ou du       succès 
ou de la   science 
ou de la   sagesse 

il se frotte à une résistance 
qui bloque la force de son désir 
de monter très haut  

T évoque un  I 

limité par 
le haut  

très exactement 

L' I mite T  

une limite 
c'est un I mis en 
Terre  

un I qui se terre dans sa tombe  

mais aussi 
une imitation du 

L  

de la lumière par 

L imite T  

n'est-ce pas 
cela le drame de tous les système achevés  
imiter le réel sans pouvoir 
le dévoiler ?  

le T évoque donc l'archétype du Tout ou rien 
comme la tombe 
et le silence

Monter 
grâce à sa propre sagesse et 
tomber à cause d'elle












trois
inspirations 
successives sans expirer

puis expirer
profondément jusqu'à 
vider complètement vos poumons






sur l'esplanade 
du plomb du four
la pierre 
en

T


L.A.Photographies 
Mont-Saint-Michel septembre 2018
































un 
pâle visage

une 
syllabe 

brève



un rire bref

un bref 
battement de paupières

















une 
écriture 
en toile d'araignée

une 
jeune 
personne de qualité


une cassure 
faisant s'étrangler la voix


une indétermination s'allonge en geste

*

quatre cercles se croisent

au centre

un point



































Robert de Torigni

ou quelquefois de Thorigny 
Robertus de Torigneio

né à Torigni-sur-Vire 
vers 1110 et mort le 24 juin 1186 









un chroniqueur normand
seizième abbé du Mont Saint-Michel
de 1154 à 1186

grand bâtisseur
diplomate
historien 

conseiller privé 
d'Henri II d'Angleterre



son crâne 
reposait sur un disque de 
plomb







L.A. Photographie 
Mont-Saint-Michel septembre 2018

































15 septembre


Première lettre

Je me suis levé  encore endormi

Un peu de jour

Les jours

Les jours à qui je m'adresse ici

Le temps que nous devenons


naissance

d'Emmanuelle Pagano





































15.09.18

Mont-Saint-Michel

la pierre d'ablution

une cupule taillée peut-être remplie

d'eau de pluie







tel un baptistère naturel  elle engage

le voyageur à y tremper

la main



cupule

En archéologie  une cupule est une dépression circulaire effectuée par un être humain à la surface d'une dalle ou d'un rocher 

Une telle pierre est désignée comme 
pierre à cupules  ou  pierre à écuelles 


si vous devez avoir une pensée
qu'elle soit pour ceux qui ont taillé
cette pierre










L.A.Photographies 
Mont-Saint-Michel septembre 2018