vendredi, mai 18, 2018


30/31


Le temps 


qui t'est imparti 
est 
trop court

si tu perds une seconde 
tu as déjà perdu 
toute ta vie

car elle 
n'est pas plus 
longue 

elle est toujours 
juste aussi longue 
que le temps 


que tu perds













Donc 

si tu as commencé à prendre
un chemin

continue  en toutes
circonstances

tu ne peux que
gagner

tu ne cours aucun
danger

peut-être qu'à la fin
tu tomberas

mais si tu avais fait demi-tour dès
les premiers pas

et si tu avais dévalé les
escaliers

tu serais tombé dès
le début

et ce n'est pas une probabilité mais
une certitude



Donc

si tu ne trouves rien dans les
couloirs

ouvre
les portes

si tu ne trouves rien derrière
les portes

il y a de nouveaux
étages

si tu ne trouves rien
en haut

ce n'est pas
grave

élance-toi dans de nouveaux
escaliers

tant que tu ne cesseras pas
de monter

les marches ne cesseront
pas

sous l'assaut de tes
pieds

elles monteront plus
haut































Mon fils dort

avec ses yeux fermés

Je dis  serre-moi fort

Il fait tellement nuit  personne n'arrive

nous faisons de mauvais rêves

18 mai mort d'Edoardo Sanguineti


*















aujourd'hui

je soussigné Docteur X.C  certifie avoir examiné

Monsieur Lionel André  né le 15.05.1960

et n'avoir pas constaté  à ce jour  de signe clinique apparent

contre-indiquant la pratique du ou des sport(s) suivant(s)

à l'entrainement et en compétition


La Marche Rapide





seule la marche à pied peut vaincre

le capitalisme


la lecture écriture 

aussi






































Ludwig Binswanger   le rêve et l'existence

le sujet du rêve 
n'est pas tant le personnage 
qui dit 
je








une promeneuse qui arpente les bords interminables
d'une plage



mais c'est en réalité le rêve tout entier avec 
l'ensemble de son contenu 
onirique 

la malade qui rêve est bien le personnage
angoissé

mais c'est aussi 
la mer

mais c'est aussi 
l'homme qui déploie son filet mortel

mais c'est aussi
et surtout 

ce monde d'abord en vacarme
frappé d'immobilité et de mort qui
revient finalement au mouvement allègre
de la vie


Le sujet du rêve ou la première personne 
onirique

c'est 
le rêve lui-même 

c'est 
le rêve tout entier


Dans le rêve
tout dit 
je


même 
les objets et les bêtes

même
l'espace vide

même 
les choses lointaines
et étranges




Le rêve 
c'est l'existence se creusant 
en espace désert

se brisant en chaos

éclatant en vacarme
se prenant
bête

ne respirant plus qu'à peine
dans les filets de la 
mort


Le rêve
c'est le monde à l'aube de son premier 
éclatement 

quand il est encore l'existence
elle-même et

qu'il n'est pas déjà l'univers
de l'objectivité

Rêver n'est pas
une autre façon de faire l'expérience
d'un autre monde

c'est pour le sujet la manière 
radicale 
de faire l'expérience de son 
monde

et si cette manière est à ce point 
radicale

c'est que l'existence ne s'y annonce pas 
comme étant le monde



Le rêve se situe à ce moment ultime où 
l'existence est encore 
son monde



aussitôt 

au-delà 

dès l'aurore de l'éveil

déjà 

elle n'est plus































debout dans ce

dans l'or sacré d'une
dans le tournoiement d'une 

à mon âme le chant



dispersez-le



attaché à  la bête qui
rassemblez-moi
dans ce haut



*









l'herbe de la montagne ne peut garder
la forme

de ce lièvre de la montagne qui y gîta
une nuit




la mémoire




























Jabès


La vie dispose de toutes les couleurs qu'elle 

avive 


la mort  d'une seule qu'elle 

impose




L'écrivain et le peintre se séparent
au premier rayon 
du soleil















Une seule couleur pour le vocable

celle de la mort

Une seule mort pour le vocable

celle de la couleur


La couleur de la mort est 

éternelle 

cendres noires et cendres 
blanches que l'eau 
mélange



Le Livre des Ressemblances

































Nous ne voulons pas 

mourir



Nous ne voulons pas

finir

Nous ne voulons pas 

disparaître

Nous ne voulons pas

expirer



Nous ne voulons pas

abandonner











Nous confondons notre propre fin avec 

l'hypothétique 

fin de 

tout


Quelle vanité finalement

Quelle folie


Nous sommes devenus 

si peu 

messianiques


si peu 

ouverts au travail du temps


Si peu 

sensibles à ce qui vient

si peu 

affectés par l'attente




Mais quelle terreur en nous ne veut pas finir ? 


























La question de l'intelligibilité

On veut seulement 

être compris lorsque l'on écrit 
mais certainement 
aussi 

ne pas être 
compris




















Ce n'est nullement encore une objection contre un livre quand il y a quelqu'un qui le trouve incompréhensible : peut-être cela faisait-il partie des intentions de l'auteur de ne pas être compris par 

n'importe qui

Tout esprit distingué qui a un goût distingué choisit ainsi ses auditeurs lorsqu'il veut se communiquer  en les choisissant il se gare contre 

les autres

Toutes les règles subtiles d'un style ont là leur origine : elles éloignent en même temps  elles créent la distance  elles défendent  

l'entrée 

la compréhension  
tandis qu'elles ouvrent l'oreille 
de ceux qui nous sont parents par l'oreille

Et pour le dire entre nous et dans mon cas particulier  je ne veux me laisser empêcher ni par mon ignorance  ni par la vivacité de mon tempérament  d'être compréhensible pour vous  mes amis : ni par la vivacité  bien qu'elle me force   pour pouvoir m'approcher d'une chose  de m'en approcher rapidement



Car j'agis avec les problèmes profonds 

comme avec un bain froid 

y entrer vite

en sortir vite



N  LGS  V  381


































sans os

un silence  
taché d'huile

un soleil maintenu par un pansement sec 

un tain

une glace sans tain  le tain est un bain d'étain
un tissu grand teint
avoir le teint éclatant  un tin de chantier 
naval  

du thym et du laurier

un lustre  
douloureux





elle creuse

un trou ineffaçable

elle remplit

son aquarium de pieuvres végétales















Mines

les disponibilités sont abondantes

la langue 

fond 
dans la bouche


il y a 
bien des raisons pour expliquer 
tout cela



une race éternellement rebelle

une pensée 
acide

une éternelle 
trahison

une croupe épaisse

un crépitement




































184 /185

Détails  faits




Interné le 3 septembre 1939 au camp de Milles
où il demeurera plus d'un an
le peintre d'origine allemande Wols
est assigné ensuite à résidence à
Cassis

Lorsqu'il peut regagner Paris
il abandonne toute sa production
et ne revient dans la capitale
qu'avec une seule valise

Elle contient
seize kilos de coquillages

des pierres
du sable
et rien d'autre


Marcel Cohen