mardi, avril 03, 2018



Pour Michel de Certeau

chaque texte est habitable 

à la manière d'un appartement loué
























Ce n'est pas un hasard si la description des phénomènes culturels passe aujourd'hui par des métaphores d'habitation, et si les modèles du postmodernisme se révèlent être architecturaux. 

Jean-François Lyotard écrit ainsi que 

l'architecture postmoderne se trouve condamnée à engendrer une série de petites modifications dans un espace dont elle hérite de la modernité, et à abandonner une reconstruction globale de l'espace habité par l'humanité .

Cet abandon est une chance historique : à l'origine des futurismes, mais également hélas de tout totalitarisme, on trouve une volonté de table rase. Il ne s'agit pas d'un renoncement individualiste, ni même d'un abandon du progressisme. 

Mais ce nouvel imaginaire d'alliance (Gilbert Durand), qui vient se substituer à l'imaginaire de conflit dont l'apogée fut Mai 68, préfère, à l'éradication des formes du passé, l'aménagement de celles-ci en fonction de comportements inventés ou tout simplement adéquats. 

Aux idéologies de la table rase, nous préférons la modestie d'une Dolce utopia, pour reprendre une expression de Maurizio Cattelon : ne pas reconstruire la fontaine de Trevi, mais s'y baigner. 

Ce que l'on perd en intensité symbolique, on le gagne ici en efficacité, et il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'au-delà de la mainmise du marché sur les modes de vie et du formatage incessant du peuple-client, la politique est aujourd'hui affaire de pratiques, de proximité, d'associations : un univers pragmatique et concret. 

Dans cette chaîne de pratiques, le postmodernisme semble donc rencontrer un contenu, et par conséquent un projet, au-delà des stériles jeux de citations et des «retours à» réactionnaires, masquant trop souvent un rejet de la modernité. 

La «subversion du dedans» qu'évoque Michel de Certeau a même ses modèles politiques. 

Ainsi la ligne d'établissement, prônée par Robert Linhart dès 1967 au sein du mouvement modiste français, et qui consistait pour les militants à préparer l'insurrection en «s'établissant» dans les usines en tant qu'ouvriers de base, préfigurait-elle les tactiques d'habitat d'aujourd'hui :

la politique comme squatt et comme infiltration. 

Ce n'est pas un hasard si notre époque se révèle plus que réceptive à l'écologie, et si notre culture privilégie le recyclage à toute forme autoritaire de création. 

Au lieu de chercher la formule théorique 
d'un monde meilleur

nous voulons apprendre à mieux 
utiliser

celui que nous avons reçu 
en partage

afin d'en développer 
les potentialités

source la mutuelle des formes Nicolas Bourriaud
































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