dimanche, octobre 22, 2017

*

arrive moi désert assouvi 

désolé blanc

finissant

blanc soif pure blanc
sur blanc
bleu

fluctuant sans rive
clarté éclatante
envie 
du

tout imminente 
la nuit incessantes 
les ondes

limpidité d'eau mer 
d'outremer
midi

sans cesse mont blanc 
bleu seul
mort

flot montant né 
net névé si 
vierge

retour repos rive reverdissant 
salant
de l'

aube sel soif blanche 
torrent terrain
fluent

totalité sans ombres vacant 
sonore
vacant 
sonore

neige d'antan


*






























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22 OCTOBRE

Mort de Paul Cézanne

Je continue à travailler : il n'y a que le travail,












difficulté qui donne la satisfaction.

Il faut poursuivre,

je dis toujours la même chose.


*





























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*

Les années passent,
années qui ne
manquaient pas,
j'imagine,
d'incidents


Quelque part,

quelque là,

confusion à tout va,

empêtrée dans le langage.






























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.


Sa vie

22

voulait-elle dire gouttière ou

guitare

comme cordage ou collage








le livre était une sorte de

protection

parce que son intrigue était 

meilleure


écoute tomber les gouttes

les limites de la personnalité


je lisais plusieurs livres 

à la fois

en général trois

plus encore si plus vite


difficile de se détourner de l'eau 

qui bouge


s'il ne se passe rien dehors 

à la fenêtre

regarde les livres































.


*

LE PORC

Je peindrai ici l’image du Porc.


C’est une bête solide et tout 

d’une pièce ; 

sans jointure et sans 

cou, 

ça fonce en avant comme un 

soc. 














Cahotant sur ses quatre jambons trapus, c’est une trompe en marche qui quête, et toute odeur qu’il sent, y appliquant son corps de pompe, il l’ingurgite. Que s’il a trouvé le trou qu’il faut, il s’y vautre avec énormité. Ce n’est point le frétillement du canard qui entre à l’eau, ce n’est point l’allégresse sociable du chien ; c’est une jouissance profonde, solitaire, consciente, intégrale. Il renifle, il sirote, il déguste, et l’on ne sait s’il boit ou s’il mange ; tout rond, avec un petit tressaillement, il s’avance et s’enfonce au gras sein de la boue fraîche ; il grogne, il jouit jusque dans le recès de sa triperie, il cligne de l’ ?il. Amateur profond, bien que l’appareil toujours en action de son odorat ne laisse rien perdre, ses goûts ne vont point aux parfums passagers des fleurs ou de fruits frivoles ; en tout il cherche la nourriture : il l’aime riche, puissante, mûrie, et son instinct l’attache à ces deux choses, fondamental : la terre, l’ordure.

Gourmand, paillard ! si je vous présente ce modèle, avouez-le : quelque chose manque à votre satisfaction. Ni le corps ne se suffit à lui-même, ni la doctrine qu’il nous enseigne n’est vaine. « N’applique point à la vérité l’ ?il seul, mais tout cela sans réserve qui est toi-même. » Le bonheur est notre devoir et notre patrimoine. Une certaine possession, parfaite est donnée.

- Mais telle que celle qui fournit à Énée des présages, la rencontre d’une truie me paraît toujours augurale, un emblème politique. Son flanc est plus obscur que les collines qu’on voit au travers de la pluie, et quand elle se couche, donnant à boire au bataillon de marcassins qui lui marche entre les jambes, elle me paraît l’image même de ces monts que traient les grappes de villages attachés à leurs torrents, non moins massive et non moins difforme.

Je n’omets pas que le sang de cochon 

sert à fixer l’or.


Paul Claudel

Connaissance de l’Est 

1900





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Andy Wahrol

Fiesta pig

1979

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Éloge du porc

30 septembre 2011

Philippe Sollers 

la règle du jeu



Contrairement à sa légende impure, le porc est une merveille de netteté, de charme et de complétude. Sade, en prison, a envie d’en manger, il écrit donc à sa femme en l’appelant « porc frais de mes pensées ». Mozart était très amateur de « carbonade », et c’est peut-être l’une d’elles qui l’a empoisonné à Vienne. Claudel, enfin, dans son apologie Le Porc, n’oublie pas de rappeler que le sang de porc « sert à fixer l’or ».

Le dictionnaire nous dit que « porc », appliqué à un être humain, veut dire « homme sale, débauché, glouton ». Quelle erreur ! La viande de porc est la variété et la délicatesse mêmes. Voilà un animal alchimiste qui transforme toute ordure en or. Le comportement pig est un ratage de ce processus d’une finesse extrême. J’ai peu à peu abandonné le bœuf pour le porc, en ne gardant, comme viandes, que la tête et le ris de veau. D’une certaine façon, j’allais vers la Chine qui, comme on sait, a son Année du Cochon.

Le porc, cette perle. Tout est bon, chez lui, rôti, côtelettes, jambon, jambonneau, saucisson, saucisses, travers, pied. Le féminin de porc, « truie », ne convient pas. Il faut dire porce. Dans Une saison en enfer, Rimbaud dit qu’il « a aimé un porc ». Je peux exprimer, sans me vanter exagérément, que j’ai aimé bien des porces, je veux dire des femmes vraiment mangeables, ce qui n’est pas si courant.

Demandez à ma femme, Julia Kristeva, de vous préparer une palette de porc, avec des rondelles d’ananas et des clous de girofle. Ce plat est une splendeur. Vous buvez en même temps un margaux, et la perfection est là. Le rôti de porc, selon moi, doit se manger froid, et le choix de la moutarde compte. Pour les amateurs impénitents de mayonnaise, c’est le moment de l’employer savamment.
Le saucisson va avec le whisky, ils s’appellent.

Et maintenant vous allez nous dire que vous aimez la choucroute en hiver ? 
Évidemment.

Avec le porc, vous êtes d’emblée dans la grande culture occidentale, en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie. 

Comment ne pas évoquer le jambon très fin (le San Daniele), et le mot d’entrée, prosciutto, avant le dîner ? 

Le jambon de Parme vous fait penser à Stendhal ? 
Vous avez raison. 

Le porc, enfin, se marie on ne peut mieux avec les pâtes : 
goûtez-moi cette carbonara.

On m’a compris : 
le porc est rejeté ou haï à cause de son infini. 

Je garde quand même le poulet, mais il faut qu’il soit préparé, une fois par an, dans l’île de Ré, par Valérie Solvit. Sinon, poisson, et encore poisson.

Mais ceci est une autre histoire.

Philippe Sollers