dimanche, avril 10, 2016

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La lettre des lettres



















Les Français n’ont pas conscience de l’incroyable richesse qui gît dans leur langue, ils ne savent pas que la lettre la plus fréquente, la plus cachée, la plus oubliée, la plus mystique et fantasque, la seule qui soit capricieuse, la lettre qui marque le féminin avec bien plus de discrétion et d’efficacité que le (a), cette lettre savante, imprononçable et sans caractère, cette lettre indispensable à la respiration de la langue, typiquement française, cette lettre est la plus méconnue de toutes.

On peut comparer le (e) à l’aleph, l’aleph biblique, la lettre des lettres, la lettre par excellence, la lettre qui ne figure même pas dans le tétragramme bien qu’elle soit l’initiale de toutes. Les locuteurs d’une langue sont les moins aptes à percevoir ses richesses, et les français ignorent qu’ils ont un aleph invisible dans leur langue. Un grec, lui, peut s’en apercevoir, parce que sa langue maternelle n’a ni aleph ni (e).

La fonction du (e) est de représenter l'inaudible. S'il pouvait y avoir une pure musique, elle n'aurait pas d'autre contenu que cette lettre. Comme la musique désire parler mais en est incapable, elle se réfugie dans les creux, dans les blancs du discours. Quand nous chantons, nous ne parlons pas. Il y a place pour un autre genre de son. Nous l'écoutons passionnément. Une lettre muette désire parler, mais elle en est, par elle-même, incapable - puisqu'elle est muette! mais rien n'est perdu, car la musique parle pour elle. Armando Benjoz































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