dimanche, septembre 20, 2015

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Quand un physicien 
et un jazzman se rencontrent, que font-ils ? 










Des anagrammes. Un jeu savant et loufoque qui consiste à mélanger les lettres d'un mot pour en former un autre. C'est ainsi que les tripes ne sont pas sans esprit, les morues sans moeurs, le pirate sans patrie, le sportif sans profits et l'étreinte sans éternité. Cette opération malicieuse peut même révéler le sens caché des noms et des expressions. Avec Klein et Perry-Salkow, la madeleine de Proust devient un don réel au temps idéal, le Canard enchaîné brandit la canne de l'anarchie et, dans la courbure de l'espace-temps, ils voient le superbe spectacle de l'amour. Cela n'est qu'un début... Car nos auteurs aiment déchiffrer les énigmes. Quelle loi discrète ont-ils découverte dans la chute des corps ? Quelle sentence prémonitoire dans Marie-Antoinette d'Autriche ? Quelle vérité profonde dans Albert Einstein ? Quelle coquetterie surprise chez la marquise de Pompadour ? Ils font surgir les réponses tapies dans le secret des mots et les accompagnent de saynètes ou de portraits.



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Quelques anagrammes 


Claude Levi Strauss 
a des avis culturels

La théorie de la relativité restreinte 
vérité théâtrale et loi intersidérale

Le Radeau de la Méduse 
au-delà de la démesure

Le commandant Cousteau 
tout commença dans l’eau

L’origine de l’univers 
un vide noir grésille

L’origine du monde, Gustave Courbet
ce vagin où goutte l’ombre d’un désir

Le marquis de Sade 
démasqua le désir

Etre ou ne pas être, voilà la question 
Oui, et la poser n’est que vanité orale

Et les particules élémentaires
tissèrent l’espace et la lumière































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Se répéter
avec Tertullien

















si le surnaturel 

était compréhensible
il ne serait pas le surnaturel 

c'est justement 
parce qu'il outrepasse les facultés 
de l'homme 

qu'il est divin 






Photographie
Ironbridge by Ella Ruth




































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la fragile paix de la lecture

je m'absente now
















toute entreprise humaine

comporte une part d'illusion





le rapport entre liberté et destin

est le même qu'entre la force

centrifuge et la gravitation



si j'inverse les termes

tout bascule





























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 Pris dans leur isolement, 











tous les mots de ce texte m'étaient clairement compréhensibles, et pourtant la signification de l'ensemble demeurait brouillée, à certains tours mal explicables de la phrase, à l'accumulation superflue de précautions de langage là où on les attendait le moins, je pressentais que, pour le rédacteur, la charge exacte de signification impliquée çà et là dans quelque terme d'apparence banale n'avait pu être exactement la même que celle que j'y attachais. Gracq, Le Rivage des Syrtes.






























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does the past

begin ?


Manon 














petite traduction

commence

le passé ?


coeur ancien





regarde ce que tu

attends 



une page

de feu  un nuage

coeur nouveau


























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Lecture-Jour


















19 & 20

la suite simple des jours




des orchestres entiers

d'associations.


à force de revenir dessus

cela se serrera





reste à poursuivre

c'est toujours ce qui reste à dire

et poursuivre c'est d'abord

recommencer




que suis-je en train de faire 
que puis-je faire
dans mon travail ?


lire comme une phrase

stratégie possible

lecture grammaticale dans laquelle
les cartes tiennent lieu respectivement
de sujet et de verbe 




Photographies Manon Vacher






























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Vincenzo Balocchi































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Gilles Deleuze
















Les voyages d'immigrants sont des voyages sacrés




Je ne hais pas les voyages, je hais les conditions, pour un pauvre intellectuel, de voyager. Peut-être que si je voyageais autrement, j’adorerais les voyages. Mais chez les intellectuels qu’est-ce que ça veut dire voyager ? Ça veut dire aller faire une conférence à l’autre bout du monde, au besoin, et avec tout ce que ça comporte avant et après : parler avant avec des gens qui vous reçoivent gentiment, parler après avec des gens qui vous ont écouté gentiment, parler, parler, parler… Alors, c’est le contraire du voyage, un voyage intellectuel. Aller au bout du monde pour parler, ce qu’il pourrait faire chez lui, et pour voir des gens avant pour parler, et voir des gens après pour parler : c’est un voyage monstrueux. Alors ceci dit, c’est vrai que je n’ai aucune sympathie pour les voyages. Mais ce n’est pas un principe chez moi, je ne prétends pas avoir raison, dieu merci. Mais pour moi, si tu veux, je me dis « Mais enfin, mais enfin, qu’est-ce qu’il y a dans le voyage ? » D’une part, ça a toujours un petit côté de fausse rupture. Ça, je dirais, c’est le premier aspect, moi… qu’est-ce qui me gêne, je réponds uniquement pour moi, qu’est-ce qui me rend le voyage antipathique ?

Première raison, c’est que c’est de la rupture à bon marché. Je sens tout à fait ce que disait Fitzgerald : il ne suffit pas d’un voyage pour faire une vraie rupture. Si vous voulez de la rupture, ben faites autre chose que des voyages parce que finalement qu’est-ce qu’on voit ? Les gens qui voyagent, ils voyagent beaucoup et puis après ils en sont même fiers, ils disent que c’est pour trouver un père. Il y a des grands reporters, ils font des livres là-dessus. Ils ont tout fait, ils ont fait le Vietnam, l’Afghanistan, tout ce qu’on veut, et ils disent froidement qu’ils n’ont pas cessé d’être à la recherche d’un père. C’est pas la peine. Le voyage ça a un trait quand même très œdipien, en ce sens. Alors bien, bon, je me dis « Non, ça va pas, ça ».

La seconde raison il me semble, je suis très touché par une phrase admirable, comme toujours, de Beckett qui fait dire à un de ses personnages à peu près, je cite mal, c’est encore mieux dit que ça : « On est con, quand même pas au point de voyager pour le plaisir. » Alors cette phrase, elle me paraît parfaitement satisfaisante. Moi je suis con, mais pas au point de voyager pour le plaisir. Ça, non, quand même pas.

Et puis il y a un troisième aspect du voyage, alors tu me dis « nomade », oui. J’ai toujours été fasciné par les nomades, mais c’est précisément parce que les nomades, c’est des gens qui voyagent pas. Ceux qui voyagent, c’est les émigrants, il peut y avoir des gens extrêmement respectables qui sont forcés de voyager. Les exilés, les immigrants, ça ça c’est un genre de voyage, alors, dont il est pas question de se moquer parce que c’est des voyages sacrés. C’est des voyages forcés, c’est des voyages… bon, ça très bien… Mais les nomades, ils ne voyagent pas, eux. Les nomades, au contraire, à la lettre, ils restent immobiles, c’est-à-dire, tous les spécialistes des nomades le disent, c’est parce qu’ils ne veulent pas quitter. C’est parce qu’ils s’accrochent à la terre, c’est parce qu’ils s’accrochent à leur terre. Leur terre devient déserte, et ils s’y accrochent. Ils peuvent que nomadiser dans leur terre. C’est à force de vouloir rester sur leur terre qu’ils nomadisent. Donc, dans un sens on peut dire : « Rien n’est plus immobile qu’un nomade. Rien ne voyage moins qu’un nomade. » C’est parce qu’ils ne veulent pas partir qu’ils sont nomades. Et c’est pour ça qu’ils sont tout à fait persécutés.


Et puis enfin après c’est le dernier aspect du voyage qui me rend pas très… Là je le trouvais… Il y a une phrase, là, de Proust très belle qui dit : « Finalement qu’est-ce qu’on fait quand on voyage ? On vérifie toujours quelque chose. » On vérifie que telle couleur qu’on a rêvée se trouve bien là. À quoi il ajoute, c’est très important, il dit : « Un mauvais rêveur c’est quelqu’un qui ne va pas voir si la couleur qu’il a rêvée est bien là. » Mais un bon rêveur il sait qu’il faut aller vérifier, voir si la couleur est bien là. Ça, je me dis, ça c’est une bonne conception du voyage. Mais sinon…

extrait de l’Abécédaire, V comme voyage


Source Oeuvres Ouvertes






























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Claude Favre


















. légèreté précision détermination
. les jeunes pousses sur les coteaux sableux
. mais d’où viendra le vent
. monter à la phrase s’entêter
. écrire n’est pas tailler les rosiers
. risque absolu







. écrire action incertaine soumise à condition
. tu me prendrais dans tes bras 
. si j’aimais que ce qui a eu lieu se répète
. alors que j’aime l’imparfait du futur
. et volte comme quoi le cerveau initie le mouvement
. tandis qu’écrire déjoue les conditions
. désaccords des temps c’est du passé que point de départ
. et le rapport du présent au futur je préférerais
. ne pas souhaiter pas tant désirer nous
. écrire tant hasarde





. sinon je chronomètre les fourmis
. j’écris de rien
. j’écris ça détend



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Notes d'écritures bordelines 

Oeuvres Ouvertes

ici




























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